Le sortilège de Stellata : enfiévré et passionnant
[Carozine dévore le roman Le sortilège de Stellata - Daniela RAIMONDI]
Il m’aura fallu deux bonnes semaines (qui a dit que les vacances avec un enfant étaient vraiment des vacances ?! Entre les sorties piscine, les créations en argile, la peinture et autre activité, trouver du temps pour lire relève de l’exploit !) pour venir à bout d’une lecture dénichée au détour d’un rayon de Mollat : Le sortilège de Stellata. Mais quelle lecture ! Le petit bandeau annonçait un mélange entre Luca di Fulvio et Elena Ferrante, et je dois dire que je n’aurais pas pu trouver mieux comme comparaison. Allez, j’arrête de brûler les étapes et je reprends du début ! Plongeons entre les pages du roman Le sortilège de Stellata.
"Tout a commencé avec la Tsigane."
C'est ce que me répétait souvent ma grand-mère, dans son tablier blanc, les manches retroussées jusqu'aux coudes, en préparant la pasta. Elle laissait tomber les oeufs dans un volcan de farine et commençait à me raconter l'histoire de notre ancêtre tsigane. Un mouvement léger du poignet, crac, un oeuf ; un autre mouvement, crac, un autre.
Elle travaillait la pâte et elle parlait, elle pleurait, elle riait. Elle était persuadée que c'était à cause du mariage d'un de nos ancêtres avec cette Tsigane, deux siècles pus tôt, que la moitié de la famille avait la peau claire et les yeux bleux, quand l'autre naissait avec des cheveux noir corbeau et des yeux de jais. Le sortilège de Stellata - Daniela RAIMONDI
Le sortilège de Stellata : une famille tumultueuse
Stellata est un petit village planté sur les rives du Pô. Il y a fort fort longtemps, le déluge accompagne l’arrivée des Tsiganes et une série d’événements fortuits les empêche de repartir… sans que les habitants aient réellement le temps de s’en rendre compte, les Tsiganes deviennent une habitude.
Giacomo Casadio, solitaire, mélancolique et visionnaire, décide de créer des arches pour le transport fluvial… Bon, il ne subit que des échecs et ses arches coulent à chaque fois. A 45 ans, toujours puceau, il rencontre la sulfureuse et magnifique Viollca, aux longs cheveux noirs et aux robes criardes, avec qui s’amorce le destin familial (en cela quelque peu aidé par la maîtrise des potions et des arts divinatoires de l’aïeule) et la collision des cultures. Un premier enfant naît avec des « yeux de vieux » qui observent : Dollaro (oui oui, de la monnaie américaine, histoire qu’il ne connaisse jamais la faim), vrai moulin à paroles qui finit par épouser Domenica, avec qui il aura 8 enfants (certains ont la santé, hein !). Le premier, Achille, blond aux yeux bleus, féru de géométrie et de légères tendances aux divagations (comme celle de vouloir calculer le périmètre du purgatoire dantesque), se laisse emporter par un prédicateur et s’engage pour lutter contre l’Autriche… il est sauvé de la mort par une belle et fougueuse novice, tout aussi passionnée d’algèbre que lui (et qui décide de le suivre quand il quitte le couvent) : Angelica…
– Quand ça arrivera, tu le sauras. Tu n'auras aucun doute.
– Je peux vous poser une question ?
– Bien sûr.
– Que ressent-on quand on est amoureux ?
Elle réfléchit un peu, puis elle répondit :
"C'est comme boucler la boucle. Tu rencontres quelqu'un et, dès le premier instant, tu sais que cette personne sera tout, le bien et le mal, tu sais déjà ce qu'elle va t'offrir et à quel point elle te fera souffrir." Le sortilège de Stellata - Daniela RAIMONDI
Le sortilège de Stellata : une poignante saga familiale
… Et ce n’est que le début de cette longue lignée d’enfants issus d’un improbable mélange. En pointillé, derrière cette formidable saga familiale se dessine l’histoire de l’Italie, depuis le « joug autrichien » (on y croise d’ailleurs Garibaldi) et la longue guerre qui en découle (et qui nous rappelle que les grands de ce monde se divise les pays comme ils l’entendent en fonction de leurs intérêts mais en envoie d’autres mourir à leur place), l’exode vers l’Amérique, l’arrivée de Mussolini, la révolution prolétarienne… Daniela Raimondi s’attache à certains des descendants de cette longue lignée de sang mêlé, de rêves et de liberté farouche. Malgré l’immense panoplie de personnages, j’ai eu une petite préférence pour la belle Adèle, qui s’exile au Brésil pour y épouser un homme qu’elle ne connaît pas encore (mais qui aura une patience d’ange), Rodrigo… et mon cœur s’est gonflé plus d’une fois pour Neve, jeune fille espiègle qui enchaîne les grossesses et perd son bonheur en cours de route. Le sortilège de Stellata est une lecture palpitante, portée par un souffle follement romanesque (l’héritage Luca di Fulvio, donc) et un petit côté factuel (cette fois, nous voilà chez Elena Ferrante). C’est une immense réussite que cette épopée familiale légèrement teintée d’ésotérisme. Daniela Raimondi nous transporte aux côtés de cette immense galerie de personnages truculents, nous envoûte et nous émeut. On ne peut qu'en redemander !
Mais il est temps de s'en aller, maintenant. Il est temps de vivre les années qui nous restent dans la quiétude du souvenir, dans l'ampur pour les enfants, dans les petits bonheurs de tous les jours. Il est temps d'oublier nos guerres et nos défaites, en apprenant à nous réjouir de la force secrète des rêves et des moments de répit qui nous sont accordés : le parfum du bois qui brûle, les lumières au fond de la campgane, les dieux du grand fleuve et les premiers brouillards d'automne sur Stellata. Le sortilège de Stellata - Daniela RAIMONDI
Les détails du livre
Le sortilège de Stellata
Auteur : Daniela RAIMONDI
Traducteur : Manuela CORIGLIANO (V.O. : La casa sull'argine. La saga della famiglia Casadio)
Éditeur : Pocket
Prix : €
Nombre de pages :
Parution :
Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
Autres lectures de Carozine : [Dépoussiérez les classiques !] La Dame aux Camélias.