Les rêves rouges : un vibrant hommage à la culture amérindienne
[Carozine dévore le roman Les rêves rouges - Jean-François CHABAS]14 Avr. 2015
Quelle est la recette miracle pour passer un excellent week-end (car oui, j'ai un jour de retard pour publier cette chronique, flûte de flûte... ou presque) ? Simplissime : un temps merveilleux qui rend agréable toutes les promenades possibles et imaginables ; un repas grec préparé maison (et bigrement copieux) ; et, surtout, un roman qui captive… j’ai nommé le roman jeunesse Les rêves rouges, de Jean-François Chabas. Parce que, même si j’ai trouvé certains passages trop moralisateurs et passant peut-être à côté de la complexité des choses, il n’en reste pas moins que Les rêves rouges est un excellent roman mêlant aventure, fantastique et initiation entre des pages à la délicate sensibilité. Bon. Reprenons dans l’ordre, sinon je risque fort de perdre mon troupeau au détour d’une phrase alambiquée ! Revenons donc à mon mouton du jour : Les rêves rouges, roman jeunesse que l'on doit pouvoir découvrir dès douze ans (bien que la quatrième de couv' précise "à partir de 13 ans")... et les plus âgés devraient également en apprécier l'humour, donc parfait !
Ma mère est une femme dure. Peut-être parce qu’elle s’est retrouvée seule pour m’élever. Avec son esprit sauvage, je ne crois pas qu’elle aurait fait ce métier si elle n’avait pas eu un enfant à charge. Je sais qu’à quatorze ans il est impossible de tout comprendre des adultes, mais ça je le sens : il y a quelque chose qui vibre dans la poitrine de maman. Une sorte d’animal prisonnier qui demande à sortir mais qui ne peut pas, à cause de moi. Les rêves rouges - Jean-François CHABAS
Les rêves rouges : un monstre marin ; un adolescent futé mais pas toujours dégourdi et l’amour, évidemment
Il était une fois un adolescent de quatorze ans, d’origine amérindienne et prénommé Lachlan Ikapo. Il vit seul avec sa mère, la fière et farouche Flower Ikapo, qui a fait le choix de quitter sa famille et la réserve indienne pour s’installer parmi les Blancs, malgré un travail franchement barbant, parce qu’elle était bien déterminée à vivre sa vie comme elle l’entendait, défiant les préjugés et esprits emprisonnés dans un carcan. Lachlan traîne avec un groupe de garçons dont le leader, Edward, est à mille lieues des enfants de choeur : pervers et magnétique, il terrorise les faibles et étend son pouvoir… jusqu’au jour où débarque d’Ottawa une jeune fille aux yeux mauves et aux cheveux clairsemés (et pour cause, elle a la fâcheuse manie de se les arracher par larges touffes) dont Lachlan s’éprend aussitôt et que Edward est bien déterminé à maltraiter. Une insulte de trop et Lachlan décide de choisir son amour pour l’étonnante Daffodil Dooler ; il rompt toute attache avec son ancien groupe. Malheureusement, les choses sont rarement aussi simples. Par une chaude journée passée au bord du lac, Lachlan et Daffodil font la rencontre avec le monstre du Loch Ness local : Ogopogo /N’ha-a-itk, le Méchant (monstre marin) du lac Okanagan. Et l’amie que le monde considère maboule ne trouve rien de mieux que de s’en vanter au collège le lendemain. La réaction de Lachlan, en revanche, ne sera pas celle qu’elle espérait : il s’écarte d’elle et la laisse être la proie des moqueries. Cependant, Daffodil n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds et administre un formidable coup de poing dans le nez (désormais cassé) de Lachlan. Ceci signera le début de leurs aventures…
Tandis que j’attendais la réponse, je me suis remémoré Ogopogo, N’ha-a-itk le grand serpent, le Méchant du Lac. Il se mouvait si lentement. Insidieux, sournois, il était le mal qui séduit. Comme ils étaient tous loin du compte, avec leurs gentilles statues à Kelowna et leurs jouets gonflables ! Il y avait là, nageant au coeur des eaux, un esprit mauvais incarné dans le monstre lacustre. Les rêves rouges - Jean-François CHABAS
Les rêves rouges : un roman envoûtant bien qu’un poil moralisateur
Avec une écriture fluide, délicate et teintée d’humour (toujours aussi agréable !), Les rêves rouges nous emporte dans des aventures adolescentes et nous rappelle que, fut un temps, une souris nous semblait également être une montagne (et c'est parfois toujours le cas, d'ailleurs) ! Jean-François Chabas nous offre un roman touchant, sensible qui aborde des thèmes bien plus vastes que ne le suggère mon résumé ! En pêle-mêle, on y retrouve l’amitié et l’amour, évidemment, mais également les relations sociales, la détresse humaine et la façon de la gérer, le fait de ne pas se fier aux apparences pour décrypter une personne… et, surtout, Les rêves rouges nous livre une magnifique relation entre une mère célibataire, dure mais attentionnée et aimante, et un fils qui découvre la complexité de la vie et les prouesses réalisées par sa mère, au quotidien. En revanche, les thèmes du racisme (Lachlan, qui a pourtant toujours été bien intégré et qui n’a jamais souffert de ses origines, retrouve une banderole « red-faced » dans son jardin) et des femmes battues souffrent d’un effet moralisateur qui, moi, m'horripile (oui, je sais, je suis une vraie tête de cochon quand on me dit comment je suis censée penser). Le comportement de l’homme en question parle de lui-même et est amplement suffisant pour en tirer les conclusions (même à treize /quatorze ans), sans que l’on nous prenne par la main en nous disant « là, tu vois, il faut en penser cela ». Il existe probablement une manoeuvre un poil plus subtile. D’autant que cette qualité est présente à chaque page du roman, notamment quand il aborde l'amitié, la jalousie et l'amour… Néanmoins, Les rêves rouges reste une très jolie prouesse : Jean-François Chabas adopte le point de vue de Lachlan et parvient à ne pas sombrer dans l’écriture mièvre, bien au contraire. Son style est vif et absolument délectable… un très bel écrin pour le thème principal de ce roman jeunesse sensible et touchant : le difficile choix de la personne que l’on souhaite être et devenir. Les rêves rouges est un beau roman jeunesse qui ravira les jeunes ados, les emportera dans les remous créés par le monstre marin (très jolie trouvaille de Jean-François Chabas dont on ne comprend la signification et la portée symbolique qu’en fin de roman) et devrait également délecter les parents curieux !
J’ai eu mal partout, soudainement : mon cou me mettait à la torture, mes sinus me brûlaient, la pointe de mon nez pompait un sang bouillant, mes épaules paraissaient ne plus vouloir soutenir ma tête. mes globules blancs se sont endormis, et mille infections se sont ruées pour mettre à sac ma chair et mes organes. Il n’y avait plus qu’à mourir, puisque mon amour échevelé m’abandonnait. Je me suis roulé en boule sur les draps. Je n’irais plus au collège. Je ne ferais plus rien du tout. Les rêves rouges - Jean-François CHABAS
Les détails du livre
Les rêves rouges
Auteur : Jean-François CHABAS
Editeur : Gallimard jeunesse
Prix : 11,90 €
Nombre de pages : 288
Parution : 10 avril 2015
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
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