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La Théorie du Chaos : un premier polar envoûtant

[Carozine poursuit ses lectures avec La Théorie du Chaos - Leonard ROSEN]

15 Juil. 2014

Décidément, ce sont les polars qui seront vraiment sortis du lot de cette sélection pour le jury littéraire (et oui, les râleurs pourront ronchonner dans leur barbe qu'il n'y a toujours pas eu d'article en ligne sur le tofu mandarin, mais j'y travaille). Autant les romans ne m’avaient emballée que moyennement, autant, là, question romans noirs, il y a de quoi exploser les moyennes ! Après le succulent Tu n’as jamais été vraiment là de Jonathan Ames, ce fut donc au tour de Leonard Rosen, avec La Théorie du Chaos, de me laisser pantoise. Avec son héros, descendant direct du célébrissime Jules Henri Poincaré, La Théorie du Chaos réussit la prouesse de lier mathématiques et intrigue policière en un récit haletant dont on a bien du mal à se détacher… Alors je n’ai qu’une chose à dire à mes lecteurs ayant peu apprécié ma critique de La formule de Dieu : diantre, vous voyez bien qu’il est possible de faire diablement mieux et nettement moins soporifique ! Non mais des fois.

Cela n’aurait pas suffi. Poincaré était un élément stratégique d’Interpol, vacances ou pas vacances. Aux yeux d’un grand nombre de policiers d’Europe occidentale et des deux Amériques, il incarnait la figure du type de l’agent qui se bonifiait en vieillissant. Ce qu’il avait perdu sur le plan physique, il l’avait gagné en intuition. Il était capable de devancer les réactions d’un criminel comme s’il était lui-même poursuivi et faisait preuve d’une ténacité légendaire, dont la capture de Banović n’était que le dernier exemple en date. La Théorie du Chaos - Leonard ROSEN

La Théorie du Chaos : Poincaré et mathématiques

La Théorie du Chaos - Leonard ROSEN [Ed. cherche-midi]
(Jules) Henri Poincaré, père fondateur de la science (ou presque) et précurseur de la théorie du chaos (tiens donc), revient donc d’entre les morts en chaussant les habits d’un inspecteur d’Interpol, un peu usé par les années mais bigrement intuitif… en une sorte de Sherlock Holmes des temps modernes : son arrière-petit-fils. Oui, mes braves lecteurs. Il était donc une fois un inspecteur d’Interpol, Henri Poincaré, qui, après de longs mois de traque, venait de mettre sous les verrous un criminel de guerre : Stipo Banović. A peine les verrous refermés sur ce personnage rancunier que notre inspecteur se retrouve propulsé à Amsterdam, où une bombe vient de faire exploser la chambre d’hôtel d’un mathématicien à l’intelligence fulgurante et spécialiste des fractales (comme le chou-fleur, docteur Watson, retenez bien cela) : James Fenster. Henri Poincaré, lors de son enquête, va croiser une frêle jeune-femme en larmes, ex-fiancée de sieur Fenster, présentant finalement beaucoup plus de ressources qu’escompté par notre inspecteur ; la liste des suspects se complètera également d’un aborigène revendicatif, économiste de son état et ancien partenaire de Fenster pour, attention à vos mirettes, un projet de modélisation mathématique de l’amour. Oui, oui. Mais la doctorante venant prendre la chaire de Fenster à Harvard afin de poursuivre les cours sur la modélisation de la nature ne semble pas tout à fait innocente, non plus, si l’on en juge par sa rapidité à mettre un terme à son entretien avec Poincaré. L’enquête s’annonce fastidieuse, d’autant que Banović n’a pas fini de faire des siennes.

Parfaitement sérieux, Quito joignit les mains et lâcha :
- Sur un modèle mathématique de l’amour.
Laurent explosa de rire comme un volcan en éruption et son hilarité dégénéra en spasmes et quintes de toux, le faisant suffoquer et virer à l’écarlate.
- Allez-y, dit Quito. Amusez-vous. Nous cherchions à développer un concept, l’idée que les mathématiques puissent modéliser le plus incontrôlable, le plus imprévisible de tous les comportements humains. Si nous avions réussi à modéliser l’amour nous aurions pu modéliser n’importe quoi. Nous avons tenté de représenter les sentiments des personnes amoureuses par des symboles, retranscrits ensuite sous forme de graphiques associés aux amours les plus célèbres de la littérature. Notre premier article aurait dû porter sur Romeo et Juliette. La Théorie du Chaos - Leonard ROSEN

La Théorie du Chaos : palpitant, fascinant et fichtrement bien ficelé

La Théorie du Chaos - Leonard ROSEN
Leonard Rosen parvient, avec La Théorie du Chaos, à nous fasciner dès les premières pages et, quand on sait que ce polar est le premier roman du monsieur, là, je lui baisse allègrement mon chapeau en le faisant d’abord virevolter dans les airs. Les personnages de La Théorie du Chaos sont attachants car profondément humains : on suit leurs états d’âme, leurs hésitations… et la galerie de personnages secondaires est absolument affriolante, particulièrement cet avocat américain ayant quitté une grande entreprise pour se faire payer en pots de confiture par ses clients (et doté d’une belle-mère assez impayable). Mais surtout, l’intrigue policière de La Théorie du Chaos ne souffre jamais de l’immersion dans le monde des mathématiques. Mieux : l’intrigue mathématique sur la modélisation de la nature est tout aussi captivante que l’intrigue policière. La force de Leonard Rosen ? Etre parvenu à mêler intimement les deux intrigues, sans nous assoupir de longs cours magistraux pour nous expliquer des choses extrêmement savantes. Bien qu’il nous arrive fréquemment de devancer de nombreuses pages les découvertes de Poincaré ou les révélations des personnages, La Théorie du Chaos n’en reste pas moins un polar bien conçu, supporté par des personnages hauts en couleur aux personnalités riches et brillamment intelligent, notamment dans sa façon d’aborder le mal qui règne en ce bas monde (et notre façon d'y répondre). Si l’écriture n’est pas des plus exceptionnelles, La Théorie du Chaos reste une très belle découverte qui sort des terrains (re)battus du polar et fait preuve d’originalité.

Il s’étira, se renversa en arrière dans un fauteuil qu’il avait déjà recollé deux fois pour l’empêcher de s’effondrer. Les forces de l’ordre néerlandaises estimaient avoir fait une fleur à Interpol en louant pour une courte durée la grande salle de bal d’un palais du XVIIIe siècle proche du Dam. Sans trace d’ironie, les hôtes de Poincaré avaient présenté cette caverne en état de désagrégation avancée comme un "espace de travail exceptionnel, au coeur du vieil Amsterdam". La Théorie du Chaos - Leonard ROSEN

Les détails du livre

La Théorie du Chaos

Auteur : Leonard ROSEN
Editeur : cherche-midi
Prix : 20 €
Nombre de pages : 489
Parution : août 2013

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La Théorie du
chaos

15 juillet 2014

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

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. . Caroline D.