La liste de mes envies – Grégoire DELACOURT
[Carozine tente à nouveau les contemporains]15 Nov. 2012
Le temps de Bretagne n'ayant pas failli à sa réputation en cette tristounette semaine de fête des morts (oui, il y a un léger temps de décalage entre la publication et la rédaction !.. ou vice versa, d'ailleurs), il ne me restait plus qu'à écluser la bibliothèque de ma grand-mère, quand cette dernière me tendit un livre, La liste de mes envies de Grégoire Delacourt (d'une logique imparable, n'est-il pas ?!), en m'annonçant sans préambule qu'elle l'avait détesté. Très honnêtement, mon esprit de contradiction fortement prononcé prit le dessus et je me saisi alors de La liste de mes envies, bien déterminée à prouver à ma grand-mère que, non non, tout n'est pas à jeter dans la littérature française contemporaine (je suis une langue de vipère, j'apprécie terriblement Delphine de Vigan). Pas de bol pour moi, il aura fallu que je me range à son avis : La liste de mes envies de Grégoire Delacourt ne présente comme seul avantage que de se lire en une heure top chrono. Ce qui n'est déjà pas si mal... mais guère suffisant pour que je pique discrètement La liste de mes envies en le glissant dans la poche de mon sac de voyages pour que le roman vienne compléter ma bibliothèque déjà bien remplie et croulant sous les livres.
La liste de mes envies : une mercière gagne le gros lot
Bienvenue dans la vie paisible de Jocelyne Guerbette, quarante-sept ans, trois enfants dont un cadavre qu'elle continue de porter dans un coin de son cœur meurtri, mercière dans la petite ville d'Arras (sans aéroport comme le précise Grégoire Delacourt, fascinant monsieur Spock, non ?!) et rédactrice assidue sur son blog Dixdoigtsdor. Jocelyne est mariée à Jocelyn sans "e" (diantre ! combien de chances sur un million ?!), maman d'un Romain, conçu lors de leur première nuit d'amour (et re : diantre ! combien de chances sur un million ?! comme se plait à le répéter Grégoire Delacourt, car, après tout, il faut bien annoncer l'élément perturbateur comme nous l'ont si bien enseigné nos professeurs de français), quelque peu roublard et flemmard ; et d'une Nadine (ou Nadège ? je confonds peut-être avec la dernière née n'ayant jamais respiré) utilisant avec parcimonie le langage oral. Jocelyne est propriétaire d'une petite mercerie, juste en face d'un salon de coiffure tenu par deux jumelles hautes en couleurs dépensant une petite fortune chaque semaine à jouer au loto. Un beau jour, les jumelles parviennent à convaincre Jocelyne de jouer à son tour. Et (diantre) combien de chances sur un million ?! Evidemment, Jocelyne remporte le gros lot (évidemment, il n'y aurait pas eu d'histoire sinon). Mais que faire de cet argent dont elle n'a cure ? Comment faire face aux rêves désormais accessibles de son mari ? Ce dernier se transformera-t-il en abominable grippe-sou ? Comment vivre sous les yeux jaloux des voisins ? Jocelyne trouve une solution temporaire : laisser croupir son chèque de dix-huit millions d'euros sous une vieille semelle.
Il y avait une chance sur des millions pour que je tombe enceinte la première fois et c'est tombé sur moi. Nadine est arrivée deux ans après et depuis, je n'ai jamais retrouvé mon poids idéal. Je suis restée grosse, une sorte de femme enceinte vide, un ballon rempli de rien. Une bulle d'air.La liste de mes envies – Grégoire Delacourt
La liste de mes envies : Grégoire Delacourt ne sera pas mon auteur fétiche
La liste de mes envies de Grégoire Delacourt présente l'énorme défaut que je reproche aux auteurs français contemporains : une écriture brève et crue (pour ceux qui se poseraient la question : oui, j'ai sélectionné pour cet articles les rares passages de La liste de mes envies qui n'en souffrent pas). Ce n'est pas compliqué, les auteurs contemporains, et Grégoire Delacourt n'échappe pas à la règle, éprouvent le besoin de nous plonger dans la réalité de leurs personnages par des phrases ridiculement courtes et des mots crus. N'y a-t-il donc pas d'autre moyen de nous faire entrer dans la peau d'une mercière ? Proust parvenait bien à nous rendre une simple madeleine délicieusement palpable, avec son léger goût de thé, son moelleux et surtout cette porte ouverte aux souvenirs que seul le goût d'une madeleine permet de retrouver (ou plus prosaïquement, de nous parler du bœuf carotte ou des mœurs particulières de certains hommes). Est-il absolument nécessaire de nous dire qu' « il y a du blanc de poulet dans le frigo et de la ratatouille à réchauffer » ? Certes, il est important de nous ancrer dans le cerveau d'une mercière contente de sa vie telle qu'elle est et connaissant le prix de chaque chose, mais est-il inévitable de n'utiliser que des phrases affreusement courtes pour nous décrire la brutalité de la vie ? Cela est d'autant plus dommage que l'histoire de Jocelyne Guerbette est émouvante et gagnerait à posséder un écrin plus flatteur.
J'avais cent fois, mille fois rêvé ce moment où un homme m'inviterait, me courtiserait, me convoiterait. J'avais rêvé d'être ravie, emportée loin dans le feulement d'une automobile rapide, poussée à bord d'un avion qui volerait vers des îles. J'avais rêvé de cocktails rouges, de poissons blancs, de paprika et de jasmin mais pas d'un café au Tabac des Arcades. Pas d'une main moite sur la mienne. Pas de ces mots sans grâce, ces phrases huileuses, ces mensonges déjà.La liste de mes envies – Grégoire Delacourt
Dans les prochains jours, vous aurez droit à L'ombre du vent (Carlos Ruiz Zafón) et Une saison à Venise d'un auteur au nom improbable, vous attendrez donc la mise en ligne pour le découvrir !
Les détails du livre
La liste de mes envies
Auteur : Grégroire DELACOURT
Editeur : JC Lattès
Prix : 15.20 €
Nombre de pages : 186.
Parution : 1 février 2012.
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
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