Le festin : pépite savoureuse
[Carozine dévore le roman Le festin - Margaret KENNEDY]
Ce que je peux aimer trouver des surprises dans ma boîte aux lettres ! (Non, alors, il est vrai qu’il faudrait être franchement mal embouché pour ne pas apprécier de telles surprises.) Dernièrement, j’y ai découvert le roman de Margaret Kennedy, Le festin. Alors, je ne vais pas vous mentir et prétendre avoir une culture littéraire pharamineuse : je ne connaissais absolument pas Margaret Kennedy avant de me plonger dans Le festin, et, vous savez quoi ?, c’est bien dommage d’être passée à côté d’elle si longtemps. Parce que, fichtre diantre et mortec**, elle est plutôt sacrément douée. Allez ! Empoignez votre panier de pique-nique, tartinez-vous de crème solaire et plongez entre les pages du roman Le festin.
En septembre 1947, le révérend Gerald Seddon, de St Frideswide, Roxton, s’en fut comme chaque année passer quelques semaines chez le révérend Samuel Bott, de St Sody, Cornouailles.
C’étaient de vieux amis et leurs vacances ensemble constituaient leur plus grand plaisir. Car Bott, qui n’avait pas les moyens de s’absenter, s’accordait une espèce de congé pendant que Seddon était chez lui. Il troquait alors la soutane qu’il portait en tout autre temps contre un vieux pantalon de flanelle et un chandail et il s’en allait observer les oiseaux sur les falaises. Le festin - Margaret KENNEDY
Le festin : un hôtel qui vivote
Nous sommes en Cornouailles, en 1947. La Grande-Bretagne se remet laborieusement de ses blessures de guerre et, à Saint Sody, le révérend Seddon vient rendre visite, comme chaque été, à son ami le révérend Bott. Sauf que cette fois, pas de partie d’échec au programme. Mince. Car figurez-vous que les falaises de granit de la pointe de Pendizack ont eu le mauvais goût de s’écrouler sur une pension de famille… et Bott est chargé de rédiger l’oraison funèbre. Et il n’est pas vraiment inspiré.
Bon, ce n’est pas vous dénaturer le roman que vous dire que les falaises s’écroulent, pas de panique, non seulement la couverture vous l’indique, mais les premières pages vous mettent au coeur du sujet.
Alors, il raconte l’histoire de la pension de famille à son ami, car il y a eu des survivants. Place alors au récit des derniers jours de cet hôtel pas comme les autres, blotti sous un promontoire et accueillant des hôtes aux natures bien différentes : les Paley, vieux couple ayant décidé de ne plus se parler pour faire face au deuil de leur fille unique, bien des années auparavant ; Miss Ellis, l’intendante qui se porte mieux quand elle en fait le moins et qui se nourrit de ragots ; Nancibel, la bonne dévouée et maligne ; les Gifford et leurs nombreux enfants pas vraiment élevés mais bien nourris ; la veuve Cove et ses trois filles modèles et ternes ; le chanoine Wraxton réputé pour ses fabuleuses colères et sa fille écrasée ; les Siddal, propriétaires de l’hôtel.
Sa bouffée d’angoisse ne reflua que lorsqu’elle eut traversé la plage et se trouva à mi-chemin du cap. Mais l’angoisse disparue, la désolation revenait. Le désespoir l’envahit si irrésistiblement qu’elle se demanda comment elle pouvait encore percevoir le calme et la beauté si purs du paysage. Mais ses sens continuaient à lui dire que le ciel, la mer, les falaises et la plage étaient beaux, qu’il y avait de la musique dans le murmure des vagues et que les brises du soir sentaient les ajoncs en fleur. Le festin - Margaret KENNEDY
Le festin : un roman réjouissant
La couverture pimpante, graphique et franchement bien trouvée, abrite une vraie pépite. Le festin (je vous préviens, un titre pareil appelle forcément des comparaisons et des adjectifs qui versent dans le cliché) est un pur régal à savourer. D’une plume fluide et diaboliquement ironique, Margaret Kennedy croque à merveille ces personnages issus de toutes classes sociales, et nous offre ainsi un instantané réjouissant de la bourgeoisie de l’après-guerre (notamment, mais la classe ouvrière n’est pas en reste, non plus !). C’est absolument délectable. Les sept pêchés capitaux se mêlent avec allégresse au sein de cette pension de famille et Margaret Kennedy les expose avec espièglerie, justesse et délicatesse (et une bonne rasade d’humour). On se prend d’affection pour certains de ces personnages (tous merveilleusement bien travaillés et hauts en couleurs), y compris pour l’irrécupérable Dick Siddal, clairvoyant, indolent et inconséquent. Le festin est savoureux, pétillant, intelligent et diablement réjouissant. Un furieux coup de coeur !
Mrs Cove n’avait jamais recherché leur affection. Mais elles ne la jugeaient pas, ni ne se révoltaient cotre elle. Celle-ci dominait et gouvernait leur vie à la manière d’un client hostile et elles acceptaient sa loi comme un mal inévitable, échappant à sa dureté par instinct plus que par raison. Car leur mère n’avait de contrôle que sur leur vie extérieure et matérielle ; elle n’avait pas de prise sur leur âme. Elle n’avait jamais pénétré leur imagination ni tenté de leur inspirer une quelconque idée. Le festin - Margaret KENNEDY
Les détails du livre
Le festin
Auteur : Margaret KENNEDY
Traducteur : Denise VAN MOPPÈS (V.O.: The Feast)
Éditeur : La Table Ronde
Prix : 24,00 €
Nombre de pages : 480
Parution : 3 mars 2022
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
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