La clé de Salomon : sciences et polar peuvent-ils faire bon ménage ?

Comme les grands adeptes de Carozine auront pu le remarquer (du moins si leur mémoire est encore bien vaillante et ne ressemble aucunement à celle d'un poisson rouge trop imbibé), c’est le grand retour de José Rodrigues dos Santos (oui, oui, l’auteur de la Formule de Dieu auquel je n’avais pas franchement accroché) avec un polar à la même sauce (pourquoi diable changer une équipe qui gagne et le précédent roman du monsieur c’était vendu comme des petits pains) : La clé de Salomon. Verdict ? Je reste très mitigée quant au rapport sciences et polar quand il s’agit de José Rodrigues dos Santos. Autant j’avais été emballée par la Théorie du Chaos, autant je trouve que l’auteur portugais peine parfois à bien intégrer l’aspect scientifique à l’intrigue, ce qui fait qu’on se retrouve régulièrement avec des dialogues imbuvables (et mieux vaut avoir le neurone bien connecté et reposé pour parvenir au bout de ces réflexions métaphysiques). Néanmoins, que diriez-vous de reprendre les choses depuis le premier chapitre de La clé de Salomon ? Parce que, l'air de rien, La clé de Salomon est mieux ficelé que son prédécesseur.

La clé de Salomon : pentacle, pouvoir et arnaque

Par une journée tout à fait banale, des agents de la sécurité du CERN retrouvent le cadavre de Frank Bellamy, le responsable de la CIA. Pour pimenter un peu les choses, Frank Bellamy serre dans sa main un petit bout de papier sur lequel est inscrite la phrase suivante : The key : Tomás Noronha. Vous souvenez-vous de Tomás Noronha ? Bingo ! L’historien cryptologue de La formule de Dieu ! Aussitôt, la CIA dont les nouveaux responsables semblent bien trop enchantés de la disparition de Frank Bellamy se frottent les mains : chic, chic, nous avons un suspect idéal. La preuve ? Ce couillon de Tomás Noronha a même passé la journée à Genève et s’est rendu au CERN pile poil au moment où Frank Bellamy se faisait assassiner. Diantre. De son côté, Tomás Noronha fait face à la maladie de sa mère qui, pour couronner le tout, vient d’avoir un arrêt cardiaque et de subir une expérience de mort imminente. Mais il retrouvera rapidement ses esprits quand le sombre Harry Fuchs (je ne sais pas si le nom se prononce comme je le pense, mais cela collerait assez bien au personnage) dégotera un agent très spécial pour l’éliminer.

- D’une certaine manière, cette machine se brise avant que tu ne la jettes par terre.
- Ce n’est pas possible !
- C’est pourtant ce que les expériences semblent suggérer. Dans cette expérience modifiée de la double fente, l’effet semble précéder la cause : l’information est allée dans le passé pour produire l’effet avant la cause. C’est comme si on avait un mot à dire pour influencer ce qui s’est déjà produit. A l’échelle microscopique de l’univers quantique, le temps disparaît et il n’y a pas d’avant ni d’après, les particules semblant ignorer l’existence même du temps. La clé de Salomon - José Rodrigues DOS SANTOS

La clé de Salomon : un polar qui trouve son chemin

Maintenant que les bases sont jetées, décortiquons un peu La clé de Salomon. La première chose qui saute aux yeux, et ce, dès les premiers chapitres, est qu’avec José Rodrigues dos Santos tout (et je dis bien absolument tout) est sujet à de vastes explications scientifiques. La mère de Tomás Noronha flotte au-dessus de son corps tout en étant en état de mort clinique ? Et si nous discutions autour d’un café de la conscience, de l’âme (et de son célèbre poids trouvé par Duncan MacDougall : 21 grammes), du son et de l’existence d’un élément en dehors de soi (un arbre qui tombe fait-il du bruit si personne n’est là pour l’entendre ?! voilà qui aura de quoi alimenter votre prochain dîner mondain) ? Alors, certes, ce sont des réflexions passionnantes qui piochent dans la physique ou la philosophie, et la physique quantique sera toujours un sujet terriblement fascinant mais parsemer un polar de ce qui devient de véritables cours magistraux n’est pas franchement idéal. L’intensité de l’intrigue se dilue parfois dans les données scientifiques. Autre point négatif, José Rodrigues dos Santos semble préférer les cours de sciences au développement de la psychologie de ses personnages : on ne sait finalement pas grand chose de Maria Flor et sa personnalité reste largement survolée… de même que celle de Tomás Noronha, qui ressemble vaguement à un James Bond au cerveau surdimensionné. Ou plutôt : à un horripilant Tintin-je-sais-tout avec ses « vous ne trouvez pas ? C’est pourtant simple » ou encore « vous ne voyez rien d’anormal sur cette carte ? »… Et ce que j’aime dans un roman et surtout dans un polar, c’est la façon dont les personnages évoluent au fil de l’enquête. De ce côté-là, La clé de Salomon pêche grandement. Néanmoins, José Rodrigues dos Santos a rectifié le tir par rapport à La formule de Dieu : La clé de Salomon est plus rythmé, l’intrigue reste bien présente et l’aspect scientifique est tout aussi passionnant en particulier quand on aborde l’existence de la matière ou la possibilité d’une infinité de mondes parallèles et de l’influence du passé par le futur. Malgré ses défauts, La clé de Salomon reste donc une lecture très agréable qui change radicalement des polars sauce nordique (oh ! et on y apprend également que la Maison Blanche se trouve à l'extrémité de l'une des branches d'un pentagramme inversé... oui, le même utilisé pour représenter satan, mais dans le cas qui nous intéresse présentement, il s'agirait plus d'une représentatin du centre du pouvoir).