Nouveau départ (Saga des Cazalet, tome IV) : long live the Cazalets !

C’est toujours un immense bonheur que de découvrir dans sa boîte aux lettres un colis d’un éditeur. Mais, alors, quand le colis en question cache le dernier tome de la saga des Cazalet : Nouveau départ, le coeur s’emballe, les petits cris stridents dignes d’une souris hystérique retentissent, les mains s’affolent et la joie incommensurable éclate. (Et j’en profite donc pour remercier chaleureusement les éditions La Table Ronde de leur confiance et de ce grand moment de ravissement.) Nous voici donc de retour à Home Place, aux côtés de La Duche et du Brig vieillissants, de Rachel l’indéfectible, Edward le volage, Hugh le sage attristé et Rupert l’indécis… accompagnés de leur progéniture. Petit rappel : à la fin du troisième tome de la saga des Cazalet : Confusion, nous étions laissés en apnée par le retour au bercail de Rupert.

Nouveau départ : une famille qui s’éparpille (avec parcimonie)

Nous reprenons exactement au même endroit : Rupert débarque à Home Place sous le regard attendri de sa mère, La Duche, et celui, plus inquiet, de sa femme (délaissée pendant cinq années), Zoë, à des années lumières de la jeune femme égocentrique et frivole qu’il avait laissée avant de partir sur le front. Nous sommes en 1945 et la guerre est à peine finie que la vie trépide. La question se pose de quitter Home Place pour regagner Londres : Rachel, La Duche et le Brig dans un appartement non loin de celui de Sid ; Zoë et Rupert dans la maison de Hugh, afin de faciliter les retrouvailles et de s’épargner des moments d’intimité qui les met mal à l’aise ; Villy dans une petite maison sans domestique… et rapidement désertée d’Edward, qui prend enfin son courage à deux mains et la quitte pour s’installer avec sa maîtresse de longue date, Diana. Quant aux enfants (qui ne sont plus vraiment des enfants et qui se débattent avec l’entrée dans la vie adulte, en ayant une pointe de nostalgie face à leur enfance colorée et riante de Home Place), Clary et Polly vivent toujours ensemble ; la première travaillant pour un agent littéraire égoïste aux idées trop arrêtées et la seconde étant employée dans une agence de décoration d’intérieur, au sein de laquelle elle peut laisser libre cours à son goût pour les belles matières et les couleurs. Louise se débat toujours dans son mariage malheureux. Et les autres… je vous laisse le découvrir !

C’était devenu une sorte de refrain rituel, pas tant une déclaration qu’une opération de colmatage, sans laquelle tout risquait de fuir. Cette pensée la terrifia : il lui paraissait incroyable, presque inconcevable, qu’une chose qu’elle désirait depuis si longtemps ne lui procurât pas un bonheur délirant. (…) Elle avait d’abord mis son insatisfaction sur le compte de l’incertitude : ne pas savoir s’il allait jamais quitter Villy pour vivre avec elle — il l’avait fait — (…). Pourtant son sentiment de déception persistait, doublé désormais de l’obligation morale d’être folle amoureuse de quelqu’un qui avait fait tout ça pour elle. Enfouie quelque part, parce qu’elle ne voulait pas en faire une certitude, se trouvait aussi la crainte qu’il ne ressente la même chose.  Nouveau départ - Elizabeth Jane HOWARD

Nouveau départ : une suite qui transporte d'allégresse

Mais comment serait la vie sans les Cazalet ? Indéniablement terne et sans saveur. Quelle agréable famille. Quel plaisir que de se plonger entre ces personnages si différents les uns des autres et unis par une profonde tendresse. Que de retrouver La Duche, toujours aussi clairvoyante. Rachel, toujours aussi dévouée mais également prête à enfin se donner le droit au bonheur. Hugh, sur le point d’abandonner sa tristesse (bien qu’il soit un peu délaissé dans ce volet). Louise qui cherche à son indépendance comme clef pour se retrouver. Clary qui se débat, Polly qui rayonne… Tout un petit monde auquel nous nous sommes habitués car si attachants dans leurs faiblesses et leurs qualités. (Et quelle satisfaction personnelle que de voir que les prémices ressentis dans le précédent tome aboutissent dans Nouveau départ !) C’est donc avec délice que je me suis replongée dans l’univers de cette famille si particulière imaginée par une Elizabeth Jane Howard au sommet de son art, qui sonde avec bienveillance et délicatesse les moindres recoins de l’âme humaine et qui excelle toujours autant à déceler les remous des personnalités féminines. Encore une fois, j’ai été transportée par la Saga des Cazalet, véritable fresque romanesque aux perspectives multiples qui se déguste sans modération et se savoure avec délectation… malgré un petit goût doux-amer à l’idée de devoir bientôt les quitter pour de bon (et mon petit coeur aura bien du mal à s'en remettre, l'année prochaine).