Séjour (paradisiaque ?) à Corfou

A quelques jours de la rentrée (pas littéraire, la vraie de vraie, celle dont nous bassinent les journaux avec les fournitures scolaires en Monster High et autre Spiderman… à remettre dans l'ordre en fonction du genre du gremlin scolarisé), il me semblait parfaitement logique et opportun de (enfin !) vous parler de Corfou, cette petite île grecque à quelques encablures de l'Albanie et hautement orientée tourisme à fond les ballons. La première chose à envisager, quand vous préparez votre semaine idyllique sur une île bordée d'eaux cristallines, est l'hôtel et l'affaire se corse bigrement quand, grâce à un nouvel allié du touriste en mal d'inspiration ou du salarié qui s'ennuie ferme devant son clavier et se dit qu'un peu d'évasion ne lui ferait pas de mal (mais oui, pourquoi ne pas visiter la Cité interdite depuis son bureau, hein ?!), vous réalisez que la ville de Corfou (c'est d'un pratique, n'est-il pas ? Les Grecs étaient manifestement en mal d'inspiration, comme souvent dans les îles grecques, vous me direz, pour nommer la "capitale" de l'île) est dotée d'un aéroport (ce qui facilite grandement la vie, il est vrai)... situé à 5mn du centre. L'astuce consiste donc à vous éloigner du centre en question pour éviter les avions survolant la ville à toute heure, et la pratique confirmera que vous avez eu grandement raison, quand vous verrez (mais surtout entendrez) les avions atterrir et décoller à un rythme effréné, à quelques mètres à peine au-dessus des immeubles lézardés de Corfou (Kerkira, si vous voulez faire le malin devant les Grecs). L'emplacement idéal se trouve donc être le quartier de Mon Repos (oui, oui), à l'autre bout de la baie, d'où vous pourrez contempler la vieille citadelle surplombant le port.

Corfou : la citadelle et la vieille ville

En toute logique, la première chose qu'il vous vient à l'esprit de visiter est cette citadelle qui vous fait de l'oeil depuis votre arrivée. Après avoir longé la baie, lorgné sur les "taverna" et leur terrasse qui vous attendent pour le déjeuner et traversé l'immense place centrale de Leonida Vlachou, où les cafés s'entassent les uns sur les autres, vous arrivez tout content de vous et suant déjà malgré la relative fraîcheur matinale devant la Vieille citadelle vénitienne (dans l'histoire mouvementée de Corfou, vous apprendrez d'ailleurs qu'elle fut d'abord byzantine, les Vénétiens s'étant plus ou moins contentés de la fortifier, quelques années plus tard), forteresse colossale dont les remparts dominent la ville de Corfou. En grimpant sur les cailloux polis (une autre riche idée des Grecs, mais je les soupçonne d'avoir installé ces cailloux intentionnellement parce que cela doit les amuser au plus haut point de voir les touristes se vautrer dans leur ascension), vous arriverez au sommet de la citadelle d'où vous pourrez admirer la vieille ville, le petit port et ses yachts, mais également les côtes de l'Albanie dont vous devinerez les immeubles amassés sur un flanc de colline. Il ne vous restera plus, une fois les pieds reposés sur la terre ferme et non glissante, qu'à vous plonger dans les ruelles sinueuses de la vielle ville… en étant happé par un flot de touristes s'engouffrant au même endroit, alpagué par des rabatteurs qui vous proposent des t-shirts à gogo, des ustensiles en olivier (nous passerons ici sous silence la forme peu adéquate d'un tire-bouchon, pour les yeux chastes) et autres éponges naturelles. Autant dire qu'en pleine journée, il y a de quoi paniquer sérieusement en se sentant cerner de tous les côtés, ce qui a toujours tendance à réveiller mes tendances à l'agoraphobie (oui, parce qu'imaginez qu'un taliban vienne se perdre à Corfou et perde les pédales devant autant de décolletés pigeonnants, où, je vous pose la question Dr. Watson, pouvez vous fuir si vous êtes entourés par des touristes s'extasiant à chaque pas devant l'amoncellement de souvenirs abêtissant à rapporter chez eux ?! Ah !). Pour faire simple, disons que la vieille ville de Corfou est nettement plus agréable à visiter aux heures où les touristes rentrent de la plage pour se pomponner avant de sortir ou, ne faisons pas dans la demi-mesure, à l'heure où ils roupillent profondément et que les vendeurs d'icônes remballent leurs chapelets. Vous y découvrirez des petites cours cernées d'immeubles aux façades lézardées (et qui, pour certains, manquent de tomber en ruines), des fils tendus à l'italienne sur lesquels les Grecques étendent leurs petites (façon de parler) culottes… une ville au charme désuet, qui continue de vivre à son rythme malgré le flot de touristes.

Corfou : l'Achilleion

Figurez-vous que dame Sissi était une passionnée de la Grèce et que, à ses heures perdues, elle fit construire un petit palais de style pompéien, à quelques minutes de la ville de Corfou, au sommet d'une colline dominant l'île verdoyante et la mer, en hommage au héros de la Grèce antique : Achille. Cela donne un palais d'une symétrie parfaite, planté dans un jardin parsemé de statues et de fontaines ; un décor fantasque vous ramenant des milliers d'années en arrière, du temps où les statues antiques n'étaient pas d'un blanc immaculé. A l'entrée, une statue, taille réelle, je vous prie, vous permet de vérifier (du moins pour ceux qui n'ont pas eu encore la chance de visiter le palais des Habsbourg à Vienne, où l'on peut ouvrir des yeux effarés devant le minuscule corset de la jeune impératrice fantaisiste ; il pourrait, à ce sujet, être instructif que je vous parle de Vienne et des si nombreux lieux à y visiter mais n'ayant pas été pourvue d'un appareil numérique quand j'y ai vécu, il faudrait pour cela que je m'amuse à scanner toutes mes photos ou, chose finalement plus simple, que je retourne y passer quelques jours, histoire de voir si les Stehplätze existent toujours à un tarif dérisoire pour voir un opéra différent chaque soir, mais l'agenda des séjours à l'étranger est pour l'instant complet et l'Autriche n'y figure pas, autant dire que vous devrez patienter avant de pouvoir découvrir mes pérégrinations dans le Bermuda Dreieck, qui fut tout de même le paradis nocturne des étudiants de mon Studentenheim mais, à nouveau, je m'égare... Certes, c'est une habitude, mais un peu de discipline ne ferait pas de mal : revenons donc à notre Achilleion et à la mer turquoise de Corfou !), je disais donc qu'une statue de Sissi vous accueille à l'entrée du palais, avant que vous ne pénétriez dans le splendide hall qui réserve une surprise de taille : un escalier somptueux, gardé par les statues de Zeus et de sa jalouse femme Hera, s'inspire de celui de l'Opéra Garnier ; il est fait de marbre et de bronze (de multiples statues bordent les marches) et s'achève sur Le triomphe d'Achille, fresque signée Franz Matsch. L'escalier vous libère sur une incroyable terrasse, entourée de la galerie des philosophes et du péristyle des muses, qui conduit, d'un côté à la véranda des larmes (nom très poétique dû aux heures que l'impératrice y passait en pleurant son fils) et, de l'autre, à l'imposante statue : l'Achille victorieux de Johannes Götz. L'Achilleion est une parenthèse de verdure et de marbre dans cette île consacrée au tourisme de masse ; on y prend le temps de batifoler entre les terrasses, de rêvasser devant un paysage à couper le souffle et de songer à la splendeur de la Grèce mais surtout à cette mythologie qui me fascine toujours autant et berce mon imaginaire.

Pour les éternels ventres creux, le petit restaurant juste en face de l'Achilleion, le San Marino, est une pépite : on y mange délicieusement bien et les prix sont très raisonnables. Vous devez absolument y goûter les aubergines grillées, une pure merveille qui fond sous le palais…

Pour les routards en herbe, il n'y a rien de plus simple que de se rendre à l'Achilleion : la ville de Corfou a mis en place un bus qui s'y rend toutes les heures et que vous attrapez sur la longue rue embouteillée qui conduit à l'infernale place Theotoki, d'où tous les bus de la ville (ou presque) partent.

Corfou : Kassiopi et les côtes albanaises

L'île de Corfou fait décidément bien les choses pour les touristes désoeuvrés ayant, fort à propos, laissé leur permis de conduire avec leurs bottes de pluie, dans un sombre recoin de leur placard bordelais : ils ont instauré une ligne, les Green Buses, qui sillonne toute l'île et vous permet de faire des sauts de puce de-ci de-là. La destination du jour ? Le petit village de pêcheurs Kassiopi, qui se trouve être également dans la partie de l'île de Corfou la plus proche physiquement des côtes de l'Albanie. Mettons les points sur les i, si vous espérez, en vous rendant à Kassiopi, échapper aux touristes affluant massivement à Corfou, vous vous fourrez irrémédiablement le doigt dans l'oeil (jusqu'au coude) : l'île de Corfou s'est entièrement tournée vers le tourisme et, où que vous vous rendiez, vous êtes donc attendu de pied ferme par une horde d'installations touristiques ayant à coeur de vous prendre en charge. Concrètement, l'aspect pêche du village de Kassiopi a quelque peu disparu et je pense que nous avons probablement croisé le seul homme à pratiquer encore cette activité et qui était, ce jour-là, plongé avec ardeur dans la remise à neuf de son bateau. Il n'empêche que le port de Kassiopi est plein de charme et que vous pouvez vous échapper le long des falaises pour contempler la mer d'un bleu profond et les fameuses côtes albanaises. Autre gros avantage : contrairement au sud de la France où les autochtones se font un plaisir de ratisser jusqu'au dernier centime de votre portefeuille laissé anorexique, les Grecs savent rendre hommage à la cuisine et aux peaux blanches qui les font vivre, ce qui donne non seulement des plats tout à fait corrects mais surtout des prix incroyablement bas.

Corfou : Paleokastritsa (à vos souhaits)

Une fois que vous avez découvert le folklore du Green Bus, de son homme généralement ventripotent qui parle à tous vents et donne les billets, vous ne pourrez plus vous en passer ! Cette fois, ils nous conduiront jusqu'aux criques de Paleokastritsa et leurs gouffres rongeant les falaises. Vu la couleur des eaux de Paleokastritsa, n'espérez pas être tout seul à vous y rendre ; le bus vous laissera sur les bords de la plage prise d'assaut par une armée de touristes en bikini, ce qui aura tendance à vous hérisser légèrement le poil… mais en relevant de quelques centimètres le regard, vous tomberez en admiration devant ce paysage paradisiaque, les eaux turquoises et limpides à travers lesquelles vous pouvez apercevoir un paquet de poissons, et les sombres falaises abruptes qui s'y jettent. Paleokastritsa est digne d'une carte postale et se baigner dans ces eaux translucides est un vrai régal… surtout si vous pouvez également y siroter un jus d'oranges pressées à faire pâlir de jalousie Tropicana. Le sommet des falaises abrite un monastère… ce qui explique la présence de popes en grande tenue d'apparat près de ces plages magnifiques et, si vous décidez de déjeuner au restaurant à la carte italienne, Idea Ristorante, vous pourrez même en découvrir un en train de se régaler de la cuisine gréco-italienne de la propriétaire, maculant son habit gris pâle de sauce tomate (mais ce n'est pas bien grave… en Grèce, le pope possède l'aura d'une rock star et la propriétaire baisera le sol sur lequel il marche quoi qu'il advienne, il pourra donc s'en mettre plein la panse sans dépenser le moindre denier !).

Corfou : le monastère de la Transfiguration de Jésus et le lagon Kanoni

Pendant la phase d'atterrissage de l'avion, vous survolerez une grande partie de l'île de Corfou et vous demanderez, jusqu'au moment où le pilote posera enfin les roues sur la terre ferme, si vous n'allez pas finir par avoir les fesses dans l'eau… mais que nenni ! Vous n'aurez, en réalité, fait que survoler le lagon Kanoni, au bout duquel a été installée la piste de l'aéroport de Corfou. En longeant le parc de Mon Repos (qui vaut d'ailleurs le détour et qui abrite les ruines d'un temple), vous zigzaguerez sur de petites routes pour vous amener au bout de la pointe, où se trouve le lagon Kanoni et son paisible monastère de la Transfiguration de Jésus (rien que cela). Vous avez dit paisible ? Pas tout à fait, docteur Watson ! car le paysage de carte postale absolument idyllique où le monastère d'un blanc éclatant, paré de drapeaux multicolores, se reflète dans les eaux tranquilles du lagon est très rapidement remis au goût du jour par les avions, dont les moteurs font frémir les eaux paisibles et bourdonner les oreilles ; vous comprenez soudainement pourquoi il y a autant de touristes sur la petite digue qui traverse le lagon Kanoni : ils attendent (pas bien longtemps, d'ailleurs) les avions pour les voir descendre à quelques mètres à peine au-dessus de leur tête. C'est d'ailleurs plutôt divertissant ! Vous pourrez également y admirer l'île Pontikanisi, autrement appelée l'île de la souris à cause de sa taille franchement miniaturisée. Ce soir-là, il y avait fête au monastère de la Transfiguration de Jésus et les Grecs étaient nombreux à se presser autour du monastère perdu sur son lagon, à préparer un immense festin (probablement du souvlaki, que l'on trouve à tous les coins de rue à Corfou) et à s'agglutiner autour de popes à la cabine avancée.

Corfou est une île aux paysages magnifiques, où vous passerez quelques jours délicieux à déguster la cuisine grecque et à découvrir de nombreux lieux ravissants... mais le tourisme de masse est un poil trop présent à mon goût et je lui préfère donc largement le Péloponnèse et les Cyclades.