La libraire : un nécessaire humour à froid
[Carozine dévore le roman La libraire - Penelope FITZGERALD]
Mais oui ! Me revoilà parmi les vivants. Truc de dingue. Mais imaginez-vous que, pour la première fois de ma (presque courte) vie, j’ai eu du mal à enchaîner sur une autre lecture, après le fantastique roman Anne de Green Gables ; j’ai essayé, essayé et essayé encore, rien n’y fit, je ne parvenais pas à achever une lecture. Déçue par les personnages soporifiques. Déçue par un style trop simple. Effrayée par un ton érudit qui me tentait diablement mais qui nécessite un neurone frais et dispos, ainsi qu’une concentration sans faille (à savoir sans Crevette venant toutes les 5 minutes me déranger pour poser des rails de train, faire décoller une fusée ou réclamer un biberon) dont je ne dispose pas en ce moment. Mais le roman La libraire de Penelope Fitzgerald (que je ne connaissais pas encore mais je vais approfondir la question, maintenant... et puis, avouez qu'avec un nom pareil, elle était plutôt prédestinée !) fut la solution : érudit mais pas trop ; fluide et plein d’humour so british. Pile ce dont j’avais besoin pour me relancer dans la course. Et ça fait du bien. Alors, merci Père Noël d’avoir déposé la Kube Angleterre au pied du sapin ! Quel délice, encore une fois, que d’ouvrir cette boite rouge aux énormes fleurs et d’en découvrir le contenu. Et quel plaisir que de me plonger entre les pages de La libraire qui m’a donné envie de lire. Encore et encore. À nouveau. Intensément. Ô joie. Et puis ça permet de finir l'année en beauté :)
Au cours de l’année 1959, il y eut certaines nuits où Florence Green n’était pas vraiment sûre d’avoir dormi. Elle avait des soucis : fallait-il ou non acheter The Old House, une petite propriété dotée de son propre entrepôt en bordure de plage, pour ouvrir ce qui serait l’unique librairie de Hardborough ? C’était probablement cette incertitude qui la tenait éveillée. La libraire - Penelope FITZGERALD
La libraire : une librairie s’installe dans un petit village
1959. Dans la petite station balnéaire de Hardborough, East Anglia, où tout se sait avant même que l’on ait eu le temps de terminer sa phrase, Florence Green, veuve entre deux âges, a l’idée farfelue mais déterminée d’ouvrir une librairie dans une vieille maison qui s’écroule à moitié et qui est habitée d’un esprit cogneur et rongée par l'humidité, The Old House. Sauf que voilà. Malheureusement pour elle, Violet Gamart, magistrate virevoltant entre Londres et Hardborough, femme de pouvoir persuadée d’incarner la morale et la volonté du village, en décide autrement : elle avait justement des vues sur The Old House pour y faire un centre des Arts (histoire de concurrencer les petites villes d'à côté et de se faire mousser un peu). Malgré le vent contraire, et forte de quelques appuis au sein des autochtones, Florence ouvre sa libairie et parvient à faire taire l’opposition… jusqu’à ce qu’elle décide de vendre le sulfureux Lolita de Vladimir Nabokov, roman sensation qui vient de sortir.
— J'attache une valeur inestimable à un bon livre posé sur ma table de nuit. Malheureusement quand je vais enfin me coucher, je tombe de sommeil aussitôt après avoir lu quelques pages.
Florence calcula qu'à ce rythme, un bon livre durerait plus d'un an au directeur. Le prix moyen d'un livre était de douze shillings et six pence. Elle soupira. La libraire - Penelope FITZGERALD
La libraire : un roman caustique qui fait du bien
La plume de Penelope Fitzgerald était pile poil ce dont j’avais besoin : incisive ; débordant de cet humour anglais dont je me délecte tant, un tantinet froid, un poil cynique et ponctué d’auto-dérision. Le roman La libraire m’a offert le coup de pied aux fesses dont j’avais besoin pour repartir sur les rivages littéraires. Avec intelligence et subtilité, Penelope Fitzgerald soulève le granit des maisons éparpillées sur la côte anglaise pour en extraire la substance de leurs habitants : jeux de pouvoir et de haute moralité ; jalousie mesquine ; franche camaraderie. Qui de Florence, généreuse et un soupçon naïve, ou de Mrs. Gamart, avide d’imposer sa supériorité sur la ville, remportera ce bras de fer ? Avec une ironie grinçante, Penelope Fitzgerald nous transporte sous le flegme apparent, au sein d’un village anglais régi par des règles sociales qui se nouent et se dénouent au gré des intérêts du moment. Caustique. Un poil cruel. Penelope Fitzgerald a un style qui me plaît, même s’il n’épargne personne. Un peu à la Evelyn Waugh. Et ça, c’est diablement plaisant. La libraire est un roman d’ambiance (ah, ce petit village à la limite du désuet parcouru par le vent et les embruns !), de critique sociale subtile et efficace. Un petit bonheur que j’ai savouré.
PS. : comme vous aurez pu le constater, il en est sorti un film, avec Emily Mortimer, dont vous pouvez découvrir la bande-annonce juste là.
Je tiens à vous exprimer tous mes voeux. Du temps de mon arrière-grand-père, il y avait un libraire dans la Grand-Rue qui, un jour, je crois, a assomé avec un livre un client qui se montrait trop désagréable. Il y avait eu un certain retard dans la livraison d’un nouveau roman (…). Depuis lors, personne n’a eu le courage de vendre des livres à Hardborough. Vous nous faites un honneur. Si je sortais, je me ferais certainement un plaisir de me rendre à votre magasin ; mais à l’heure actuelle je m’en abstiens par principe. La libraire - Penelope FITZGERALD
Les détails du livre
La libraire
Auteur : Penelope FITZGERALD
Traducteur : Michèle LÉVY-BRAM (V.O.: The Bookshop)
Éditeur : Petit Quai Voltaire
Prix : 14,00 €
Nombre de pages : 169
Parution : avril 2016
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
Autres lectures de Carozine : Le Grand Livre du Petit Nicolas : des retrouvailles (drôlement) animées.