Les déboires de Carozine à Bordeaux : la poche
5 Mars 2011
S'acclimater à une nouvelle ville n'est jamais une simple affaire. Et si le langage vient sournoisement déposer un grain de sable dans la jolie mécanique de l'appropriation de la ville (et non pas "vieille" comme le voudrait tant mon clavier), cela relève alors du casse-tête chinois. Imaginez donc. Non seulement vous devez mémoriser le chemin qui vous ramènera chez vous, et ce sans utiliser de petits croûtons de pain, car, bien qu'ils soient moins nombreux qu'à Paris, les pigeons restent présents à Bordeaux, ou déposer une croix rouge sur les murs des immeubles, cela serait probablement mal vu de l'UNESCO (eh oui ! Bordeaux est une ville classée) qui penserait aussitôt qu'une horde de vagabonds américains au langage codé a débarqué en ville. Pensez donc, j'aurais pu reprendre le langage des signes inventé par les hobos (ces vagabonds se planquant dans des trains de marchandises) pour avertir les autres sur les mœurs familiales de la maison où ils ont passé la nuit. J'aurais alors choisi cette espèce de chat grassouillet qui symbolise une femme au grand cœur. Rien que ça.
La poche : plaît-il ?!
Je disais donc que je devais non seulement mémoriser les rues qui ont l'étrange inconvénient de ne jamais être droites et ne jamais aboutir au même endroit, mais également assimiler certaines particularités du langage bordelais. Car après tout, il n'est jamais plaisant d'ouvrir de grands yeux, dignes d'un merlan que l'on viendrait de frire, quand on vous propose une poche. Il était donc une fois une Parisienne au neurone quelque peu défaillant qui se retrouva en train de faire ses courses dans une grande surface. La lutte pour l'environnement ayant pris une telle importance dans notre charmante contrée, j'étais habituée à transporter depuis quelques mois un petit sac en tissu 36 fois plié au fond de mon sac-à-main, en cas de courses urgentes. Sauf que j'avais évidemment changé de sac ce jour-là et je me retrouvais donc désemparée à la caisse, en train de bafouiller "Excusez-moi, mais auriez-vous un sac ?". Ce à quoi la caissière (mais soyons politiquement correcte, Mademoiselle -oui, oui, point de Madame !- je vous prie, et attribuons-lui donc son nouvel intitulé : hôtesse de caisse. Le fait de savoir si cela correspond à ce qu'il est bienséant d'appeler un job alimentaire pour ne pas heurter les sensibilités n'étant pas à l'ordre du jour) me répondit "J'ai des poches !".
La poche bordelaise... tout un univers !
Magnifique, me dis-je. C'est absolument épatant de savoir, qu'au moins, je pourrai faire rentrer mon reblochon et mes pommes de terre dans les poches du pantalon de l'hôtesse de caisse, c'est vraiment parfait, à ce souci près que je ne peux décemment pas embarquer l'hôtesse et la ramener chez moi pour lui vider ses poches sur place. Légèrement surprise, j'ouvris donc la bouche pour lui expliquer qu'il n'était pas franchement envisageable de les emmener, elle et ses poches, chez moi et que je doutais fortement que le kilo de pommes de terre que je venais d'acheter puisse effectivement rentrer dans les poches de son pantalon, quand elle me tendit des sacs plastiques. Devant mon air ahuri, l'hôtesse de caisse insista : "Vous vouliez bien des poches, non ?". J'assimilai aussi sec que "poche" est synonyme de "sac" et que la poche se décline donc en plusieurs variantes, ce qui me permit donc de ne pas ricaner bêtement quand une dame me bouscula un jour en marmonnant un "je récupère ma poche" dans sa barbe inexistante ou lorsqu'un article d'un très sérieux journal aborde l'épineuse question des poches poubelle et des bacs gris à Bordeaux.
Bougres de faux jetons à la sauce tartare ! C'est tout ?!
Autres expressions avec Carozine : Le "drôle" bordelais