Mange, Prie, Aime : un best seller chez Carozine
[Carozine se plonge dans le roman Mange Prie Aime - Elizabeth GILBERT]1 Jan. 2015
A force d’en entendre parler à toutes les sauces, je me suis décidée (enfin ?) à me lancer dans la lecture du best seller international d’Elizabeth Gilbert qui, depuis, se la coule douce à Philadelphie en vendant des pétouilles dénichées aux quatre coins du globe (ou plutôt uniquement d'Asie) : le roman Mange, Prie, Aime (Eat Pray Love en version shakespearienne dans le texte). Bon, évidemment, passer de Proust à Elizabeth Gilbert n’est pas forcément la meilleure des idées, mais, en toute honnêteté, Mange Prie Aime s’en sort honorablement. Ce n’est pas le roman du siècle qui bouleversera votre vie et dont vous vous souviendrez avec émotion (quoique… pour que Mange Prie Aime se vende aussi facilement que des petits pains, je suppose que certaines personnes en ont fait leur livre de chevet), mais, si on le prend pour une lecture de vacances avec une vision résolument optimiste du monde et que l'on relègue quelques neurones au placard, on passe un bon moment : Mange Prie Aime est une lecture divertissante et ce n'est déjà pas si mal, comparé à des livres se prétendant hautement philosophiques et que l'on traine tel un boulet pendant des années sans jamais avancer d'une page dans notre palpitante lecture.
Mange Prie Aime : une année sabbatique pour se reconstruire
Elizabeth (Liz pour les intimes que nous devenons au fil des pages) se réveille en pleine nuit, en larmes : elle a 30 ans ; un mari adorable encore follement amoureux d’elle et sans lequel elle n’imagine pas sa vie… mais voilà, sa vie est basée sur une illusion : l’idée que, passé le cap des terribles 30 ans, Elizabeth aurait enfin envie d’avoir un enfant. Sauf que non. La voilà à 31 ans, toujours aucune envie de se plonger dans les couches-culottes et elle décide donc de mettre fin à ce mensonge : elle entame une éprouvante procédure de divorce, se lance à corps perdu dans une liaison et termine disloquée avec cette question lancinante : mais que diable vais-je faire de ma vie ? qu’est-ce que j’attends de ma vie ? Ah. La première réponse est : je veux apprendre l’italien. La seconde réponse vient tout aussi naturellement : je veux apprendre la méditation. Lors d’un reportage à Bali, elle rencontre un vieux sorcier facétieux et implante une idée saugrenue dans sa tête blonde : prendre une année sabbatique et passer quatre mois en Italie pour apprendre le plaisir (en mangeant des pâtes et des pizzas sans jamais mettre les pieds dans un musée ou presque), quatre mois en Inde pour connaître la rigueur de la méditation et, enfin, quatre mois en Indonésie, à Bali, pour savoir comment concilier les deux et trouver l’équilibre en ce bas monde.
Mais qu’en est-il si, par choix ou par la force des choses, on ne participe à ce cycle rassurant de perpétuation ? Qu’en est-il si on dévie ? Où s’assied-on, lors des réunions familiales ? Comment marque-t-on le passage du temps, comment fait-on taire la crainte d’avoir gaspillé en futilités celui qui nous était imparti sur terre ? Il faut se fixer un autre but, trouver une autre aune à laquelle juger si oui ou non on a accompli sa destinée humaine. J’adore les enfants mais que se passera-t-il si je n’en ai pas ? Quel genre de personne cela fera-t-il de moi ?
Virginia Wolf a écrit : « la vie d’une femme est un vaste continent sur lequel plane l’ombre d’une épée. » D’un côté de cette épée, dit-elle, il y a les conventions, la tradition, l’ordre, où tout est comme il se doit. Mais de l’autre côté de l’épée, si vous êtes assez folle pour outrepasser cette frontière et choisir une vie qui ne se conforme pas aux conventions, « tout n’est que confusion, rien ne suit un cours normal ». Mange Prie Aime - Elizabeth GILBERT
Mange Prie Aime : des questions existentielles (?) pour une lecture facile
J’ai longuement réfléchi à la question du : mais pourquoi diantre et fichtre Mange Prie Aime caracole-t-il en tête des ventes depuis tant d’années ? Pourquoi est-ce un tel phénomène ? La seule réponse que j’ai trouvée est la suivante : certaines personnes ont pris ce livre comme une révélation. Il est certaines personnes qui entrent dans la vie et suivent le destin qui leur est tracé sans se poser d’autres questions. Je ne suis pas de ces personnes même si je les envie bien souvent. Les questions posées par Mange Prie Aime, je me les suis donc déjà souvent posées, trouvé mes réponses et agi en conséquences : j’ai démissionné, j’ai déménagé et suis en harmonie avec mes choix. Mange Prie Aime ne m’a donc rien apporté de ce côté-là, simplement confirmé ce que je savais déjà : rien ne sert de regretter les choix effectués. Mange Prie Aime n’a donc été, à mes yeux, rien de plus que le récit d’une année sabbatique ayant permis à son auteur de se retrouver, de trouver l’équilibre et de savoir ce qu’elle attendait de la vie. Et c’est déjà pas mal. Mange Prie Aime est relativement bien écrit, le propos n’est pas des plus philosophiques mais ne prétend à rien d’autre que d’être une retransmission du ressenti d’Elizabeth Gilbert et peut permettre de déculpabiliser : oui, certaines femmes ne sont pas certaines de vouloir des enfants et de pouvoir s’épanouir dans la maternité (et il faut donc être capable d’assumer un choix que la société ne comprend pas car on sort, ainsi, des petites cases préparées) ; oui, la souffrance, aussi douloureuse qu’elle soit, n’est pas éternelle et il est bon de ne pas culpabiliser des petits plaisirs que l’on s’offre ; oui, il est possible de tout plaquer, de commencer une nouvelle vie sans prendre en compte les exigences de la société et de se féliciter de ce choix. J’attendais peut-être trop de Mange Prie Aime (phénomène best-seller bonjour !), d’où une légère déception, car Elizabeth Gilbert ne livre pas une analyse approfondie de l’âme humaine, elle relate sa vie, ses choix et sa vision des choses. Et, une fois qu’on l’accepte, il est possible de passer un agréable moment en lisant Mange Prie Aime, sans chercher de concepts philosophiques hautement supérieurs. Mange Prie Aime est une quête de soi, en 108 petits chapitres parlant de cuisine, d’amour ou de méditation. Ni plus ni moins.
Je ne cesse de me remémorer un des enseignements de mon guru à propos du bonheur. Elle dit que les gens, universellement, ont tendance à penser que le bonheur est un coup de chance, un état qui leur tombera peut-être dessus sans crier gare, comme le beau temps. Mais le bonheur ne marche pas ainsi. Il est la conséquence d’un effort personnel. On se bat, on lutte pour le trouver, on le traque, et même parfois jusqu’au bout du monde. Chacun doit s’activer pour faire advenir les manifestations de sa grâce. Et une fois qu’on atteint cet état de bonheur, on doit le faire perdurer sans jamais céder à la négligence (…). Mange Prie Aime - Elizabeth GILBERT
Les détails du livre
Mange Prie Aime
Auteur : Elizabeth GILBERT
Editeur : Livre de Poche
Prix : 6,95 €
Nombre de pages : 506
Parution : avril 2011
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
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