En haut !

Il n’est feu que de grand bois : des lettres qui embrasent

[Carozine dévore le roman Il n'est feu que de grand bois - Claire FOURIER]

5 Sept. 2015

Carozine lit le roman épistolaire Il n'est feu que de grand bois - Claire FOURIER
En ce (un poil) morne samedi de rentrée, j’en profite pour parfaire mon exploration de la rentrée littéraire, cru 2015, avec un roman flamboyant qui m’a terriblement plu car follement atypique : un roman épistolaire, signé Claire Fourier : Il n’est feu que de grand bois. Bon, évidemment, quand on parle de roman épistolaire, on pense aussitôt Marquise de Merteuil, mais nenni. Point de Choderlos de Laclos ici… mais des Liaisons dangereuses, un peu. En voiture Simone, turlututu chapeau pointu, avançons sur les terres fertiles et délicates de Claire Fourier, que j’ai pris grand plaisir à découvrir (et je risque fort de m’orienter vers ses précédents ouvrages, dont Métro Ciel ou Les Silences de la guerre… oui, elle a également écrit des haïkus, mais je ne suis que guère perméable à cette forme d’écriture). Bref ! Aujourd’hui, je vous parle (exclusivement) de son dernier roman, Il n’est feu que de grand bois.

Cher,
La lune est pleine et caresse les feuilles dorées dans les arbres du square. Ai-je dormi seulement quatre heures cette nuit ? Vous me ravissez (au sens de rapt autant que d’enchantement), et je me laisse ravir (à Dieu vat !) moins par un homme singulier (ce serait peu) que supérieur. Quelle journée merveilleuse, mémorable, prometteuse ! Merci. La pensée de vous me fait chaud au coeur -et ailleurs. Il n'est feu que de grand bois - Claire FOURIER

Il n’est feu que de grand bois : des lettres enflammées ; un amour qui ravive et deux personnes diamétralement opposées

Il n'est feu que de grand bois - Claire FOURIER [ed. de la Différence]
Il n’est pas simple de résumer le roman épistolaire de Claire Fourier : comment réduire à quelques phrases des lettres d’amour ? Je vous le demande ! Mais je n’ai peur de rien (sauf des énormes araignées poilues) et me lance donc dans l’exercice. Alma a dans les cinquante ans et cohabite avec un mari, surnommé le « légitime », qu’elle conserve plus par convenance et mutuel intérêt que par réelle envie. Elle est historienne du mobilier, à Paris, et, par une belle journée, lors d’une conférence, rencontre un homme qui bouleversera sa vie loin d’être définitivement tracée : Rolf. Il est grand et solide, d’origine scandinave (d’où le prénom, n’est-il pas), est le propriétaire d’une scierie (et donc forestier, forcément, parce qu’il faut bien avoir des arbres pour pouvoir les scier, n’est-il pas), et marié. Tous deux sont aux extrémités de la chaîne du bois et entre eux va se nouer un amour d’abord platonique… puis nettement moins. De cet amour qui embrase la vie d’Alma, entre bonheur-du-jour et billet-doux, on possède les lettres.

M’attire votre rapport puissant à la matière, la matière première renouvelable. Vous faites travailler ensemble le cerveau et la main. Vous évoluez parmi les bûcherons et les menuisiers de vos scieries, vous avez du goût pour toutes sortes de moteurs, mais c’est le moteur du monde sur lequel vous êtes penché.
Non ! Vous êtes un moteur du monde (plus que si vous sortiez d’une école dite supérieure, où vous auriez eu votre place) et vous tempêtez parce que la carrosserie du monde ne suit pas. Il n'est feu que de grand bois - Claire FOURIER

Il n’est feu que de grand bois : un roman érudit, pour une conception magnifique de l’amour

Il n'est feu que de grand bois - Claire FOURIER [ed. de la Différence]
En une seule lettre, la première (c’est d’une logique désarmante, non ?!), je suis tombée amoureuse de la plume d’Alma… ou plutôt de Claire Fourier. Bouillonnante, foisonnante, érudite, sensible, drôle et pétillante, Alma irradie le papier de sa personnalité, faisant feu de tout bois. En face ? Des réponses laconiques et parsemées de fautes d’orthographe, des emails transférés ou des vidéos partagées. Mais ce n’est pas grave, Alma a la passion des mots et de l’écriture, adore faire vivre l’amour sur sa plume et se jouer de la langue : d’une lettre à l’autre, on assiste à ses états d’âme de femme passionnée par cette rencontre fulgurante et ce grand taciturne qui la ramène aux origines, ancre ses pieds de femme cultivée dans la terre. Et, en un sens, on comprend le manque de réponse : comment être à la hauteur d’une telle prose ? Alma s’amuse des métaphores forestières, jongle avec les expressions, revient à la source des mots, dévoile sa vision des peintures qu’elle apprécie tant. Il n’est feu que de grand bois est, d’abord, un décalage rafraichissant entre ces deux tempéraments opposés mais, surtout, il s’agit d’un somptueux roman sur l’amour, d’une belle (et intelligente) réflexion sur notre relation à l’amour : à quoi tient notre embrasement pour l’être aimé ? Avec cette correspondance et ces heures volées, Alma apprend à être dans le présent, répond avec un optimisme féroce à l’imprévu, se livre entièrement à l’ivresse et à l’exaltation de l’amour. A travers elle, Claire Fourier nous offre un merveilleux personnage féminin, libre et blessé d’être mal aimé, aux éclats volcaniques qui m’ont bien souvent fait penser à moi. Certaines lettres sont absolument truculentes, soit dit en passant. Mais revenons-en à notre roman, Il n’est feu que de grand bois : il est orné d’un bandeau rouge précisant que Claire Fourier a inventé la « sensualité verbale ». Ce n’est pas faux. Cependant, à la lecture d’Il n’est feu que de grand bois, j’ai surtout trouvé une écriture fluide, libre et mélodieuse, sensuelle parfois mais érudite toujours. Et c’est cette impression de culture et d’abandon à l’amour qu’il me reste du roman de Claire Fourier après l’avoir refermé. J’ai adoré cette écriture, aimé cette personnalité flamboyante d’Alma et cette réflexion sur l’amour, le mariage et la vie que l’on se crée. Il n’est feu que de grand bois est un joli coup de coeur.

Tout paraît inné chez toi, et c’est la vie « native » sur laquelle je me greffe collée à ton ventre. Je veux être écrasée sous ta carcasse, et que tu me racontes mille histoires de forestier, me dises combien l’abattage des arbres est étudié et précis. En ce moment, j’entends le fracas qu’ils font quand, suite au premier sapin qui tombe, les autres chutent en domino et dévalent le long des pentes jusqu’à la route (…). J’écoute ce tonnerre qui roule et retentit dans la montagne, et j’y entends le bruit de la création du monde un bigbang qui pourrait aider notre monde à renaître -en tout cas, le mien. Il n'est feu que de grand bois - Claire FOURIER

Les détails du livre

Il n'est feu que de grand bois

Auteur : Claire FOURIER
Editeur : de la Différence
Prix : 17,00 €
Nombre de pages : 192
Parution : 27 août 2015

Acheter le livre

5 septembre 2015

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

Autres lectures de Carozine : Lucy in the sky : chroniques d’une adolescence aux ailes brûlées.

. . Caroline D.