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Les Intéressants : dense, tourmenté… mais j’ai connu plus intéressant

[Carozine dévore le roman Les Intéressants - Meg WOLITZER]

29 Juil. 2016

Carozine lit le roman Les Intéressants - Meg WOLITZER
Alors que le ciel se couvre sur ma paisible retraite en bord de mer, je me dis qu’il serait peut-être temps d’en profiter pour sortir de ma torpeur, raser le baobab qui menace de prendre racine au creux de ma main, et planter nonchalamment le vélo qui me fait de l’oeil (bon, l'état de mes fesses suite à ma virée d'hier y contribue grandement) pour vous parler du roman de la sélection (du mois de juillet) du jury Le Livre de Poche qui aura retenu mon attention… un peu faute de mieux, parce que franchement, Marc Lavoine n’a pas l’étoffe d’un écrivain méritant un prix (mais, pour être honnête, je m'attendais à largement pire ! mais je vous en parlerai peut-être dans une prochaine chronique), et le Tram 83 m’a perdue dès les premières pages. Ce qui est plutôt moche. Bref. Aujourd’hui, on s’intéresse donc au cas Meg Wolitzer, avec son roman Les Intéressants et sa troupe d’amis qui navigue entre passé et présent.

C’est par une nuit douce de début juillet, en cette année depuis longtemps envolée, que les Intéressants se réunirent pour la première fois. Ils n’avaient alors que quinze ou seize ans et ils se donnèrent ce surnom avec une ironie timide. Julie Jacobson, extérieure au groupe, et peut-être même considérée comme une anomalie, avait été invitée pour d’obscures raisons ; assise dans un coin, sur le plancher qui avait besoin d’un coup de balai, elle cherchait à paraître effacée sans avoir l’air pathétique : un équilibre délicat. Les Intéressants - Meg WOLITZER

Les Intéressants : une petite bande d’Intéressants et une Outsider qui en capte la moindre vibration

Les Intéressants - Meg WOLITZER [ed. Le Livre de Poche]
Par un bel été de 1974, Julia Jacobson, adolescente en soi quelconque en provenance directe de la grande banlieue de New-York qu’est Underhill (dont le « Under » veut tout dire), est parachutée dans le camp de vacances à vocation artistique, Spirit in the Woods. Elle y fait la rencontre d’Ash Wolf, jeune fille issue d’une riche famille new-yorkaise, et douée pour le théâtre… ainsi que de la petite bande d’adolescents qui gravite autour d’elle, à commencer par son charismatique (mais fainéant) frère Goodman, qui a un penchant pour l’architecture sans bien s’intéresser au pourquoi du comment. Parmi les auto-intitulés Intéressants se trouvent également Ethan Figman, petit génie du film d’animation, Jonah Bay, fils d’une chanteuse folk admirée de tous, et Cathy Kiplinger, pulpeuse jeune femme douée par la danse (malgré ses formes). Extérieure au groupe des Intéressants, tout en en étant une pièce rapportée, celle qui se fait renommer Jules lors de cet été fondateur, observe les vibrations du petit groupe, analyse les relations qui se nouent et se dénouent (parfois tragiquement).

Ce nom était ironique et le baptême improvisé d’une prétention moqueuse, n’empêche, Julie Jacobson les trouvait vraiment intéressants. Ces adolescents qui l’entouraient, tous originaires de New York, étaient comme des membres de la famille royale, des vedettes de cinéma françaises, avec quelques chose de papal en plus. Dans ce camp de vacances, tout le monde était censé posséder des dons artistiques, mais autant qu’elle pouvait en juger, ce lieu accueillait le noyau chaud du camp. Elle n’avait jamais rencontré des gens comme eux ; ils étaient intéressants comparés aux habitants d’Underhill, cette banlieue de New York où elle avait toujours vécu, mais comparés également à tout ce qui se trouvait là-bas et qui, à cet instant, lui paraissait mal fagoté, infâme, absolument répugnant. Les Intéressants - Meg WOLITZER

Les Intéressants : roman qui capte les états d’âme

Les Intéressants - Meg WOLITZER
Surfant sur les plate-bandes de Siri Hustvedt (avec son excellent roman Tout ce que j’aimais), Meg Wolitzer plonge dans un petit groupe d’amis et d’adolescents pour les observer sous toutes les coutures, du point de vue tantôt admiratif tantôt critique (mais jamais impartial) de Jules Jacobson. Le fil conducteur ? La jalousie de Jules pour ces êtres que la vie favorise et envers lesquels elle ne peut s’empêcher de se sentir attirée… ainsi que l’amitié qui la relie à la brillante Ash Wolf. Le roman Les Intéressants navigue entre passé, présent et futur, alternant les époques au gré des phrases et des pages, sautant d’un souvenir à l’autre, tout en essayant de retracer l’histoire de ce groupe d’amis dont les vies divergent sans pour autant se détacher entièrement les unes des autres. Grâce à son point de vue extérieur, Meg Wolitzer s’attache à mettre la lumière sur chaque Intéressant : Jonah, le talentueux chanteur en devenir qui se fait spolier de sa créativité par un arriviste avide ; Cathy dont l’éclat se fait briser par le petit groupe et qui tentera de se réparer loin d’eux ; Ethan et son indéfectible, mais silencieux, amour pour Jules… Lentement mais sûrement, Meg Wolitzer dévoile les personnalités, les destins, et fait tomber les masques pour mieux affronter la vérité, pour mieux faire ressortir les âmes. Alors, oui, Les Intéressants est un roman qui se lit aisément, intéresse et intrigue. Les personnages sont attachants, souvent agaçants, mais profondément humains. Seulement il est, à mon avis, bien loin de l’excellence de Siri Hustvedt, parce que moins fouillé et peut-être également plus timide pour mettre à nu les travers de l’Homme. Peut-être parce que Les Intéressants s’attache, aussi, à rendre une certaine vision de l’Amérique, de Nixon au 11 septembre, en passant par les crises économiques, le système de santé et les années sida. La palette est large sur ces quarante ans brassés par Meg Wolitzer ! Les Intéressants construisent, brisent, entre fous rire et larmes… apprenant à devenir adulte et à se satisfaire de son existence finalement banale. Ou à gâcher son talent malgré les prédispositions sociales. Les Intéressants reste une belle fresque, profonde et cruelle.

Le soir, au cours de ce week-end à Underhill, Jules et Ash se couchèrent toutes les deux dans le lit de Jules, tête bêche. Bien des années plus tard, elles se coucheraient en travers d’autres lits, avec leurs enfants qui joueraient autour d’elles, et c’était un soulagement de savoir que même en vieillissant, quand vous vous sépariez pour former un couple et fonder une famille, vous pouviez encore vous retrouver de cette façon (…). Les Intéressants - Meg WOLITZER

Les détails du livre

Les Intéressants

Auteur : Meg WOLITZER
Traducteur : Jean ESCH
Éditeur : Le Livre de Poche
Prix : 9,10 €
Nombre de pages : 744
Parution : 16 avril 2016

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Les Intéressants

29 juillet 2016

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

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. . Caroline D.