Ma famille normale contre les yétis : un ovni jeunesse qui dépote à mort
[Carozine découvre le roman jeunesse Ma famille normale contre les yétis - Vincent VILLEMINOT ; Yann AUTRET]1 Oct. 2015
Après de nombreux arrêts cardiaques suite à ma réflexion dans le miroir (oui, j'ai encore du mal avec le roux flamboyant ! Pensez donc, 34 ans à me voir blonde et là, blam ! bref... inintéressant, passons), je me suis ragaillardie en plongeant le nez dans le second tome de Ma famille normale contre les yétis, avec Vincent Villeminot (que nous avons donc rencontré, dans un style radicalement différent, avec le roman U4.Stéphane) au texte et Yann Autret aux illustrations… tout aussi déjantées que le texte. Pour ceux qui ne sont pas franchement au courant, le premier volume des deux zigotos s’intitulait Ma famille normale contre les zombies et a manifestement marché du feu de Zeus : la famille (pas franchement) normale était allée passer des vacances en Bretagne et avait subi une attaque de goélands-zombies, oups. Bref. On retrouve donc le duo pétaradant (enfin, dans mon cas, je le découvre !) pour une suite sur-vitaminée qui décoiffe mémé (et recommandée, par les éditions Nathan, à partir de 14 ans, ce qui me semble plutôt pas mal comme fourchette).
Hélas, du fait de notre succès, nous avons été bêtement plagiés par des dizaines de films, de séries télévisées, d’illustrés bon marché et de romans, qui ont recyclé sans vergogne nos anti-héros (les zombies), parfois même plusieurs années avant que nous les ayons inventés. Il s’en est ensuivi une litanie navrante de mort-vivants, sans queue, ni tête parfois, ni sens commun.
Quelle tristesse ! Quel embarras pour nous !
Nous qui croyions avoir ourdi un ouvrage subversif et punk (« Zombie’s not dead! », comme on dit), nous fûmes mainstream. Quelle désolation ! Ma famille normale contre les yétis - Vincent VILLEMINOT ; Yann AUTRET
Ma famille normale contre les yétis : une adolescente (presque) normale ; une famille (pas vraiment) normale et une invasion d’outre-tombe
Dans la famille normale, nous avons donc la fille adolescente de 16 ans, Madoloup, rousse et dégourdie, s’apprêtant à faire son entrée à l’internat (en première), et dotée, depuis la virée en Bretagne, d’un carcan orthopédique enfermant son bras droit. Je demande, à présent, la benjamine de la famille, Louve(-zombie), 5 ans, picorée pendant les vacances estivales par des goélands-zombies et légèrement baveuse, hargneuse, avec une sérieuse propension à manger tout ce qui bouge, depuis. Toujours dans la famille normale, je demande également le fils aîné, ThéoPaïle, 18 ans, cheveux électrisés et plongé dans un projet de production de nitroglycérine à partir de jus d’orange frais. Je demande ensuite la fille cadette, Sarouchka, 13 ans, dresseuse officielle de Louve(-zombie) et persuadée d’être la nouvelle WonderWoman (elle passe donc son temps à créer des costumes et à sauter… pour se vautrer lamentablement). Enfin, je demande la mère, Jule /Jul’ /La Petite Personne, professeure en pleine dépression pré-rentrée, puis le père, VanZan, géant chauve, barbu et grassouillet. Tout pourrait aller pour le mieux après ces vacances turbulentes, sauf que Louve fait son entrée en maternelle et s’empresse de mordre camarades et maîtresse, dès la première matinée… créant ainsi une panique monstrueuse et une recrudescence de l’épidémie de zombies. Rapidement encerclée par les zombies et les soldats (qui cherchent désespérément l’origine de cette nouvelle infection), la famille normale se retrouve cloîtrée dans la maison, jusqu’au débarquement héroïque de ThéoPaïle et Tonton Yann, avec des briques de jus d’orange explosif (ou non), permettant ainsi l’évasion de la famille normale vers les Alpes… et les fameux yétis poilus du titre.
Le yéti-zombie a en effet tout pour devenir LE nouveau parangon de la sauvagerie, car :
- il est barbu, ce qui est élégant (et terriblement viril) ;
- il ne s’épile pas, ce qui plaira aux adeptes du naturisme hivernal ;
- il mange de la raclette, ce qui séduira les charcutiers aveyronnais (et les autres) ;
- il est parfaitement bio tout en restant grossier, agressif, sournois, fruste et pour tout dire ultra-violent, pour le plus grand plaisir de nos lecteurs de 7 à 77 ans avides de sang, de vulgarité, d’armes à feu et de faune alpine. Ma famille normale contre les yétis - Vincent VILLEMINOT ; Yann AUTRET
Ma famille normale contre les yétis : du grand n’importe quoi pour un roman jeunesse plutôt jouissif
Pas de quoi tournicoter 116 ans autour du pot de miel de Winnie l’Ourson (version non zombie, je vous prie) : Ma famille normale contre les yétis est du grand n’importe quoi. Ca part dans tous les sens, et c’est franchement réjouissant. Le texte est traversé d’un humour dévastateur, d’une ironie parfois cinglante et souvent désopilante. Dès l’avertissement, le ton est donné : les auteurs ne se prennent pas au sérieux mais sont sérieusement déjantés, et nous livrent un roman qui tient la route, malgré tous ces aspects farfelus. Après les zombies, place donc au yéti bio et dévoreur de raclette ; d’ailleurs, au cas où leur arrivée serait jugée trop tardive, le magazine du yéti glisse quelques publicités bien senties au coeur des pages de Ma famille normale contre les yétis. Oui, oui. Ce que j’ai aimé ? Le mélange des genres décapant, entre le roman jeunesse survolté, les BD The Walking Dead… et le livre d’activités pour gremlins désoeuvrés. Le texte de Vincent Villeminot est mené tambour battant, drôle et truffé de références improbables (de même que les illustrations franchement bien trouvées de Yann Autret, jouant entre le trait rageur et la gravure fine), allant de Taxi Driver à Saint-Exupéry ou encore le Bambi de Disney (qui m’a franchement fait mourir de rire), pour les plus visibles d’entre elles. L’ensemble est donc poilant, mais je me suis un poil ennuyée parce que parfois, on tombe un peu dans l'overdose, et que bon, les zombies et les massacres à la tronçonneuse (ou non), ça me passe un peu au-dessus. Néanmoins, pour la cible des gremlins en pleine puberté, la peau en calculatrice et la voix qui joue les yoyos, Ma famille normale contre les yétis est un divertissement parfait, désopilant et intelligent. Que demander de plus ?!
Là, après avoir franchi deux cols (Sarouchka vomit), sur une route en lacets (Sarouchka vomit), on arrive en moyenne montagne (...) où, à l’ombre sévère de conifères géants dressés en sombres boqueteaux de gardiens immuables, les prairies d’altitude déploient leur pelouse d’un vert tendre que paissent seulement, parfois, les troupeaux en estive (…), et où des fleurs discrètes à la corolle suave, presque sucrée, survivent, graciles, quelques jours seulement au bord d’un torrent qui chantonne en serpentant, ses méandres offerts aux truites arc-en-ciel qui fraient dans des trous d’eau sur un gravier poli, avant que dans un bouillonnement furieux la Dranse s’engouffre dans l’étroit lit glaciaire de la vallée d’aval où elle va, rageuse, se faire chutes et cascades, fureur et rapides.
Et il y a des marmottes, aussi. Ma famille normale contre les yétis - Vincent VILLEMINOT ; Yann AUTRET
Les détails du livre
Ma famille normale contre les yétis
Auteur : Vincent VILLEMINOT ; Yann AUTRET
Editeur : Nathan
Prix : 14,90 €
Nombre de pages : 224
Parution : 16 septembre 2015
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
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