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Images fantômes : le Maine sublimé par la photographie

[Carozine dévore le roman noir Images fantômes - Elizabeth HAND]

22 Août 2016

Carozine lit le roman Images fantômes - Elizabeth HAND
En ces journées grisâtres sentant désespérément la fin des vacances (bon, alors, je rectifie : j'ai écrit ces mots samedi dernier et le temps était effectivement plutôt morose, mais là, le ciel est immensément bleu, donc bon, niveau atmosphère plombée, on repasse), je me suis plongée dans un nouveau roman (noir) de la rentrée littéraire : Images fantômes, signée Elizabeth Hand et paru aux éditions Super 8 (bon, le passé est se plonger un peu rapidement dans l'avenir, puisque Images fantômes ne sort que le 25 août). Alors, Super 8, souvenez-vous, allez, on fait un effort, on plisse le nez, on se masse les tempes et on se claque une bonne gifle sur le front : mais c’est bien sûr ! Oui, oui. La maison d’édition qui a déjà publié des perles un peu ovni, dont le déjanté roman Prime Time, ou encore l’excellent roman noir Le contrat Salinger. Avec Images fantômes (Generation Loss en VO), on reste dans le singulier, mais nettement moins perché que les deux autres romans… quoique. Un genre différent de barge, mais tout de même complètement barré, à la réflexion. Bref. Je rembobine et je vous raconte tout. On y va ? Cette fois, nous partons pour une virée dans le Maine (et après, on osera dire que la lecture ne fait pas voyager).

À un moment donné, tout finit par changer. Un grand photographe (…) voit ce moment arriver et déclenche l’obturateur juste avant que le changement se produise. Si vous ne le voyez pas arriver, si vous êtes aveugle, ivre ou si vous regardez simplement ailleurs, eh bien ! il a lieu malgré tout, et que vous ayez été attentif ou non ne l’aurait pas empêché de se produire.
Pourtant, votre vie entière sera foutue, car vous aurez raté cette occasion. Images fantômes - Elizabeth HAND

Images fantômes : une photographe un poil has been face à sa muse

Images fantômes - Elizabeth HAND [ed. Super 8]
Cassandra Neary avait la vingtaine dans le New York camé des années 70 quand elle a pris les clichés qui l’ont rendue célèbre et lui ont valu un livre. Cette grande tige fine était fascinée par la nature… morte et, sans surprise, ce sont des photographies d’un cadavre qui l’ont propulsée sous les projecteurs, juste avant qu’elle ne se fasse agresser, qu’elle ne loupe le virage de sa carrière et qu’ils ne la laissent dans le noir. Trente ans plus tard, Cass Neary est toujours aussi attirée par le macabre, n’a rien perdu de son oeil de photographe et se voit proposer une interview qu’elle ne peut refuser et pour cause : il s’agit de faire le portrait de sa muse, de l’artiste qui lui a donné envie de se lancer dans la photographie, l’immense Aphrodite Kamestos. Cette dernière vit recluse dans le Maine, sur une petite île perdue. N’hésitant qu’à peine, Cass Neary saute dans sa voiture, direction le Maine. Arrivant de nuit, trop tard pour embarquer, elle se rend dans le seul motel du coin… elle y fait la rencontre de la fille du propriétaire, Mackenzie Libby, ainsi que celle, plus dérangeante, d’un immense gaillard abrupt et prénommé Gryffin… à qui, tandis qu’il a le dos tourné, elle dérobe un cliché. Le lendemain, la jeune fille est portée disparue et Cass Neary se rend compte que le gaillard n'est autre que le fils de sa muse.

J’ai intitulé ce recueil de photographies Déception Visus, « vision trompeuse ». Pourtant, rien dans cet ouvrage n’est trompeur. Notre regard modifie tout ce que quoi il se pose. Parmi ces photographies, j’espère que l’oeil perspicace discernera la vérité.
Je n’avais pas relu ces mots depuis longtemps. Jadis, ils m’avaient semblé élucider les questions que je me posais sur le monde (…) Images fantômes - Elizabeth HAND

Images fantômes : un roman d’une magnifique ambiance

Images fantômes - Elizabeth HAND
Honnêtement, les premières pages se sont révélées difficiles à lire. Je n’étais pas hyper fan de Cass Neary, de son ton froid et acerbe… Mais voilà. Elle prend la route pour le Maine, contrée verdoyante et glaciale à longueur d’année, et là, la magie opère. Elizabeth Hand parvient à distiller à son Images fantômes une ambiance particulière. Le froid transperce les os, les villes désolées dont les rues ne se peuplent que de quelques âmes perdues et généralement peu amènes, la brume, la mousse, le lichen filandreux et le givre qui nimbent les paysages et jouent sur la perception… tout agit pour nous absorber d’une page à l’autre en créant un climat inquiétant. J’ai été prise au piège de ce coin perdu du Maine où viennent se perdre d’anciennes célébrités, où les adolescents disparaissent sans laisser de traces et où le lac rejette régulièrement des cadavres. Au fil de son intrigue, Elizabeth Hand distille des éléments de-ci de-là pour éveiller la curiosité, sans forcément l’assouvir (comme cette communauté d’Oakwind entièrement disparue du jour au lendemain), mais sans, pour autant, nous laisser avec des questions en suspens. Lentement mais avec habileté, Images fantômes dévoile l’île et ses habitants, le passé de Gryffin et d’Aphrodite, cette muse douée mais foncièrement mauvaise qui n’a pas supporté la concurrence d’autres talents, se sentant spoliée de sa propre valeur. Grâce à son étrange héroïne hantée par ses démons, alcoolique, vraie fouineuse et chapardeuse (et, malgré tout, attachante… une prouesse !), Elizabeth Hand aborde une certaine vision (perturbante) de l’Art et de la photographie… Images fantômes est, au final, un roman noir qui se déguste d’une traite, en presque apnée. Une atmosphère glauque, souvent malsaine, qui n’en reste pas moins additive, envoûtante, et qui fait tout le charme de ce roman noir.

J’eus la vision subite d’un visage blafard dans les ténèbres, de branchages noirs. Je changeai mon sac d’épaule et scrutai le ciel. Un gros nuage gris s’était détaché de l’amoncellement sombre qui s’approchait de nous. Tandis que je l’observais, il se mit à tournoyer, à la manière du ressort principal d’une horloge en train de se débobiner. J’entendis un faible bourdonnement, rappelant celui d’une mouche emprisonnée ; ce bruit fit ressurgir en moi l’image de l’adolescente du motel du Phare, la façon dont elle avait timidement inspecté ma chambre (…) Images fantômes - Elizabeth HAND

Les détails du livre

Images fantômes

Auteur : Elizabeth HAND
Traducteur : Brigitte MARIOT
Éditeur : Super 8
Prix : 19 €
Nombre de pages : 432
Parution : 25 août 2016

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Images fantômes

22 août 2016

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

Autres lectures de Carozine : Poussières d'os : snow, sex and drugs (polar).

. . Caroline D.