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Gangsterland : du noir déjanté à Las Vegas

[Carozine dévore le roman Gangsterland - Tod GOLDBERG]

18 Avr. 2016

Carozine lit le roman Gangsterland - Tod GOLDBERG
C’est lundi, c’est permis (si, si), alors on s’offre une (courte) pause dans les découvertes jeunesse pour taper dans le noir, parce que ça me manquait. Le roman dont je vous parle aujourd’hui n’est pas encore sorti en librairie (parution prévue le 4 mai, et vous n’aurez plus qu’à filer chez votre libraire préféré… je vous rappellerai la date, parce que je suis une fille sympa !), et j’ai passé un excellent moment ce week-end à le dévorer : Gangsterland, de Tod Goldberg. Phrase d’accroche ? « Un rabbin à Las Vegas : ça va saigner ». Comment vouliez-vous que je résiste ? J’ai donc sautillé de joie quand je l’ai découvert dans ma boîte aux lettres et j’ai, rien que pour ce roman noir, négligemment décalé le reste de ma pile à lire pour le faire passer en priorité. Point déçue je n’ai été. Allez, hop, on range le .38 dans son holster, on remet gentiment le couteau dans sa chaussette et on glisse son poing dans la poche ! En route pour une virée un poil déjantée, direction Las Vegas et le paradis de la mafia.

Quand Sal Cupertine avait un type à tuer, il s’approchait d’un pas décidé et lui tirait une balle dans la nuque. Pas dans le visage, trop de chances que le mec s’en sorte. Il ne se risquait jamais non plus à viser le ventre ou le coeur. Trop con, trop sale. Quand on te dit de tuer quelqu’un, tu le tues, un point c’est tout. Pas question de t’en remettre aux variations du vent, à la pression atmosphérique ou à toutes ces conneries d’opération commando qu’on peut voir à la télé. Non, pour Sal, la seule solution consistait à s’approcher de la cible et à faire ce qu’il avait à faire. Si on agit en professionnel, personne ne souffre.
Pourtant, il commençait à se dire que, parfois, un peu de distance n’était pas forcément une mauvaise chose, surtout que ça faisait maintenant trois heures qu’il retrouvait sur lui des petits morceaux de cervelle de l’équipe d’apprentis Donnie Brasco qu’il avait liquidée. Gangsterland - Tod GOLDBERG

Gangsterland : un tueur à gages qui fait « the » boulette et une Famille qui prend les choses en main

Gangsterland - Tod GOLDBERG [ed. Super 8]
1998. Sal Cupertine, un tueur à gages régulièrement employé par la Famille de Chicago, se retrouve coincé dans une petite voiture, en route pour des abattoirs, Fat Monte à ses côtés. Autant dire que ça ne sent pas bon. À 35 ans, Sal Cupertine vient de faire la boulette de sa vie et risque bien de ne plus jamais revoir sa femme et son fils, car il se pourrait bien qu’il termine dans un sac plastique les deux pieds en avant, pour l’excellente raison qu’il vient de dézinguer trois mecs du FBI qui espéraient ridiculement infiltrer la mafia locale. Cependant, le cousin Ronnie, tout-puissant membre de la Famille, en a décidé autrement : il planque Sal Cupertine dans un camion réfrigéré, lui fait parcourir des kilomètres et lui impose quelques petites chirurgies. Quelques jours plus tard, Sal Cupertine est officiellement mort et le rabbin David Cohen vient de débarquer à Las Vegas, où il travaillera pour le compte de Bennie Savone, gendre mafieux de l’imposant rabbin Kales, qui a dépensé des millions pour fonder, dans le désert, sa petite communauté juive, autour de sa respectable synagogue, Beth Israel. Après avoir enregistré la Torah et un paquet d’autres livres religieux, le rabbin David Cohen prend ses fonctions (remplaçant au pied levé l’ancien rabbin Gottlieb qui a fini sa course au fond d’un lac), jonglant habilement entre légalité et grosses magouilles. Mais l’agent Jeff Hopper ne l’entend pas tout à fait de cette oreille : persuadé que les cendres remises à la veuve Cupertine ne sont pas celles de son mari, il reprend l’enquête avec un jeune collègue, bien déterminé à retrouver Sal Cupertine.

Sal regagna sa chambre avec l’enveloppe et en vida le contenu sur son lit. Il y avait là un extrait de naissance, une carte de sécurité sociale, des relevés de notes du Hebrew Union College de Cincinnati, une université de théologie juive, et même quelques vieilles factures. Le tout au nom de David Cohen. Et collé à une copie du contrat de location de la maison dans laquelle il résidait (…) se trouvait un mot de la main de Bennie : Voilà ta nouvelle identité. Retiens tout, Rain Man. Tout.
« Rain Man ». On ne l’avait plus appelé comme ça depuis Chicago. Gangsterland - Tod GOLDBERG

Gangsterland : un roman noir caustique et déjanté

Gangsterland - Tod GOLDBERG [ed. Super 8]
Avec une écriture vive, alerte et franchement caustique, Tod Goldberg nous transporte à Las Vegas, loin du bling bling des casinos, au coeur du nouveau terrain de jeu de la mafia : la construction. Et j’ai adoré découvrir cette facette de la ville factice, née d’une idée saugrenue, en plein milieu d’un désert aride. Mené tambour battant, Gangsterland dessoude à tour de bras, sème des cadavres à chaque page, mais n’en oublie pas, pour autant, la psychologie de ses personnages et, franchement, transformer un tueur à gages en rabbin citant Bruce Springsteen en prenant soin de l’introduire par « Le Talmud nous apprend… » est une trouvaille grandiose. Rien n’échappe à l’oeil acerbe et ironique de Tod Goldberg. Mafia et religion s’unissent pour le meilleur de la magouille, les cimetières se remplissent de bonnes intentions et de plans foireux, et le rabbin au visage refait n’est jamais bien loin de son ancien métier, tout en s’adaptant étrangement bien à cette nouvelle vie faite de conseils faciles du quotidien pour foule angoissée. Percevant les choses d’une certaine manière, Sal Cupertine /David Cohen nous pousse à nous questionner : ne serions-nous pas tous un joyeux mélange de tueur à gages et de rabbin philosophe ? Ah ! Blasphématoire ? Un ch’touille. Vous l’aurez compris, le manichéisme a été allègrement banni du roman Gangsterland, pour mon plus grand plaisir. La structure classique de Gangsterland, alternant les chapitres entre les deux protagonistes, n’empêche pas le roman de Tod Goldberg d’être efficace et bien mené, particulièrement truculent, ravagé d’un humour corrosif qui me plait bien. Bien construit et porté par des personnages hauts en couleurs, parsemé de situations un poil rocambolesques, Gangsterland est un roman juteux et savoureux.

—Y a que des champs, par là-bas. Et des abattoirs. Si ça se trouve, on se trompe tous les deux et vous avez mangé Sal Cupertine la dernière fois que vous avez commandé un Big Mac. »
Jeff s’était fait la même réflexion lorsqu’il avait vu la carte de la région.
« Il n’y aurait pas des planques qui appartiennent à la Famille, en dehors de Chicago ? Ou à d’autres organisations qui seraient prêtes à accepter de cacher Cupertine ?
—Personne ne serait prêt à prendre un tel risque gratuitement, affirma Bruno. Il faut chercher une organisation qui pourrait utiliser Sal, quelqu’un qui soit prêt à l’acheter à Ronnie, pas le contraire.
C’était une idée tellement simple, tellement logique, et tellement conforme aux manières de Ronnie Cupertine -vendre des choses qu’il ne voulait pas garder plus d’un mois était la base de son business de voitures d’occasion (…) Gangsterland - Tod GOLDBERG

Les détails du livre

Gangsterland

Auteur : Tod GOLDBERG
Traducteur : Zigor
Éditeur : Super 8
Prix : 20 € [12,99 en version numérique]
Nombre de pages : 532
Parution : 4 mai 2016

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Gangsterland

18 avril 2016

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

Autres lectures de Carozine : Seuls sont les indomptés : du nature writing pure souche et pur sang.

. . Caroline D.