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Montedidio : un roman pur et étincelant

[Carozine dévore le roman Montedidio - Erri De Luca]

22 Juil. 2016

Carozine lit le roman Montedidio - Erri De Luca
Je m’échappe quelques instants de la littérature jeunesse pour vous parler d’un vrai et énorme coup de coeur en lecture adulte (oui ! enfin !) : Montedidio, d’Erri De Luca. Alors, je vais vous faire une honteuse confession, je n’avais encore jamais lu Erri De Luca : jamais le temps ; toujours autre chose à faire, à lire, à voir… Et pourtant, il restait dans un petit coin de mon esprit. Et, quand notre voyage pour l’Italie s’est précisé, j’ai su qu’il était l’heure. Et que je devais impérativement trouver le temps. (Bon. Ma chère maman a largement oeuvré en ce sens, il faut bien l’admettre, parce que j’avais écarté l’option Erri De Luca pour m’orienter vers d’autres choix de lecture. Mais, comment ? Plait-il ? Tu file à Naples sans avoir lu Erri De Luca ? Fille indigne ! NB. : la licence poétique me permet d’allègrement divaguer et enjoliver ou non les paroles.) Bref. J’ai emporté le Montedidio dans mes bagages et j’ai profité d’un tortillard made in Italia pour dévorer Erri De Luca. Ravie j’en suis. Et déçue de ne pas avoir entamé sa lecture des années plus tôt.

Mast’Errico plisse les yeux à cause de la poussière, de peur des éclats de bois, et il a un faisceau de rides tout autour à force de les fermer. Les yeux de Rafaniello sont humides, il se les essuie du dos de la main. Je suis devenu un peu plus libre avec lui : don Rafaniè, on dirait que vous pleurez. « C’est l’air qu’on respire ici, dit-il, c’est la colle, c’est Montedidio qui presse mes yeux. » Et il les essuie. Il dit que tous les yeux ont besoin de larmes pour y voir, sinon ils deviennent comme ceux des poissons qui ne voient rien hors de l’eau et se dessèchent, aveugles. Ce sont les larmes qui permettent de voir, dit-il. Montedidio - Erri De Luca

Montedidio : Naples, un quartier, un jeune garçon et un boomerang

Montedidio - Erri De Luca [ed. Folio]
Le petit vit avec son père et sa mère malade, dans un petit immeuble du quartier de Montedidio, à Naples. Il se voit offrir un boomerang (non, pardon... un "boumeran"). Sentant le bois palpiter entre ses mains, caressant la douceur de l’objet et s’enivrant de son odeur, le petit décide que son boomerang ne servira que quand il sera prêt, une seule et unique fois. La bonne. Alors, chaque soir, il grimpe aux lavoirs et s’entraîne. Jour après jour, il répète les mêmes gestes immuables, et sent son bras forcir, ses muscles se développer. Car le petit a également trouvé un travail auprès de mast’Errico, où se terre l’étrange et bossu cordonnier, Rafaniello, qui répare les chaussures de Naples sans un sou en échange. Tous les matins, le petit prend son café avec son père… jusqu’à ce que les journées se dérèglent, suite à l’hospitalisation de sa mère. Mais, inlassablement, le (plus si) petit s’entraîne au lancer de son boomerang, régulièrement rejoint par la ravissante Maria qui a grandit trop vite et a été jetée à la gueule du loup pour faire oublier les dettes familiales. D’une oreille attentive, le (grand) petit écoute également les histoires du bossu, qui ne rêve que d’une chose : laisser ses ailes s’épanouir et s’envoler.

Il parle le dialecte, il est intimidé par l’italien et par la science de ceux qui ont fait des études. Il dit qu’on se défend mieux avec l’italien. Moi, je le connais parce que je lis les livres de la bibliothèque, mais je ne le parle pas. J’écris italien parce qu’il est muet et que je peux y mettre les choses de la journée, reposées du vacarme du napolitain. Montedidio - Erri De Luca

Montedidio : un roman poétique et envoûtant

Montedidio - Erri De Luca
Dès les premières lignes, j’ai été littéralement envoûtée par la langue d’Erri De Luca. Qui aurait cru qu’une langue aussi simple put être aussi mélodieuse ? À travers les pages de Montedidio, les mots s’étalent et chantent sous nos yeux. Car Erri De Luca manie une plume dont la beauté coule de source. J’en avais oublié qu’une langue simple pouvait être si envoûtante et musicale, avec ses mots semés avec parcimonie mais touchant juste car pleins de sens. Alors, oui, Erri De Luca nous berce de sa langue magique à laquelle il mélange un soupçon de napolitain, mais on n’en oublie pas l’essentiel : l’intrigue. Et, malgré les apparences, elle est dense. Car derrière les mots purs se cachent bien des aspects de notre vie. Montedidio est un roman d’apprentissage, le roman d’un garçon qui devient homme sans bien comprendre ce qu’il lui arrive, mais ressentant à chaque instant cette course effrénée de la vie. Montedidio parle de ce garçon et de cette fille qui tentent d’échapper à leur quotidien tragique par la force de leur amour, de leur confiance inébranlable en l’avenir et en leur quartier. Car, oui, Naples y est un personnage à part entière, dont le coeur palpite entre les pages de Montedidio. Bon. Personnellement, je n’ai pas tellement reconnu la ville d’Erri De Luca quand j’y ai mis les pieds, en dehors du vacarme. Mais c’est un détail technique dont je vous reparlerai plus tard. En attendant, je vous laisse sur un aperçu de cette plume mélodieuse qui m’a charmée. Oui, Montedidio est un roman immensément poétique.

Les grands sont pris par leurs soucis et nous, nous restons dans les maisons sourdes qui n’entendent plus un seul bruit. Nous n’entendons que le nôtre et il fait un peu peur. Les esprits frôlent mon visage dans la cuisine vide et ils me calment. Le boumeran est toujours en contact avec moi et il me réchauffe, son bois doit avoir poussé sous une poêle au soleil, et il en gardé un peu. Montedidio - Erri De Luca

Les détails du livre

Montedidio

Auteur : Erri De Luca
Traducteur : Danièle VALIN
Éditeur : Gallimard / Folio
Prix : 7,10 €
Nombre de pages : 240
Parution : 23 octobre 2003

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Montedidio

22 juillet 2016

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

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. . Caroline D.