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D’après une histoire vraie : beaucoup de tension pour un roman surprenant [rentrée littéraire 2015]

[Carozine dévore le roman D'après une histoire vraie - Delphine DE VIGAN]

13 Sept. 2015

Carozine lit le roman D'après une histoire vraie - Delphine DE VIGAN
La chronique du jour s’annonce ardue. Etonnamment, pour une fois, je me trouve à court de mots pour expliquer ce que j’ai ressenti en découvrant le dernier roman de Delphine de Vigan : D’après une histoire vraie. J’oscille entre différentes émotions et, s’il est vrai que D'après une histoire vraie n'a rien à voir avec son précédent roman Rien ne s’oppose à la nuit, mon impression d’ensemble reste très bonne. Mais, encore une fois, j’ai beaucoup de mal à trouver les mots. Serais-je frappée du même mal que l'héroïne Delphine, incapable d'aligner trois mots depuis son écrasant succès littéraire et médiatique ? Nenni. Je ne suis pas prise de spasmes devant mon clavier. Non. Je me contente de me tapoter le bout de mon nez en cherchant l'inspiration. Bon, quand il faut y aller, il faut… je vais donc sauter dans le grand bain sans mes bouées de sauvetage et on verra bien si j’arrive à vous donner une idée assez précise de ce que j’ai pensé de D’après une histoire vraie, de Delphine de Vigan ! On y croit !

Quelques mois après la parution de mon roman, j’ai cessé d’écrire. Pendant presque trois années, je n’ai pas écrit une ligne. Les expressions figées doivent s’entendre parfois au pied de la lettre : je n’ai pas écrit une lettre administrative, pas un carton de remerciement, pas une carte postale de vacances, pas une liste de courses. Rien qui demande un quelconque effort de rédaction, qui obéisse à quelque préoccupation de forme. Pas une ligne, pas un mot. La vue d’un bloc, d’un carnet, d’une fiche bristol me donnait mal au coeur. D'après une histoire vraie - Delphine DE VIGAN

D’après une histoire vraie : une romancière un peu perdue et une ombre un peu trop présente

D'après une histoire vraie - Delphine DE VIGAN [Ed. : JC Lattès]
Nous sommes quelques mois après la publication et le succès retentissants du dernier roman de Delphine (de Vigan, hein, ne nous cachons pas derrière le pot de fleur de grand-mamie !) et celle-ci a encore du mal à réaliser ce qui s’est passé, l’importance qu’a pris ce roman pour ses lecteurs, de les laisser toucher du doigt son intimité, son essence profonde. Et après ? Justement, c’est le souci. Face à ces hordes de lecteurs qui espèrent une signature et attendent toujours plus, Delphine, qui n’est pas hyper douée pour les relations sociales (oui, oui, comme moi, je sais) surtout quand il s’agit de groupes, est désemparée et ne sait pas bien vers où se tourner. Enfin si : elle a une idée qui lui trotte dans la tête depuis quelques temps, un retour à la fiction avec un personnage féminin qui sortirait à peine d’une émission de téléréalité et dont on mettrait en lumière son retour à l’anonymat. Mais voilà. Delphine rencontre L. dans une soirée un peu arrosée, trouve en elle une oreille irréprochable… mieux : une âme qui fait écho à la sienne, qui la comprend. Et qui entend les choses différemment quant à la tournure que doit prendre le prochain roman de Delphine. La très bien (trop ?) renseignée L. installe son emprise sur une Delphine qui perd pieds face au succès de son dernier roman, face à d’étranges lettres de menace qui proviendraient de sa famille, et face au départ du nid familial de ses deux enfants devenus grands.

Peut-être étais-je seule à ignorer ce que tout le monde savait. Ce livre était un aboutissement, une fin en soi. Ou plutôt un seuil infranchissable, un point au-delà duquel on ne pouvait aller, en tout cas pas moi. Après, il n’y aurait rien. La fameuse histoire du plafond de verre, du seuil d’incompétence. Voilà ce que la question signifiait. Mais peut-être était-ce une fausse interprétation de ma part, une élucubration paranoïaque. D'après une histoire vraie - Delphine DE VIGAN

D’après une histoire vraie : beaucoup de tension et un soupçon d’Hitchcock

D'après une histoire vraie - Delphine DE VIGAN [ed. JC Lattès]
Nous voilà au coeur du sujet et là, les Athéniens, oui oui. Je me trouve dans l’embarras ! Bon, on va commencer par le plus simple : l’écriture et le personnage. Là, il n’y a pas vraiment de surprise : on retrouve le style fluide et sensible de Delphine de Vigan et, surtout, cette personnalité qui, moi, me parle comme rarement, sait trouver les mots sur ce que je ressens souvent. Comme moi, Delphine (de Vigan) perd son assurance et est submergée d’émotion dès que l’attention se concentre sur elle (et c’était déjà un aspect que j’avais beaucoup aimé dans le roman No et Moi), est hyper maladroite quand on la regarde (bon, elle ne bafouille pas et n’inverse pas les syllabes, mais c’est un détail)… et j’en passe car le but n’est pas, ici, de détailler ma personnalité à travers celle de Delphine de Vigan ! Nous ne sommes pas sur un canapé de psy, non plus. Bref. La structure du roman D’après une histoire vraie est plutôt bien faite : 3 grandes phases correspondant à l’évolution de la relation avec L. En revanche, la qualité est parfois inégale et il y a quelques passages à vide, mais rien qui gâche l’impression finale de cette lecture. Et on vient maintenant à L., à cette emprise effroyable et dévastatrice qu’elle prend sur Delphine (de Vigan ? Ah ! Là est le coeur du roman et on reparle dans quelques secondes) qui, à l’ombre de cette personnalité dévorante et pourtant largement calquée sur elle, se trouve terrassée par l’écriture. L’écriture qui, pourtant, jusqu’à la fatale rencontre avec L., avait toujours été un refuge. D’un pas mielleux et diabolique, L. s’installe dans la vie puis dans le cerveau de Delphine, essayant de la conduire précisément où elle le souhaite : vers un roman intime. Vers le Vrai. Et c’est là l’une des thématiques essentielles du roman D’après une histoire vraie : le besoin de véracité du lecteur. Ou non ? Au fil des pages, entre la tension née de cette relation obscure et suffocante basée sur un incroyable dysfonctionnement, Delphine de Vigan évoque par petites touches successives la créativité, la vulnérabilité de l’écrivain après un si grand succès, l’importance du « vrai » dans un roman. Et justement : comme les lecteurs décrits par L., on se retrouve à se demander « mais quelle est donc la part de vrai dans ce fichu roman qu’est D’après une histoire vraie ? ». La relation avec François (Busnel, donc, journaliste qui présente La grande librairie) est réelle si on se fie à Google… et, étrangement, en 2013, le journaliste aurait décidé d’interrompre ses émissions radio pour se concentrer sur Delphine de Vigan : l’épisode de dépression décrit dans le livre serait donc, également vrai ? Et si, finalement, ce n’était pas l’important ? Et si cette porosité des frontières entre réel et fiction était la moelle de l’écrivain, sa marge de manoeuvre ? Et si, en fait, seule comptait la manipulation dans laquelle on se laisse emporter ? Car, oui, D’après une histoire vraie reste un vrai roman de Delphine de Vigan. Un roman empreint d’une tension palpable qui nous englue et dont on se demande où elle va nous conduire. Un roman haletant, sombre, intelligent, qui flirte avec le thriller psychologique. Et qui s’achève avec un sourire d’incrédulité… Un roman qui mérite d’être dévoré, malgré quelques longueurs.

L’écriture était mon terrain le plus intime, le plus isolé, le plus protégé. Le moins partagé. Une zone franche, égoïstement défendue. Barricadée. Une zone que je n’évoquais qu’en surface, avec parcimonie. Le plus souvent, je parlais avec mon éditrice avant d’entamer un livre, puis se passaient de longs mois avant que je ne lui envoie une première version du texte terminé.
Ainsi ai-je toujours avancé.
Voilà ce que L. avait compris : l’écriture était un territoire retranché, interdit aux visiteurs. Mais maintenant, ce territoire était miné, assailli par le doute et la peur, et cette solitude me devenait insupportable. D'après une histoire vraie - Delphine DE VIGAN

Les détails du livre

D'après une histoire vraie

Auteur : Delphine DE VIGAN
Editeur : JC Lattès
Prix : 20,00 €
Nombre de pages : 480
Parution : 26 août 2015

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13 septembre 2015

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

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. . Caroline D.