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Longue division : la mauvaise mayonnaise

[Carozine s'ennuie avec le polar Longue division - Derek NIKITAS]

11 Jan. 2014

Parmi la sélection du jury littéraire figurait, dans la catégorie polar, le roman (policier, donc, si vous suivez bien) Longue division de Derek Nikitas… doté d’un bandeau orange pétaradant nous signifiant que David Lynch adoooore le petit monsieur Nikitas (avouez que cela nous fait une belle jambe, mais, si ça se trouve, un stagiaire au service marketing est parvenu à soumettre cette idée et fut donc tout fier de sa trouvaille). Alors, certes, je n’ai pas lu le fameux Brasiers, précédent roman de Derek Nikitas, mais, fichtre, je ne comprends vraiment pas l’emballement suscité par Longue division. Mais alors vraiment pas. Si l’histoire tient effectivement en haleine, mince, le style est proprement exaspérant et c’est tout de même fâcheux pour un roman, même policier. Je comprends bien ce que Derek Nikitas a essayé de produire, la psychologie des personnages est bien travaillée, mais, flûte de mince et fichtre, cela ne suffit pas. Du moins pour moi.

Longue division : destins écartelés et liens familiaux

Longue division - Derek NIKITAS [Ed. Télémaque]
Il était une fois, une femme de ménage aux cheveux couleur carotte et aux principes s’envolant au vent à la vue de 5.000 dollars dans un pot, qu’elle ne peut s’empêcher d’embarquer discrètement dans la poche de son tablier (les dollars, pas le pot, n’est-il pas Docteur Watson)… ce qu’elle regrette aussitôt (et nous aussi par la même occasion, car Jodie deviendra complètement parano et Derek Nikitas n’aura de cesse de vouloir nous plonger dans son cerveau de voleuse pas bien dégourdie persuadée que le FBI est déjà sur ses trousses… pour 5.000 dollars, oui oui). Malgré les remords, Jodie n’en décide pas moins d’aller retrouver son fils, abandonné auprès d’une proprette famille et qui, subitement, a eu la lubie de lui envoyer un email. Le fils en question, Calvin, possède la tare (du moins supposée par lui) d’être homosexuel et d’apprécier les rendez-vous bien glauques dans des parkings ou des boîtes de nuit tout aussi glauques… quand on sait que le gamin n’a que 15 ans, ça promet pour les pages à venir. Mais il y a également Sam Hartwick, brave policier travaillant de nuit et doté d’une femme atteinte du cancer, ainsi que d’une fille (Erika) futée mais légèrement alcoolique et ayant, manifestement, le chic pour avoir un faible pour les mauvais garçons. Le mauvais garçon étant incarné par Wynn Kyle Johnston, amoureux d’une junkie qui ne dépassera pas les 20 premières pages.

Elle ferma le téléphone sur ces neufs messages non ouverts et le jeta dans une poubelle proche. Pas d’autre choix, à moins qu’elle veuille se faire choper par un système satellite ou quelque chose du même genre. Calvin, sur le siège du passager, avait attaché sa ceinture et Jodie devait faire la même chose. Il faudrait qu’il comprenne que chaque chose qu’elle faisait c’était au nom… Longue division - Derek NIKITAS

Longue division : capharnaüm et écriture au scalpel

Longue division de Derek Nikitas
Vous l’aurez compris, il est quelque peu difficile de résumer en une dizaine de lignes l’intrigue de Longue division car Derek Nikitas a décidé de nous perdre au gré des fils de ces destins qui se croisent et se mêlent. Longue division, à la suite de ces personnages aux destins éclatés, nous emporte dans un tourbillon de violence, à la recherche de la rédemption, malheureusement inaccessible. Ces vies éparses et écartelées entre le bien et le mal se retrouvent en un point névralgique, sommet du roman (qui arrive, pas de bol pour le lecteur, un peu tard) ; l’histoire est poignante et l’on pourrait vibrer à l’unisson de ces personnages abîmés par la vie si l’écriture n’était pas aussi abrupte et si Derek Nikitas n’était pas aussi attiré par le glauque. Certes, ce brasier terrifiant captive mais l’écriture sous forme de script évite tout sentiment et fait un peu trop penser à un scalpel, décortiquant les scènes sans le moindre sentiment ; l’aspect cinématographique pourrait être plaisant s’il n’était pas aussi exempt d’émotion. Quant à cette façon de ne pas achever les phrases et d’en rapiécer le début… proprement exaspérant. On peut saluer cette volonté de sortir des sentiers battus et de vouloir innover, mais non vraiment, là, la mayonnaise tombe à plat ; au point que l’on a grandement envie de sauter les pages. Longue division ne tient que par la force de ses personnages et de ces destins fulgurants, mêlant culpabilité, honte, peur et liens familiaux dans une danse macabre. Et, je suis navrée de vous l’annoncer monsieur Derek Nikitas (et monsieur Lynch, pendant qu’on y est), mais cela ne suffit pas, pour moi, pour faire un bon polar.

- Ah, merde. Déjà y a presque plus d’essence.
- J’en mettrai. Je te ferai le plein. J’en ai besoin pour à peine quelques heures et je te serai reconnaissant éternellement », reprit Wynn. Il se gratta furieusement le cou, le long de la carotide qui allait de…

… abandonné, du ruban jaune de la police en travers de la porte, pas de flic en vue. La Coccinelle cahotait sur des nids-de-poule et Wynn se mordit la lèvre inférieure jusqu’à sentir le goût du cuivre. Longue division - Derek NIKITAS

Les détails du livre

Longue division

Auteur : Derek NIKITAS
Editeur : Télémaque
Prix : 22 €
Nombre de pages : 347
Parution : avril 2013

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Longue division

11 janvier 2014

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

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. . Caroline D.