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L'arbre à pain : chronique tahitienne savoureuse

[Carozine dévore le roman L'arbre à pain (Chroniques de Tahiti, 1) - Célestine HITIURA VAITE]

Carozine lit le roman L'arbre à pain - Célestine HITIURA VAITE
Il y a des livres comme cela sur lesquels vous tombez au détour d’une critique ou d’un petit papier accroché sur sa couverture dans votre librairie adorée. Alors vous l’achetez. Vous le rangez consciencieusement dans votre pile à lire. Et vous passez à autre chose. Oui. Parce que, fondamentalement, la pile à lire (qui est en fait une rangée, en ce qui me concerne) repose sur l’anarchie : vous achetez de manière compulsive pour faire face à une pénurie (principe totalement inconnu de vous puisque vous avez toujours des idées de lecture dans tous les sens et toujours un livre dans un coin, mais passons… c’est un peu comme Sheldon Cooper se préparant à l’invasion de la planète par une troupe d’aliens : ça n’arrivera jamais, mais tout de même, mieux vaut prévoir que se retrouver l’air bête), vous entassez et vous lisez un livre que vous avez acheté encore plus récemment parce que sa couverture vous plait encore plus. Et puis, après avoir fait passer en priorité un, puis deux, puis six romans, vous retournez voir votre pile. Bon. Et le problème est alors que vous ne vous souvenez plus vraiment de la raison pour laquelle vous avez acheté ce livre. Mais le titre continue de bien vous plaire, alors, faute de mieux, vous commencez enfin sa lecture. Et là, c’est l’extase. Ouf. Alors, aujourd’hui, je vous parle d’un chouette coup de coeur : L’abre à pain (Chroniques de Tahiti, 1), de Célestine Hitiura Vaite. Et si j’arrive à vous donner envie de le lire ou de le sortir de votre PAL, alors ce sera une jolie victoire !

Materena aime bien les films d’amour.
Quand il y a un film d’amour à la télévision, Materena s’installe sur le canapé, croise les mains et ne quitte pas l’écran des yeux. Elle ne balaye pas, elle ne repasse pas, elle ne coupe pas les ongles de ses pieds, elle ne range pas ses linges. Elle ne fait rien d’autre : elle regarde son film.
Les films d’amour chavirent le coeur de Materena et il lui arrive même d’imaginer qu’elle est l’héroïne. L'arbre à pain - Célestine HITIURA VAITE

L'arbre à pain : une famille tahitienne (presque) comme les autres

L'arbre à pain - Célestine HITIURA VAITE [ed. 10/18]
Materena est une fringante trentenaire dotée de trois enfants qui ont bien grandi et d’un Pito, son amour d’adolescente qu’elle a choisi, et il faut bien toute sa meilleure volonté pour supporter sa grande carcasse affalée sur le canapé pendant qu’elle s’excite à faire tourner la maison. Un soir d’ivresse, Pito la demande en mariage. Materena repose son éponge (elle nettoyait sa cuisine), le regarde longuement et dit « OK ». Parce que, bon, le mariage ne fait pas vraiment partie de ses fantasmes, elle est bien comme ça, Materena. Et elle a la tête sur les épaules, suffisamment de travail pour occuper son esprit et ne pas penser aux grandes histoires d'amour, sauf quand elle regarde une comédie romantique bien guimauve à la télévision. Sauf que bon. À la réflexion, une bague au doigt et une jolie robe, ça peut être sympa… et il n’en faut pas plus pour la faire gamberger.

Pito a dit à Materena : ce qu’il a envie et ce qu’elle achète, c’est jamais la même chose, alors c’est mieux si elle se casse plus jamais la tête pour lui acheter des cadeaux d’anniversaire.
Alors Materena ne va pas se casser la tête pour lui chercher un cadeau d’anniversaire cette année. Elle est un peu triste parce qu’elle aime bien offrir des cadeaux d’anniversaire, mais c’est comme ça. Mais là, elle passe devant un magasin de vêtements et il y a une chemise sur un cintre dans l’entrée qui lui saute aux yeux. L'arbre à pain - Célestine HITIURA VAITE

L'arbre à pain : toutes les couleurs de Tahiti

L'arbre à pain - Célestine HITIURA VAITE [ed. 10/18]
De cette proposition de mariage (aussitôt oubliée par Pito à peine formulée) découle toute la trame de L’abre à pain. Léger ? Peut-être. Mais, en même temps, Célestine Hitiura Vaite ne cherche pas l’intrigue à défriser votre permanente. Non. Elle cherche l’authenticité. Et elle utilise sa demande en mariage foireuse pour dérouler les fils de cette famille tahitienne comme les autres : on découvre les histoires familiales au gré des rencontres de Materena : le lit de sa cousine Rita (vierge jusqu’à ses 32 ans) ; la naissance rocambolesque d’Isidore Louis Junior ; la cousine Moeata à qui l’on refuse un prêt pour n’avoir jamais rendu une pièce de monnaie…. et j’en passe. L’écriture de Célestine Hitiura Vaite est directement transcrite de la langue orale chaude et colorée de Tahiti (cela surprend un peu les premières pages et on se laisse rapidement bercer) pour mieux dépeindre cette famille généreuse, attachante (et les dialogues impayables !). À travers la famille de Materena, c’est un peu de l’histoire de Tahiti et, surtout, sa culture ancestrale qui palpitent. L’abre à pain (Chroniques de Tahiti, 1) est enlevé, gai, rythmé, avec des personnages hauts en couleurs parfaitement saisis. Une fresque familiale lumineuse et émouvante qui m’a tenue hors du temps pendant quelques heures.

Materena ne voit pas comment elle pourrait leur demander ce genre de dépense. Elle en est même à se demander comment elle a pu imaginer ça ! Quel manque de coeur ! Il vaudrait mieux laisser tomber cette histoire de lit. Ou bien le payer elle-même, mais là, il va falloir qu’elle demande un crédit beaucoup plus long.
En fait, se dit Materena tristement, il vaudrait peut-être mieux laisser tomber toute cette histoire de mariage. Pas étonnant que les Tahitiens se marient si peu. Entre les cadeaux, le tama’ara’a, la bière, le vin… Laisse tomber. Autant continuer à vire dans le pêché. L'arbre à pain - Célestine HITIURA VAITE

Les détails du livre

L'arbre à pain

Auteur : Célestine HITIURA VAITE
Traducteur : Henri THEUREAU (V.O.: Materena Mahi, Book 1)
Éditeur : 10/18
Prix : €
Nombre de pages : 408
Parution : 20 mai 2021

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

Autres lectures de Carozine : Le festin : pépite savoureuse.

. 6 March 2022. Caroline D.