Stone Rider : un roman magnétique (rentrée littéraire 2015 - jeunesse)
[Carozine dévore le roman Stone Rider - David HOFMEYR - dès 13 /14 ans]21 Août 2015
Allez, hop, on y va, en route pour l’aventure… (oui, bon, évidemment, les non trentenaires ne comprendront pas l’humour suranné, et n’auront probablement pas l’air de la publicité Banga dans la tête en lisant ces quelques mots, mais ce n’est pas bien grave) Et l’aventure du jour (bonjour) consiste à poursuivre notre exploration de la rentrée littéraire 2015, version jeunesse, avec un opus qui ne devrait pas laisser les adolescents indifférents : Stone Rider, de David Hofmeyr. Hollywood ne s’y serait d’ailleurs pas trompé et un film devrait en être tiré très prochainement. Avec un soupçon de Mad Max (pour le côté motard, amour et vengeance), Sergio Leone (pour le décor poussiéreux à souhait et ces cow-boys modernes), Stone Rider aura de quoi plaire… et pas uniquement aux adolescents.
Ca va saigner. C’est pour ça qu’ils sont là, ces trois Pilotes. Sombres. En file indienne.
Ils accélèrent par à-coups, penchés en arrière sur leur selle, dirigeant leurs engins fougueux avec des bras frémissants. Trois Pilotes sur des békanes basses, presque surréalistes, qui se cabrent et miroitent au soleil. Leurs visières dorées et leurs combinaisons brillantes sont maculées de terre. Ils traversent furieusement un paysage pilonné par le vent, et montent sur le flanc d’une montagne noire. Stone Rider - David HOFMEYR
Stone Rider : une "békane" ; un adolescent et une Course
A une époque que l’on souhaiterait ne pas connaître, au sein d’un désert brûlant, dominé par la masse sombre d’un volcan et ravagé par une météo toxique, la petite ville de Blackwater devient le point de mire : la Course de Blackwater s’apprête à commencer. Adam Stone, 15 ans, vient de passer de longs mois à travailler pour un viel aveugle et économiser suffisamment d’argent pour participer à cette Course légendaire : un parcours semé d’embûches mortelles ; une centaine de pilotes prêts à tout pour terminer premier car, au bout du circuit se trouve un billet simple pour la Base, petit paradis (supposé) inconnu des Laissés-pour-compte dont l’existence, s’il ne participent pas à la Course, se résume à la mine et à une mort précoce. Si partir pour la Base est le fantasme d’Adam Stone, il rechigne à abandonner son frère Frank, pilote de Course vétéran ayant perdu une jambe dans la bataille… et à laisser derrière lui la féline et magnifique Sadie Blood (békanicienne de la ville), dont il est secrètement amoureux. Tandis qu’Adam Stone se baigne dans les eaux noires du lac de Blackwater, un mystérieux jeune homme s’approche de lui : des yeux d’un jaune étrange à la lueur changeante ; un corps sinistré par de profondes cicatrices et une beauté dangereuse… Kane ne ressemble à personne mais, malgré la menace que représente ce Pilote hors pair, Adam Stone ne peut s’empêcher de lui faire confiance. Et, alors que ses chances de survie sans faire la Course se réduisent à néant, Adam Stone décide enfin de se lancer dans l’aventure pour laquelle il a été préparé toute sa vie : la Course de Blackwater sur sa békane, une Longthorn héritée de son père, puis de son frère.
Le vieux doit avoir l’esprit embrouillé par la bibine, parce qu’Adam ne voit aucun signe annonciateur de pluie. Pas un seul nuage d’orage en vue. Juste la traînée de fumée blanche, comme une marque de craie à demi effacée - un souvenir du décollage de la fusée.
Le vieux tend la main. Le billet jauni volette entre ses moignons de doigts crasseux. C’est le dernier billet dont Adam a besoin pour s’inscrire à la Course. Le billet qui lui permettra de s’en aller à son tour. Il le prend d’une main tremblante, l’enfonce dans sa poche arrière avant que le vent puisse le lui arracher. Stone Rider - David HOFMEYR
Stone Rider : un univers apocalyptique pour un roman hypnotique
David Hofmeyr, avec son roman Stone Rider, propose un petit ovni dans la littérature jeunesse : un roman de motard (qui saura, néanmoins, trouver sa cible auprès des filles) mais, surtout, un roman âpre, comme la poussière et les pluies de souffre qui imprègnent chaque page de Stone Rider. En général, je ne suis pas une grande fan de ces romans dystopiques façon Hunger Games (et d’ailleurs, la Course meurtrière comme seul point de salut d’adolescents prêts à tout pour un avenir meilleur dont ils n’ont entendu que des rumeurs car personne n’est jamais revenu de la Base, bref, cette Course présente bien des similitudes avec Hunger Games, mais passons) ; cependant, Stone Rider a su tirer son épingle du jeu. Cet univers poussiéreux et aride est magnétique (pas hyper original, certes, mais bien fait), de même que ses personnages : trois adolescents aux tempéraments aux extrêmes opposés face à de redoutables adversaires, ne reculant devant aucune bassesse. Adam Stone est un garçon un brin timide et mal dans sa peau, assailli de syncopes qui ne tombent, évidemment, jamais au bon moment et ayant quelques difficultés à adopter le tempérament courageux dont il aimerait être affublé ; en revanche, il possède un coeur d’or qui pourrait signer sa perte, dans ce monde brutal. A ses côtés, Sadie Blood, la fille panthère au caractère de feu (mais étrangement sous-exploité, ce qui est franchement dommage car elle mérite mieux que d’être cantonnée au rôle de fille qui griffe ou se retrouve en détresse)… et le fascinant Kane, que rien ne semble toucher, dont le passé trouble se révèle au gré de l’intrigue et apporte un nouvel éclairage sur cette personnalité frondeuse qui a tendance à écraser celle de notre héros. Mais, vous le savez, rien n’est aussi simple : entre amour et vengeance, dangers à surmonter et instinct salvateur, Adam Stone va évoluer, gagner en profondeur et Stone Rider prend alors la tournure d’un roman initiatique plus sensible qu’il n’y parait. Oui, parce qu’entre les « békanes » et les frondes, on pourrait perdre de vue le fait que Stone Rider est un roman pas complètement crétin et pas uniquement branché sur la testostérone. Certes, les motos ont une sorte de personnalité et sont un personnage à part entière de Stone Rider (l’écho du Pilote qui en pénètre la mécanique est d’ailleurs une trouvaille intéressante), (re)certes, la violence sourde à chaque page, cependant Stone Rider est un peu plus qu’un roman de motard. L’air de rien, David Hofmeyer y évoque la difficulté du deuil et de l’abandon, l’impératif de s’adapter tout en conservant son identité, de ne pas se perdre dans la soif de violence et de vengeance, mais également l’importance de son passé pour construire la personne que nous sommes (que nous choisissions de nous en éloigner radicalement ou de nous inspirer de ses leçons). L’écriture, quant à elle, est sèche, abrupte et (en toute logique) reste le point noir de Stone Rider, à mes yeux. Néanmoins, elle s’adapte parfaitement à la vision cinématographique de David Hofmeyr, à son univers implacable et épouse divinement les courbes de cette Course farouche vers la liberté. Stone Rider est un premier tome et je dois avouer que je suis assez curieuse de savoir comment David Hofmeyr mènera sa barque dans la suite, comment ses personnages évolueront car, oui, Stone Rider est un roman que l’on a du mal à reposer malgré ses défauts. Un roman âpre et magnétique.
Tout est différent sur sa békane. C’est le seul endroit où il se sente libre.
Le moteur gronde. Les rafales chaudes du vent d’ouest lui cisaillent la figure. Le soleil lui brûle la nuque. Toutes ses pensées au sujet du vieux Dragg s’envolent.
Il prend le chemin de halage du lac. Passe devant la cabane de bûcheron abandonnée, traverse la forêt de cèdres brûlés jusqu’au vieux ponton. L’itinéraire qu’il emprunte toujours les journées de chaleur comme celle-ci, quand l’air est chargé de poussière et que tout bouge au ralenti.
Tout sauf la békane. Stone Rider - David HOFMEYR
Les détails du livre
Stone Rider
Auteur : David HOFMEYR
Editeur : Gallimard Jeunesse
Prix : 15,00 €
Nombre de pages : 320
Parution : 20 août 2015
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
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