Coeur d’encre : quand lire devient un danger
[Carozine se plonge dans le roman jeunesse Coeur d'encre - Cornelia FUNKE]29 Déc. 2014
Poursuivons notre plongée dans le monde de la littérature adolescente (ou pré-ado, nous ne sommes plus à quelques années près), car telle est ma lubie du moment, avec un roman intrigant à l’idée originale : Coeur d’encre, de Cornelia Funke (censée être particulièrement renommée dans le milieu de la littérature jeunesse, mais que je viens, évidemment, seulement de découvrir... ceci étant, je suis diablement à la ramasse car, après recherche sérieuse et très approfondie, il s'avère que Coeur d'encre a même été adapté au cinéma il y a quelques années de cela, oups), qui se prête à une jolie mise en abîme pour une ode à la lecture. Oui, car dans le roman Coeur d’encre, l’écriture et la lecture peuvent se révéler particulièrement dangereux et pour cause : les personnages prennent vie sous la langue de certaines personnes dotées d’un don pouvant se révéler plutôt encombrant. Mais reprenons du début, parce qu'il faut un peu d'ordre et de discipline, par moment. La rigueur militaire a parfois du bon, oui oui. Place donc à l'intrigue fascinante de Coeur d'encre, résumée en un paragraphe pour vos yeux ébahis.
Coeur d’encre : Meggie, Mo… et tous les autres
Par une soirée pluvieuse, Meggie, douze ans et passionnée de lecture (il faut dire qu’elle baigne dedans depuis sa naissance puisque son papa, Mortimer -Mo pour les intimes et Langue Magique pour les farfelus- est relieur de livres anciens), voit à travers sa fenêtre parsemée de gouttes un visage blafard et balafré qui regarde fixement la maison. Alarmée, elle traine son père hors de la couette mais Mo n’a pas tout à fait la réaction espérée par sa fille : il lui dit de retourner se coucher et ouvre grand la porte. Il va sans dire que Meggie préfère se cacher derrière la porte et ce qu’elle entend titille sa curiosité : l’homme, s’appelant Doigt de Poussière, connait son père depuis des années et ne cesse de vouloir l’appeler Langue Magique. Quel est le secret de Mo ? Pourquoi a-t-il une dette envers l’énigmatique Doigt de Poussière ? Quel est le livre précieux sur lequel le terrible Capricorne souhaite mettre la main, quitte à brûler tous les livres sur son passage ? Les questions se déchaînent dans la tête de Meggie tandis que les trois compères fuient vers le Sud et trouvent un refuge bien trop temporaire dans la maison-bibliothèque de la vieille et butée Elinor.
Il pleuvait cette nuit-là une petite pluie fine, tout en murmures. Des années plus tard, il suffisait que Meggie ferme les yeux pour l'entendre, comme des doigts minuscules qui cognaient contre la vitre. Quelque part dans la nuit, un chien aboyait et Meggie avait beau se retourner dans son lit, elle n'arrivait pas à dormir. Le livre qu'elle avait glissé sous son oreiller avant d'éteindre se pressait contre son oreille comme s'il voulait l'attirer de nouveau entre ses pages imprimées. Coeur d'encre - Cornelia FUNKE
Coeur d’encre : un roman jeunesse rondement mené
Il ne faut pas être né de la cuisse de Jupiter ou du dernier neurone d’Einstein pour comprendre rapidement l’histoire de Coeur d’encre (et je ne révélerai donc rien, ici, d’essentiel au suspens du roman) : Mo, en lisant à voix haute, est parvenu à libérer les monstrueux et maléfiques personnages d’un roman intitulé Coeur d’encre, écrit il y a de cela bien des années par un vieillard facétieux. Seulement voilà. Capricorne (dont le coeur de pierre, noir comme l’encre de Chine, a donné son nom au roman dans le roman Coeur d’encre -oui, il faut suivre un peu et éventuellement prendre des notes pour tout comprendre) n’a pas vraiment envie de retourner dans son roman d’origine et sème la terreur dans notre monde. Pire. Il veut absolument mettre la main sur les exemplaires de Coeur d’encre et sur le lecteur magique… mais à quelle fin obscure ? Je ne vous le dirai pas, il ne faudrait pas non plus gâcher toute l’histoire. Il vous suffira donc de savoir que Coeur d’encre (de Cornelia Funke, cette fois) est un roman jeunesse bien ficelé, à l’écriture fluide et plein d’imagination. Il lui manque, à mon avis, une petite touche d’humour, mais cela est uniquement dû à mon esprit déjanté et à mon incapacité chronique à prendre les choses au sérieux. Il n’empêche que Coeur d’encre est une très belle découverte, une ode magnifique et trépidante à la lecture (et aux livres de notre adolescence), peuplée de personnages aux caractères bien trempés et si leur psychologie n’est pas des plus abouties dans ce premier tome, je n’ai aucun doute sur le fait qu’ils devraient prendre de la profondeur dans les deux autres tomes de cette série qu’est Coeur d’encre (j’ai oublié de le préciser, mais il s’agit là d’une trilogie : Coeur d’encre ; Sang d’encre et Mort d’encre). La relation entre Mo et Meggie, tous deux passionnés de livres, est délicate, sensible et pleine de poésie, ce qui ne gâche rien ; elle permet, par ailleurs, de transmettre de petits messages pas si subliminaux sur les vertus de la lecture (comme le fait qu’un livre renferme les souvenirs qui entourent sa lecture entre ses pages pour nous les retransmettre, bien des années plus tard, aussi frais qu’une glace, à la simple vue de leur couverture). Je conseille donc cette lecture à tous les nostalgiques des aventures magiques de leur enfance pour faire découvrir l’univers des livres et leur puissance libératrice à leurs rejetons !
Comme elle était lâche ! Elle s'efforça de penser à n'importe quel héros, à un de ses livres, de se mettre dans sa peau pour se sentir plus grande, plus forte, moins peureuse. Pourquoi ne lui venait-il que des histoires sur la peur tandis que Capricorne l'observait ? D'habitude elle arrivait si facilement à s'évader en d'autres lieux, à se glisser dans la peau des animaux ou des hommes qui n'existaient que sur le papier (...). Coeur d'encre - Cornelia FUNKE
Les détails du livre
Coeur d'encre
Auteur : Cornelia FUNKE
Editeur : Folio junior
Prix : 10 €
Nombre de pages : 672
Parution : janvier 2010
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
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