Atlantia : de la dystopie sous-marine pour un roman d'anticipation "young adult"

En ces jours estivaux de forte chaleur, quoi de mieux que de se plonger dans l’océan ?! Avouez que je suis plutôt sympa avec vous, avec mes lectures pour vous rafraîchir les idées ! Bon, en l’occurrence, il s’agit surtout d’apporter de la fraîcheur à vos adolescents… mais rien ne vous interdit d’y plonger le nez ! On retourne donc à la littérature jeunesse, avec les romans ados pour être plus spécifique (et j’aime être précise, rigueur militaire oblige !), et, aujourd’hui, je vous parle d’un auteur dont j’ai (évidemment) entendu parler (surtout quand je passais mes journées à remettre de l’ordre dans les rayons de livres et à pointer du doigt le dernier Marc Levy -ou Guillaume Musso, au choix) avec sa première trilogie, Promise and co : Ally Condie. L’Américaine n’est pas décidée à lâcher le filon aussi rapidement et elle nous propose un nouveau roman ado, flirtant avec la SF façon Le monde inverti (j’ai bien dit « façon » : Ally Condie propose une certaine vision d’un monde futuriste, exactement comme Christopher Priest ou même Aldous Huxley… néanmoins, elle n’en a pas tout à fait la puissance évocatrice). Bref, autant de détours pour vous annoncer qu’en cette guillerette journée, je vous parlerai donc d’Atlantia, le dernier roman jeunesse signé Ally Condie.

Atlantia : une ville sous-marine ; deux jumelles et un dilemme

Bay et Rio sont des soeurs (fausses) jumelles et sont confrontées, en ce jour de commémoration de la Division, au choix de leur vie : opter pour Atlantia ou remonter à la surface. La Division ? Il y a de cela bien longtemps, alors que l’air sur Terre était trop pollué pour espérer sauver toute la population, il fut décidé d’envoyer une partie des Hommes sous la mer, dans la toute nouvelle cité d’Atlantia, formée de bulles et alimentée en air par des pompes. Comment cette Division pouvait fonctionner ? En séparant les familles : sacrifier les parents En Haut dans la pollution pour sauver les enfants En Bas, à Atlantia… du moins est-ce la version officielle répétée chaque année par le Ministre d’Atlantia lors de la cérémonie de commémoration. Rio n’a qu’une idée en tête : vivre En Haut pour voir les arbres, sentir le vent et regarder les étoiles. Elle en rêve depuis sa plus tendre enfance. Malheureusement pour elle, sa mère vient de mourir et Bay, sa jumelle, lui a fait promettre de rester à Atlantia avec elle. Résignée, Rio accepte et choisit de vivre En Bas. Quelle n’est donc pas sa surprise quand elle entend Bay prononcer devant les habitants d’Atlantia qu’elle choisit une vie de sacrifice… En Haut. A partir de ce moment tragique, Rio n’aura de cesse de comprendre la trahison de Bay. Mais remonter les fils la décision de Bay implique également de se plonger dans les eaux plus troubles entourant la mort de sa mère : la Ministre Océana a-t-elle été assassinée ? Pourquoi a-t-elle été retrouvée morte devant la porte de sa soeur, Sea, une sirène des mers aux ténébreux pouvoirs, alors qu’elles ne se parlaient plus depuis des années ?

Atlantia : une intrigue rondement menée pour un roman ado qui transporte

En surfant sur les mythes de l’Atlantide et des sirènes, Ally Condie tape dans le mille. Certes, nous sommes (très) loin de l’écriture de Proust ou de la puissance narratrice d’Huxley, mais son style alerte et sans détour fonctionne très bien… de même que le décor qu’elle plante avec Atlantia (et dont on aurait aimé qu’il soit plus détaillé afin de réellement créer une ambiance ; néanmoins, l’imagination comble les brèches !). Dès les premières pages, elle interroge sur le choix d’une vie, sur la trahison, la fraternité… mais également sur le fonctionnement de cette société reposant un peu trop sur des dieux créés de toute pièce et un Ministre tout puissant, l’implacable Névio. Et les ingrédients prennent bien : très vite, nous sommes emportés par le tourbillon, respirant avec Rio, dénouant avec elle les fils ayant conduit au choix de sa soeur. Et c’est une autre grande force d’Atlantia : Ally Condie nous offre un personnage féminin bien campé, au caractère tumultueux et fonceur… ayant, évidemment, un secret que l’on découvre rapidement et qui la rend spéciale. Face à elle se trouve un autre personnage féminin fort, Sea la sirène sorcière des mers, plein d’ambiguité, ainsi qu’un chevalier servant au charme indéniable, le jeune True Beck. Tous deux, à leur propre manière, aideront Rio à se trouver et à comprendre le départ de Bay. Car, oui, Ally Condie signe avec Atlantia un roman d’apprentissage (plutôt bien fait, d’ailleurs). Alors, certes, ce n’est pas une trame hyper originale, mais Ally Condie sait s’y prendre et nous mener par le bout du nez (souvent, on la devance un peu, certes… mais nous avons quelques lectures de plus que nos adolescents, qui restent la cible première d’Atlantia, ne l’oublions pas), nous proposer une intrigue qui emporte grâce à des personnages à la psychologie travaillée. Atlantia est un roman captivant malgré quelques failles, résolument éloigné de toute mièvrerie (l’histoire d’amour naissant est mignonnette mais non ridicule), avec un décor sous-marin et futuriste qui imprègne chaque page.