Là où chantent les écrevisses : ode merveilleuse
[Carozine dévore le roman Là où chantent les écrevisses - Delia OWENS]
Parmi les romans qui s’empilèrent entre mon anniversaire et Noël se trouvait un livre que j’ai croisé à de nombreuses reprises sur mon groupe de lecture adoré (le Picabo River Book Club, spécialisé dans la littérature nord-américaine) et instagram : Là où chantent les écrevisses, de Delia Owens. Le temps étant ce qu’il est et les journées persistant à ne durer que 24 heures, la Crevette étant ce qu’elle est et le travail également, je n’ai pas osé investir au moment de sa sortie en librairie car ma pile de livres à lire est déjà suffisamment impressionnante pour me donner des suées froides. Mais il est resté dans un coin de ma tête. Et je suis tellement heureuse de l’avoir reçu en cadeau et de m’être plongée dedans car, nom d’un petit bonhomme en mousse, pour un premier roman, Delia Owens nous a pondu là une véritable pépite. Allez, on se tartine d’anti-moustique, on enfile des bottes en caoutchouc et on file entre les pages de Là où chantent les écrevisses.
Un marais n'est pas un marécage. Le marais, c'est un espace de lumière, où l'herbe pousse dans l'eau, et l'eau se déverse dans le ciel. Des ruisseaux paresseux charrient le disque du soleil jusqu'à la mer, et des échassiers s'en envolent avec une grâce inattendue —comme s'ils n'étaient pas faits pour rejoindre les airs— dans le vacarme d'un millier d'oies des neiges.
Puis, à l'intérieur du marais, ça et là, de vrais marécages se forment dans les tourbières peu profondes, enfouis dans la chaleur moite des forêts. Là où chantent les écrevisses - Delia OWENS
Là où chantent les écrevisses : une sauvageonne abandonnée de tous (ou presque)
1969. Le corps sans vie de Chase Andrews stagne au coeur du marais, au pied d’une vieille tour de guet, et laisse perplexe le shérif de la petite ville côtière de Barkley Cove : aucunes traces autour du cadavre. Rien. Le néant.
1952. Kya a 6 ans quand elle voit sa mère remonter le chemin en direction de la ville, escarpins en alligator des grandes occasions aux pieds. Et malgré son jeune âge, la fillette sait que Ma ne reviendra pas de si tôt… et ses autres frères et soeurs ne tarderont pas à faire de même pour s’épargner les colères fulgurantes d’un père porté sur la bouteille. Seule Kya reste. Trop jeune. Mais heureusement sacrément dégourdie. Elle amadoue son père en apprenant la cuisine et le ménage jusqu’à l’arrivée d’une lettre de Ma qui déclenche la fureur et le départ de Pa. Kya a 7 ans et reste seule. À pêcher. À vendre des moules à celui qui veillera sur elle de loin. Et à observer le marais et les multiples créatures qu’il abrite. Jusqu’au jour où Tate apprivoise la Fille des Marais. Lui apprend à lire. À aimer.
Cette plume qui forme un arc gracieux au-dessus de l'oeil, et pointe vers l'arrière, au-delà de sa tête si élégante. L'un des trésors les plus précieux des marais côtiers, là sous ses yeux. Elle n'en avait jamais trouvé aucune mais compris aussitôt ce que c'était, car elle avait observé les hérons de près toute sa vie. Cet oiseau a la couleur d'une brume grise qui se reflète dans l'eau bleue. Comme la brume, il peut s'évanouir dans le décor et disparaître complètement, à l'exception des cercles concentriques de ses yeux fixes et perçants. C'est un chasseur patient, qui attend seul le temps qu'il faut pour se jeter sur sa proie ou, en la guettant, il s'en approche lentement, un pas après l'autre comme une demoiselle d'honneur prédatrice. Là où chantent les écrevisses - Delia OWENS
Là où chantent les écrevisses : un marais qui palpite
Là où chantent les écrevisses est d’une beauté délicate : l’écriture de Delia Owens est aussi mélodieuse que l’eau sautillante d’un ruisseau et fait palpiter ce marais à chaque page. Mais, surtout, Delia Owens a su dresser un magnifique portrait de femme libre, tout en délicatesse, en zones d’ombres et de lumières, et l’on suit avec enchantement la destinée palpitante de cette sauvageonne qui a oublié d’être bête et qui observe ce marais qu’elle aime tant, qui fait partie d’elle. Qu’elle protège de la bêtise des hommes qui n’y voient bien souvent qu’un terrain à exploiter, en oubliant les richesses impalpables qu’il recèle. Les personnages sont travaillés en douceur. Les paysages absolument magiques, rendus vivants par la plume envoûtante de Delia Owens qui traduit merveilleusement cette nature luxuriante, tantôt hostile ou salvatrice. L’intrigue est parfaitement maîtrisée. Et quelle héroïne que Kya ! J’ai été transportée par Là où chantent les écrevisses. C’est un roman foisonnant, incroyablement beau et émouvant. Palpitant. Passionnant. Une vraie pépite. Un vrai trésor à lire encore et encore.
À ce moment précis, le vent se leva, et des milliers et des milliers de feuilles jaunes de sycomores furent arrachées de leurs branches pour traverser le ciel. Les feuilles d'automne ne tombent pas, elle volent. Elles prennent leur temps, errent un moment car c'est leur seule chance de jamais s'élever dans les airs. Reflétant la lumière du soleil, elles tourbillonnèrent, voguèrent et voletèrent dans les courants. Là où chantent les écrevisses - Delia OWENS
Les détails du livre
Là où chantent les écrevisses
Auteur : Delia OWENS
Traducteur : Marc AMFREVILLE (V.O. : Where the Crawdads Sing)
Éditeur : Points
Prix : 8,50 €
Nombre de pages : 480
Parution : mai 2021
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
Autres lectures de Carozine : Nouveau départ (Saga des Cazalet, tome IV) : long live the Cazalets !.