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Silo [Wool] : de la dystopie bien faite

[Carozine dévore le roman Silo [Wool] - Hugh HOWEY]

27 Avr. 2016

Carozine lit le roman Silo [Wool] - Hugh HOWEY
J’avais prévu de rédiger cette chronique hier, mais le neurone était amorphe… Peu importe ! Aujourd’hui, on (re)fait une pause dans l’univers jeunesse et on attaque (il était temps… je suis bigrement en retard !) la sélection du mois d’avril du Jury Le Livre de Poche Littérature avec le premier roman : Silo, signé Hugh Howey (Wool, en V.O… je ne suis pas certaine de bien comprendre le rapport avec la laine, mais il doit me manquer une référence culturelle). Un bon petit pavé (on devrait pouvoir casser une vitre avec ses 700 pages et quelques !) qui se laisse dévorer plus rapidement que prévu. Et heureusement, car je viens d’entamer le Virginie Despentes (deuxième roman de cette sélection littérature), et ce n’est vraiment pas ma tasse de thé… Enfin, passons aux choses sérieuses, cessons de tergiverser et attaquons le roman Silo de front, tel le taureau furieux s’élançant vers le toréador ! (Oui, je sais, ma comparaison est moisie.)

Les enfants jouaient pendant qu’Holston montait vers sa mort ; il les entendait crier comme seuls crient les enfants heureux. Alors que leurs courses folles tonnaient au-dessus de lui, Holston prenait son temps, et chacun de ses pas se faisait pesant, méthodique, tandis qu’il tournait dans le colimaçon, ses vieilles bottes sonnant contre les marches.
Les marches, comme les bottes de son père, présentaient des signes d’usure. La peinture n’y tenait que par maigres écailles, surtout dans les coins et sur l’envers, où elle était hors d’atteinte. Le va-et-vient ailleurs dans l’escalier faisait frémir de petits nuages de poussière. Holston sentait les vibrations dans la rampe luisante, polie jusqu’au métal. Ça l’avait toujours ébahi : comment des siècles de paumes nues et de semelles traînantes pouvaient éroder l’acier massif. Silo - Hugh HOWEY

Silo : un abri sous terre, des Hommes entassés et un univers toxique

Silo [Wool] - Hugh HOWEY [ed. Le Livre de Poche]
Nous sommes en Proust sait quelle année et les Hommes se sont enterrés dans un immense silo, afin d’échapper à l’air toxique qui anéantit doucement notre planète et sa flore. L’organisation y est quasi militaire et tout y est sous un contrôle absolu : les naissances sont sujettes à une loterie ; les velléités de rébellion sont matées dans l’oeuf et les éléments perturbateurs sont expédiés à l’extérieur, dans des tenues qui ne résistent pas bien longtemps à l’air corrosif (suffisamment longtemps, cependant, pour nettoyer les caméras qui filment les images des montagnes arides environnantes et sont retransmises dans le grand salon du silo) ; chaque niveau du silo s’est vu attribué une fonction, et, au vu du nombre de marches à gravir pour interagir d’un niveau à l’autre, rares sont ceux qui font le chemin, en dehors des porteurs ; un maire régit tout ce petit monde, aidé dans sa tâche par un shérif. Holston. À trente ans et des poussières, Holston commence à sérieusement se demander ce qu’il y a dehors et ne cesse de se répéter les derniers instants (et découvertes) de sa femme, Allison, envoyée manu militari à l’extérieur, afin d’apaiser ses idées révolutionnaires. Obsédé par la vision de sa femme gravissant la colline, Holston se décide à la rejoindre… Il endosse alors le scaphandre devant lui permettre de nettoyer les caméras et de rejoindre la montagne, sort, et s’émeut devant la beauté du spectacle verdoyant qui s’étale sous ses yeux, à mille lieues des images marronnasses diffusées dans le grand salon du silo. Pourquoi l’élite du silo aurait-elle tant menti ? L’air ne serait-il pas si toxique ? Autant de questions existentielles auxquelles Holston ne pourra jamais répondre : son casque l’étouffe et il s’écroule raide mort auprès de sa femme. À l’intérieur du silo, le maire Jahns doit se doter d’un nouveau shérif. L’adjoint Marnes a d’ailleurs une petite idée de la personne idéale pour le poste : Juliette, une jeune femme débrouillarde enfouie au niveau des machines, cent étages plus bas. Mais, la nomination de Juliette au poste de shérif ne sied pas franchement au responsable du DIT, unité toute puissante qui semble contrôler beaucoup trop de choses à l’intérieur du silo…

C’était la plus grande vue existante de leur monde inhospitalier. Un tableau matinal. La lumière chiche de l’aube enveloppait des collines sans vie qui n’avaient guère changé depuis l’enfance d’Holston. Elles étaient là, telles qu’elles avaient toujours été, alors que lui était passé des courses-poursuites à travers les tables de la cafétéria à cette sorte de vide qu’il était aujourd’hui. Et par-delà leurs crêtes ondoyantes, majestueuses, les sommets familiers d’une ville en décomposition captaient les rayons du matin par faibles miroitements. Verre et acier antiques se dressaient tout au loin, à l’endroit où, soupçonnait-on, des gens avaient un jour habité en surface. Silo - Hugh HOWEY

Silo [Wool] : un roman dense et magnétique

Silo [Wool] - Hugh HOWEY
Dès les premières pages de Silo, on est absorbé par cette intrigue rondement menée, ménageant ses rebondissements et dévoilant avec parcimonie et intelligence les sombres secrets de ce silo où s’entassent une humanité restreinte. L’écriture fluide de Hugh Howey nous transporte avec aisance dans ce monde souterrain où la lumière du jour ne perce jamais, où les plantes poussent sous serre et où l’omniscience du DIT laisse planer un doute inquiétant. Touche par touche, Hugh Howey nous livre un tableau complet et finement travaillé, un aperçu magnifique de ce silo et de ses règles, de ces hommes enterrés qui, par une étincelle, se mettent à douter du bienfondé de ce silo. S’attachant aux différents personnages qui portent Silo, Hugh Howey offre une intrigue franchement bien construite, portée par un suspens qui titille. Face à cette vague de suicides qui n’en sont pas vraiment, Juliette parviendra-t-elle à démêler la vérité et à réparer le silo, comme elle a l’habitude de le faire avec les turbines ? Si les raisons de ce monde devenu toxique restent un peu trop floues à mon goût et si la dernière partie du roman est plus prévisible, Silo n’en reste pas moins un roman magnétique, véritable syncrétisme de toutes les questions philosophiques qui nous agitent, doublé d’une petite réflexion sur nos systèmes pas si démocratiques et le fonctionnement biscornu de nos sociétés. Bon, j’aurais apprécié un méchant un peu plus nuancé, mieux travaillé, mais, emportée par le monde de Silo et empressée de voir si mes prédictions étaient justes, j’ai englouti les pages sans trop en vouloir à Hugh Howey. L’auteur a manifestement le sens du récit, malgré quelques failles. Le roman Silo n'est pas parfait, loin de là, mais il a le mérite de tenir la curiosité en éveil et d'être bien ficelé malgré ses maladresses. Silo est un livre à découvrir, plaidoyer pour la révolte (oui, toute dystopie se doit d’avoir un message pas vraiment subliminal !) qui a su me prendre dans ses filets.

Juliette ne trouvait rien dans cette vue qui soit de nature à l’inspirer, rien qui suscite sa curiosité. C’était une solitude inhabitable, bonne à rien. Sa seule ressource utile, c’était l’acier gâté des tours croulantes visibles à l’horizon, et nul doute qu’il aurait coûté davantage de le récupérer, le transporter, le fondre et le purifier que d’extraire du fer des mines creusées sous le silo.
Les rêves interdits du monde extérieur, constatait-elle, étaient vides et tristes. C’était des rêves morts. Les gens du haut qui révéraient cette vue avaient tout faux —l’avenir, il était sous leurs pieds. Silo - Hugh HOWEY

Les détails du livre

Silo [Wool]

Auteur : Hugh HOWEY
Traducteur : Yoann GENTRIC et Laure MANCEAU
Éditeur : Le Livre de Poche
Prix : 8,60 €
Nombre de pages : 732
Parution : 13 janvier 2016

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Silo

27 avril 2016

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

Autres lectures de Carozine : Une aventure de Kaplan & Masson (2), Il faut sauver Hitler : de la BD adulte bien sympathique ; et, en roman, Gangsterland : du roman noir déjanté à Las Vegas.

. . Caroline D.