Pétage de Plombs chez François Ier : Bridget Jones à la Renaissance… farfelu, forcément
[Carozine dévore le roman historique Pétage de Plombs chez François Ier - Ariane D.]25 Mai 2015
Oyez, oyez ! En ce début de semaine (férié ou non, allez savoir où nous en sommes et qui travaille gratuitement, vaste question épineuse et foireuse), j’arbore les couleurs de la Renaissance, à une époque où les escaliers à double circonvolution n’existaient encore qu’à l’état de prémisse dans les neurones agités de François 1er. Et oui. Mais, cette fois, ce n’est pas d’un roman historique dont je vais vous parler, du moins pas tout à fait. Pétage de Plombs chez François 1er, premier roman signé Ariane D, est plutôt une sorte d’ovni, un peu le Retour vers le futur de la littérature… le rêve un peu déjanté d’une jeune (oui, oui, j’insiste : jeune !) trentenaire qui a probablement, comme moi, rêvassé un peu trop longtemps devant un tableau de la Renaissance ou à la lecture d’un roman historique, en se demandant à quoi diable nous pourrions ressembler dans une robe d’une étoffe incroyable, surmontée d’une coiffure vertigineuse, contraintes de plonger dans une révérence (bon, dans mon cas, je me suis également demandé ce que cela pourrait être d’être en toge avec un aigle en or sur la tête, façon Nofrétari, après avoir lu Christiane Desroches Noblecourt, mais c’est une autre histoire). Bref ! Plongeons à la suite de Ariane D en pleine Renaissance, avec son Pétage de Plombs chez François Ier. Le livre sort le 28 mai en librairie, je vous rappellerai cela le jour J via mon ami (?) bleu !
- Ouvrez cette p*** de porte ou je la défonce !
Si la menace est bien ridicule, le vacarme que je fais, lui, ne l’est pas. Des passants, le cheveu gras, accoutrés de chemises tachées et de futals dix fois trop grands qui tire-bouchonnent sur leurs sabots, s’arrêtent. Des fenêtres à meneaux percées dans les belles façades gothiques des maisons voisines s’ouvrent. S’y encadrent des femmes coiffées d’un drôle de bonnet. J’ai soudain l’impression d’être dans une pub La Laitière !
– Cesse de brailler à oreilles étourdies et file comme carreau d’arbalète, crottée drôlette, ou tu tâteras de mon vase de nuit ! me hurle l’une d’entre elles.
A la réflexion, on est loin de la gentille matrone aux gros nibards qui fabrique ses yaourts… Je redouble d’ardeur. Pétage de Plombs chez François Ier - Ariane D.
Pétage de Plombs chez François Ier : une journaliste de mode ; un roi barbu et un étrange pouvoir
Ariane a trente ans, vivote dans un placard à balai pour cause de salaire de misère gagné à pondre des piges dédiées à la mode mais, surtout, Ariane, chaussée de ses Louboutin et équipée de son sac Chanel (sa seule richesse), possède le don de se téléporter dans le temps. Et, en cette matinée où elle manque recevoir un seau de pisse sur le crâne, c’est dans le Paris de la Renaissance qu’Ariane débarque et tambourine à la porte de l’une de ses ancêtres, la Comtesse de la Roche. Elle y fait la rencontre de celle qui sera présentée comme sa soeur, Henriette de Boisset. Un décrassage vigoureux plus tard, Ariane se retrouve propulsée sur un canasson qu’elle ne contrôle plus en direction de la place de Grève, où doit avoir lieu l’exécution publique d’un hérétique. Sauf que, malgré des heures assidues passées devant Game of Thrones, notre journaliste n’apprécie que très moyennement le spectacle sanglant qui s’offre à elle et atterrit (après quelques frasques la faisant remarquer de Sa Majesté François Ier) dans le cimetière des Innocents (avant que l’on y installe des boutiques et un McDo) : elle y croisera celui qu’elle renommera Sorel, ainsi qu’une recluse à vie pour avoir oser occire son mari, Renée de Vandômois. Quelques aventures plus tard, Ariane est enfermée dans l’une des chambres de la demeure de la comtesse, qui envisage très sérieusement de planter une Ariane un poil encombrante dans un couvent. (Mal ?)Heureusement, François Ier, curieux de rencontrer le phénomène ayant animé l’exécution publique, débarque et exige qu’Ariane soit introduite à la Cour.
(...) La comtesse semble partie pour me réciter son arbre généalogique jusqu’à ses ancêtres australopithèques, je décroche… laissant toutefois mon oeil accroché aux portraits de famille qui recouvrent les murs. Je contemple avec une attention fascinée ces têtes de gland aux airs importants qui luisent comme une tâche blanche dans la nuit noire de la toile. Mais d’où leur vient cette manie de peindre les gens comme s’ils posaient à trois heures du mat’ avec un balai dans cul, sérieux ? Je suis sûre que même Kate Moss aurait l’air d’un têtard sous ecsta si les peintres de ce siècle lui tiraient le portrait. Mais, après tout, peut-être savent-ils capter ce que Photoshop nous cache ?
- M’oyez-vous, Mademoiselle ? finit par me lancer mon aristocratique interlocutrice. Pétage de Plombs chez François Ier - Ariane D.
Pétage de Plombs chez François Ier : un roman inclassable qui emporte et enthousiasme
Je ne vais pas vous mentir, les premiers chapitres de Pétage de Plombs chez François Ier m’ont laissée perplexe 1) parce que je me suis demandé si ce roman historique ne valait pas uniquement pour le décalage (réjouissant) entre le ton et les époques et 2) parce que les photos n’apportent pas grand-chose au moulin d’Ariane D (le décalage du texte se suffit à lui-même et n’a pas besoin d’une couche visuelle, mais je conçois qu’elle se soit follement amusée à les faire). Et, au gré des pages, on se laisse emporter par cette folle aventure d’une jeune femme (un poil féministe, superficielle, arrogante et égoïste) parachutée en plein XVIe siècle. Avec ce personnage insolite (et insolant), grande gueule, ressemblant diablement à Bridget Jones pour cette capacité à se mettre dans des situations inextricables à force de parler sans réfléchir et de vider les fonds de bouteille, je disais donc qu’avec ce personnage farfelu, on découvre la vie à la Renaissance : les palais et leurs tentures ; les « baigneries » pas si intimes et autres rituels de beauté ; la mode et le langage fleuri de l’époque ; la vie à la Cour, entre tromperies, complots, parties fines et festins… Louboutin aux pieds et argot à la bouche, on se promène dans les rues puantes et crasseuses de Paris qui ne ressemble pas franchement à ce que l’on connait, on revisite l’Histoire et se fend la pêche. Car Pétage de Plombs chez François Ier réussit le tour de force d’allier culture historique et humour corrosif. Ariane D, et cela fait le grand charme de ce roman historique, manie la plume (bon, le clavier) avec verve, se délectant du décalage des époques (les selfies et autres expressions ultra actuelles valsent avec la dévergognée ribaude) et jouant de l’autodérision (avec quelques réflexions bien senties, comme celle des années collège et de l’appareil dentaire). On se prend au jeu des pérégrinations de ce personnage insolant et gaffeur, d’autant que le contexte historique est fouillé et démontre une jolie maîtrise du sujet. Et quand l’Histoire se revisite avec fantaisie mais véracité, je dis toujours oui ! Enfin, j’ai beaucoup aimé les dernières pages, touchantes, de Pétage de Plombs chez François Ier, où Ariane D explique comment François Ier lui a permis d’ouvrir les yeux, de se reprendre et de se lancer dans cette folle aventure, malgré les doutes qui assaillent les écrivains en devenir (car qu’il y a-t-il de plus difficile que de se confronter à l’éventuelle critique ou au rejet, après avoir autant donné de soi ?). Un roman à conseiller aux amatrices de Bridget, ayant néanmoins un peu de neurones et d’intérêt pour l’Histoire de France !
S’il y a bien une chose identique entre XVIe et XXIe siècles, c’est le lendemain de cuite : même trépanation du crâne au marteau-piqueur, même haleine de poney, même énergie de bulot… Bref, même loose douloureuse, à ceci près : cela fait maintenant deux jours que je suis enfermée dans une chambre, très jolie au demeurant, avec son feu de cheminée, son lit à courtines… Mais niveau gastronomie, c’est beaucoup moins la fête : eau et pain sec. J’ai tellement faim que je me suis surprise ce matin à avoir cette terrible idée « Et si je boulotais les punaises de lit ? », triste perspective qui aura au moins l’avantage d’éviter de me faire piquer le cul en dormant. Pétage de Plombs chez François Ier - Ariane D.
Les détails du livre
Pétage de Plombs chez François Ier
Auteur : Ariane D.
Editeur : Hugo Roman
Prix : 17,95 €
Nombre de pages : 224
Parution : 28 mai 2015
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
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