Poussières d'os : snow, sex and drugs

Ayant décidé de prendre les choses par les cornes et d’arrêter de baver d’envie devant la garde-robe de la brune et cynique Chloe de Don’t Trust the B—— in Apartment 23 (oui, je sais, je deviens régulièrement verte devant les robes et escarpins), je me lance donc dans la rédaction d’une chronique destinée aux adultes (oui ! oui !) avec un polar glacé signé Karin Salvaggio : Poussières d’os…. alors, quand on parle de froid intense, on pense généralement nordique. Mais faux ! Aux États-Unis, aussi, il est possible de se geler les miches dans d’immenses contrées blanchies par la neige. On prend donc l’avion pour le Montana, on n’oublie pas les bottes fourrées et les gants chauds, et on plonge dans l’intrigue (non, je résisterai à la tentation d’ajouter un « mortelle » pour éviter le jeu de mots trop facile… le trop facile est barbant) de Poussières d’os (Bone Dust White en Shakespearien courant).

—Il l’a blessée, elle perd du sang !
Le téléphone contre l’oreille, Grace évite le faible rayon de lumière qui entre par la fenêtre de la cuisine et s’effondre contre le frigidaire chargé de photos de famille, elle sent les coins lui entrer dans le dos.
—Grace Adams, dit-elle par-dessus le grésillement en tortillant le cordon du téléphone. 153, Summit Road.
Pendant qu’elle attend, les extrémités de ses doigts boursouflés battent comme des petites fleurs violettes. Sa silhouette mince et fragile flotte dans les vagues soyeuses, peuplées de carpes, d’un kimono trois fois trop grand pour elle. Poussières d'os - Karin SALVALAGGIO

Poussières d'os : une petite ville, une jeune fille secrète et un cadavre

Grace Adams a 17 ans et de nombreuses poussières de mois au compteur quand elle appelle les urgences, terrifiée : elle vient d’apercevoir une sombre et longue silhouette assassiner une femme. Alors pourquoi Grace décide-t-elle brusquement de mettre le nez dehors, en nuisette rouge, par un froid mordant pour aller à la rencontre de cette inconnue ? Tout simplement parce que la femme a hurlé son prénom… et qu’il s’agit de sa mère. Malheureusement pour Grace, les retrouvailles (après onze ans, tout de même) seront de courte durée : Leanne Adams meurt entre les mains de la jeune fille, qui évitera de peu de mourir de froid (oui, ça peut arriver, surtout quand on sort en nuisette et que le sol se couvre de plusieurs centimètres de neige) grâce à l’arrivée des secours, et de l’ambulancier Jared. À quelques kilomètres de là, Macy Greeley, enceinte jusqu’aux yeux, apprend la réapparition de Leanne Adams, et son assassinat, dans la même conversation… car son chef décide de l’envoyer à Collier mener l’enquête et, qui sait ?, peut-être clore celle qu’ils ne sont jamais parvenus à résoudre, onze ans auparavant, sur un réseau de trafic sexuel et quatre cadavres de jeunes femmes d’Europe de l’Est retrouvées sur une aire de repos. Macy Greeley va donc devoir retourner dans cette petite ville du Montana, fouiller dans le passé de Grace Adams, dénicher les secrets qu’elle refuse de dévoiler, et ménager une tante se montrant très protectrice envers la jeune femme.

En se levant ce matin-là, son regard avait été attiré par un mouvement à la lisière du bois. Pour mieux voir, elle s’était glissée entre le fatras entassé sur son bureau et la fenêtre : une femme avançait à pas lents sur le sentier qui serpente dans le bois derrière la maison. Grace observait ses moindres gestes. Même de loin, on voyait qu’elle n’allait pas bien. Elle était sur le point d’atteindre la grille quand un type avait surgi à côté d’elle. Poussières d'os - Karin SALVALAGGIO

Poussières d'os : un roman noir glacé

Bon. Très honnêtement, je n’étais pas des plus emballées à la lecture du polar Poussières d’os. Vraiment pas. L’écriture est un peu trop abrupte pour moi, la structure classique tente de faire monter la mayonnaise de façon trop peu subtile, et les personnages ne me parlaient pas des masses, aucun ne sortant véritablement du lot (exception faite de la relation se nouant entre Jared, l’ambulancier perdu en amour, et la jeune Grace, loin d’être aussi fragile qu’elle ne le semble) et leur psychologie n’étant pas particulièrement fine… Et pourtant. Au gré des pages et d’éléments distillés de-ci de-là, Karin Salvalaggio est parvenue à maintenir mon intérêt, à me donner envie de connaître le dénouement de Poussières d’os. Peut-être les paysages enneigés sont-ils d’une inévitable attraction ? Peut-être les quelques similarités avec Fargo m’ont-elles harponnée ? Toujours est-il que j’ai tourné les pages (ce qui s’est révélé être plus facile en seconde partie du roman Poussière d’os), plongeant dans cette ambiance enneigée dépeignant l’Amérique profonde, où tout le monde connaît tout le monde, sans pour autant dépasser les rumeurs ou les apparences. Cela ne suffit pas à faire un excellent polar, loin de là. Mais disons que Poussières d’os s’en sort néanmoins. Mais, oui, sa lecture est dispensable. (Et je ne rentrerai pas dans le débat des quatrième de couv’, mais, franchement, comparer Poussière d’os à la brillante série -du moins la saison 1- The Killing est à la limite du mensonger).

Ses doigts tremblants sont posés contre sa poitrine, leurs minuscules mouvements suivent les palpitations de son coeur. Leur rythme s’accélère, elle rejette le cou en arrière, ses tendons noués s’étirent jusqu’à rompre. Elle se rappelle les cris de cette femme et s’apprête à faire marche arrière quand, soudain, un son rauque lui parvient des bois.
Un gémissement.
Du regard, elle remonte la trajectoire du son. C’est plus haut, près de la crête. La femme est étendue quelque part dans le sous-bois. Grace voudrait tout oublier, mais dans sa tête résonne encore l’écho étouffé de cette voix. Poussières d'os - Karin SALVALAGGIO