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Mémé dans les orties : grognon et tendresse peuvent faire bon ménage

[Carozine dévore le roman Mémé dans les orties - Aurélie VALOGNES]

9 Mars 2016

Carozine lit le roman Mémé dans les orties - Aurélie VALOGNES
En ce milieu de semaine qui présentera une pause bienvenue dans le code CSS qui commence sérieusement à me courir sur le haricot, qui voit également ma pile de livres augmenter de volume (pour mon plus grand bonheur, il est vrai, mais c’est un poil stressant de les voir s’empiler sur la table du salon), bref, je disais donc qu’aujourd’hui j’allais vous parler de la sélection du mois de mars du jury Le Livre de Poche, avec le premier roman (dévoré en quelques heures) de cette sélection : Mémé dans les orties, d’Aurélie Valognes (illustre inconnue à mon bataillon d’auteurs, et pour cause, il s’agit d’un premier roman qui a commencé sa carrière en auto-publication). Entre le titre et le vichy rouge de la couverture qui fait un peu penser aux nappes cirées pour les pique-niques champêtres au milieu de personnages bedonnants au nez épaté et rougi par le vin qui tâche, je dois dire que Mémé dans les orties m’a un peu tapé dans l’oeil. Allez, hop, on saute à pieds joints sur la nappe et on entame la chronique.

Mme Suarez, cinquante-sept ans, est toujours élégante, on ne sait jamais. Elle en oublierait presque l’homme qui partage sa vie depuis près de quarante ans. Pour parfaire son sourire forcé destiné aux petites gens (le facteur, les éboueurs, le jardinier), Mme Suarez a une hygiène buccodentaire irréprochable. Trois lavages quotidiens de trois minutes chacun, avec brosse à dent électrique, bain de douche décapant, gargarismes sonores et finitions au fil dentaire. Ce qui est dommage, c’est que Mme Suarez a constamment les lèvres pincées et les sourcils froncés, occupée qu’elle est à guetter le moindre faux pas de ses congénères. Mémé dans les orties - Aurélie VALOGNES

Mémé dans les orties : un papy ronchon face à la vie dans une résidence pas si paisible

Mémé dans les orties - Aurélie VALOGNES [ed. Le Livre de Poche]
Dans une résidence tenue d’une main de fer par la concierge forte tête Mme Suarez, Ferdinand Brun (octogénaire de son état) tâche de survivre en évitant ses voisines aux cheveux multicolores (grâce à la coloriste en herbe qui habite dans l’immeuble et semble vouloir transformer la cour en arc-en-ciel )… Ronchon et plutôt malappris quand il décide de ne pas faire d’effort, Ferdinand Brun ne compte que sur sa chienne, Daisy. Il a bien une fille qui est allée se faire voir à Singapour pour mettre le plus de distance possible avec ses parents, ainsi qu’un petit-fils (qui a tout de même dix-sept ans), mais Ferdinand ne les voit jamais et ne s’en porte pas plus mal. Sa femme ? Partie avec un facteur italien. Et morte depuis. Ce qui n’est pas pour déplaire à Ferdinand Brun. Sauf que voilà. Par une bien triste journée, Daisy disparait et est retrouvée morte. Déprimé, Ferdinand Brun manque de passer sous un autobus, atterrit à l’hôpital et apprend que sa fille, alarmée, est bien déterminée à le dégager en maison de retraite (ultime menace)… ou à le pousser à accepter une surveillance mensuelle organisée par la diabolique Mme Suarez qui n’a qu’une seule hâte : se débarrasser de ce vieux grincheux qui lui empoisonne la vie, ses fleurs et ses escaliers. C’est sans compter l’arrivée intempestive de la jeune Juliette, dix ans et maigrichonne, qui tape l’incruste dans la cuisine de Ferdinand Brun et l’envahit de paroles et réflexions pas si déplacées. Ajoutez à l’addition la mamie d’en face, Béatrice Claudel, à qui il n’a jamais parlé depuis son installation mais qui s’avère plus utile et sympathique que prévu, et vous risquez de sérieusement bouleverser la vie de Ferdinand Brun.

Daisy n’est pas réapparue. Ferdinand a erré dans la rue toute la journée et une partie de la nuit, a crié son nom à s’écorcher la voix, s’est usé les yeux derrière sa fenêtre, n’a pas pu fermer l’oeil. Le tabouret calé sous le postérieur, il est maintenant rivé à l’oeilleton de sa porte d’entrée, témoin des allées et venues de sa voisine d’en face. Une vieille chouette bancale qui se donne des grands airs de bourgeoise avec sa coupe à la Simone Veil et dont la canne en bois pourrait, selon Ferdinand, cacher un peu d’alcool pour patienter à l’arrêt de bus. Mémé dans les orties - Aurélie VALOGNES

Mémé dans les orties : un roman qui décoiffe sous la théière (mais devrait s'oublier assez vite)

Mémé dans les orties - Aurélie VALOGNES
Je ne tournerai pas trente-six fois autour du pot de chambre de bonne-maman : Mémé dans les orties m’a fait passer un excellent moment. De là à dire qu’il s’agit de mon élu pour la sélection du mois de mars ? Probablement pas. Pourquoi ? Parce que, certes, l’histoire est sympathique à lire… mais plutôt prévisible. Évidemment, on se doute qu’il y a plus sous cette carapace de vieil ours ronchon que le goujat que l’on nous présente de prime abord. Évidemment, on soupçonne que la petite Juliette avec son esprit dégourdi, son bagout et sa façon de s’incruster avec inélégance mais espièglerie fera fondre la glace qui entoure le coeur du vieil homme. Évidemment, on suppose que Béatrice ne sera pas étrangère à ce dégel, avec sa passion pour les nouvelles technologies, ses parties de bridge et ses repas familiaux. Ceci étant, le chemin pour y parvenir est franchement agréable, tendre, ponctué de rebondissements insolites et d’humour (et m’a souvent fait penser à Nadine Monfils avec sa mémé Cornemuse qui dépote, notamment dans le roman La vieille qui voulait tuer le bon Dieu ou le polar (?) La petite fêlée aux allumettes, en un peu moins déjanté, tout de même). L’écriture évolue également au gré des pages : plutôt sèche et abrupte, distante de son personnage en tout début de roman, elle se délie au contact de la rafraîchissante Juliette et laisse une belle place aux dialogues de sourds (notamment entre Mme Suarez et Ferdinand Brun) qui sont plutôt impayables. En sautant d’un personnage à l’autre, tout en conservant Ferdinand Brun comme fil conducteur, Aurélie Valognes bouleverse la structure classique et assure un rythme échevelé à son Mémé dans les orties. Pour faire simple, Mémé dans les orties est un roman délectable, qui craque et croustille, idéal en apéritif.

(…) Toute frêle, en salopette et marinière. Elle n’a pas le temps d’ouvrir la bouche que Ferdinand l’arrête net :
—Pas la peine de te fatiguer, petite, j’ai déjà mon calendrier. Passer un mois d’avril n’est pas très fute-fute.
Il referme la porte quand une chaussure, pointure 34 à vue de nez, la bloque. Stupéfait, Ferdinand regarde la petite entrer chez lui et s’installer dans la cuisine.
—Non mais qu’est-ce que tu fais, là ? Je rêve ! Sors de chez moi, gamine. Illico !
—Si je peux me permettre, vous avez une tête d’oeuf de Pâques ! Moi, si je devais me suicider, je ne me jetterais pas sous un bus. Trop de risque de se rater, non ? Mémé dans les orties - Aurélie VALOGNES

Les détails du livre

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Mémé dans les orties

Auteur : Aurélie VALOGNES
Éditeur : Le Livre de Poche
Prix : 7,10 €
Nombre de pages : 259
Parution : février 2016

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Mémé dans les orties

9 mars 2016

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

Autres lectures de Carozine : La septième fonction du langage : thriller (?) loufoque parmi les sémiologues.

. . Caroline D.