25
Jan.
2016
Dépoussiérez vos classiques ! Les aventures de Pinocchio… ou comment redécouvrir un pantin qui a bercé notre enfance
[Carozine dévore le roman Les aventures de Pinocchio - Carlo COLLODI & Roberto INNOCENTI]
Cela fait une éternité (oui, oui, soyons un brin emphatique en ce lundi matin ensoleillé) que j’avais lancé mon « Dépoussiérez les classiques » avec, à l’époque, l’un de mes écrivains favoris : Jane Austen (si, si, souvenez-vous, je vous expliquais à quel point le roman Orgueil et Préjugé était à mille lieues d’être vieillot, et surtout à quel point il savait être acerbe et dénonciateur de la condition féminine, bref, à quel point ce livre devait devenir une bible de chevet). Bon, bref. Aujourd’hui, je relance le dépoussiérage de classiques avec un petit pantin qui a bercé notre enfance (et dont on doit la résurrection aux éditions Gallimard Jeunesse, qui l’a transformé en objet d’une rare beauté) : Les aventures de Pinocchio, de Carlo Collodi, dans une édition savamment illustrée par Roberto Innocenti. Autant vous dire que Disney nous l’avait sacrément enjolivé et que la version originale de Carlo Collodi l’éclipse en bien des façons. Vous êtes prêt pour remonter le temps et revenir à l’époque où vous usiez votre salopette ringarde sur les chaises du cours primaire en essayant (en vain) de retenir vos tables de multiplication ? Avanti bambini ! (Oui, bah oui, fallait bien que je case un peu d’italien dans ma chronique, hein… juste histoire de dire que les neuf mois passés en Sicile n’étaient pas inutiles !)
Il y avait une fois…
—Un roi ! diront tout de suite mes petits lecteurs.
—Non, mes enfants, vous vous êtes trompés. Il y avait une fois un morceau de bois... Ce n'était pas du bois de luxe, mais un morceau pris dans un vulgaire tas de petit bois, de ceux que, l'hiver, on met dans les poêles et les cheminées pour allumer le feu et réchauffer les appartements.
Je ne sais pas comment ça arriva, mais le fait est qu’un beau jour ce morceau de bois se retrouva dans la boutique d’un vieux menuisier… Les aventures de Pinocchio - Carlo COLLODI & Roberto INNOCENTI
Les aventures de Pinocchio : le célèbre pantin, son Geppetto de papa et la bonne fée
Il y avait une fois, un morceau de bois de rien du tout, mais semblant solide, et qui atterrit entre les mains d’un menuisier, Maître Antoine (renommé par ses agréables voisins Cerise à cause de son nez violet), bien déterminé à le transformer en pied de table. Mais au moment où Maître Antoine s’apprête à lui asséner un bon coup de marteau, le morceau de bois le prie de ne pas taper trop fort. Qu’est-ce donc ? Le menuisier n’a qu’à peine le temps de se poser la question qu’entre Geppetto, dévoré d’une furieuse envie de façonner un pantin. Ni une, ni deux, Maître Antoine lui refourgue l’étrange bout de bois… que Geppetto va avoir bien du mal à transformer en pantin car, au moment où il dessine les yeux, ceux-ci se mettent à cligner, au moment où il taille le nez, ce dernier s’allonge malgré le rabot… quant à la bouche, elle se met aussitôt à rire. Pinocchio vient de prendre forme et, à peine ses pieds installés, qu’il s’échappe des mains de Geppetto. Le pauvre Geppetto se retrouve en prison à cause de son pantin un poil trop facétieux qui, lui, rentre en gambadant et fait la rencontre du Grillon Parlant… qu’il assomme d’un coup de table bien senti, avant d’être tiraillé par la faim, puis par le repentir (forcément, ce couillon de Pinocchio s’est endormi devant la cheminée et ses pieds ont pris feu… alors, bon, il a bien fallu faire bonne figure pour que Geppetto lui en refasse) qui le pousse à prendre le chemin de l’école… ou non. Car, Pinocchio tombe sur le théâtre de marionnettes de Mangefeu. Et là, les aventures de Pinocchio commencent.
Le carabinier, sans faire un mouvement de trop, l’attrapa délicatement par le nez (c’était un nez disproportionné, qui semblait fait exprès pour être attrapé par les carabiniers), et le remit en main propre à Geppetto, lequel voulu lui tirer aussitôt les oreilles, pour le corriger. Mais imaginez son ahurissement quand, cherchant ses oreilles, il ne put les trouver : et savez-vous pourquoi ? Parce que, dans le feu de son inspiration, il avait oublié de les lui sculpter. Les aventures de Pinocchio - Carlo COLLODI & Roberto INNOCENTI
Les aventures de Pinocchio : morale et justice sociale s’associent pour livrer un roman plutôt déjanté
Ce fut un immense plaisir que de découvrir Les aventures de Pinocchio : loin de la vision aseptisée de Walt Disney, Carlo Collodi nous offre un roman aux multiples rebondissements, parfois sombre, souvent acerbe, toujours moral (et c’est tellement rare de nos jours que j’ai grandement apprécié ! J’aurais aimé envoyé un livre sur la valeur du mariage à une certaine personne… non, pardon, j’aurais aimé l’assommer avec un tel livre, mais je m’écarte du sujet). D’une belle écriture vive, accessible, mais à mille lieues de l’abêtissement, et ponctuée d’une bonne dose d’humour (« —Que faites-vous par terre, ainsi ? —J’apprends l’arithmétique aux fourmis. » Hein ? Tout de même !), Carlo Collodi livre une oeuvre riche, dense et profondément réfléchie. Ce fut réjouissant de découvrir la véritable personnalité de Pinocchio : son espièglerie ; sa fainéantise ; sa polissonnerie qui le pousse à vouloir courir le monde sans penser aux conséquences ; sa naïveté et (l’air de rien) son coeur grand comme ça. L’intrigue des Aventures de Pinocchio n’est qu’une façade pour nous livrer, en cascade, la vision de Carlo Collodi : la valeur du travail et de l’éducation ; la puissance de la générosité ; la force des liens familiaux et de l’amour ; la justice sociale qui fait que, dans un monde idéal, la grandeur d’âme serait récompensée. Avec subtilité, Carlo Collodi glisse dans Les aventures de Pinocchio un soupçon de dénonciation sociale, emporté par des aventures plus rocambolesques les unes que les autres. Si l’on ajoute à cela que Les aventures de Pinocchio bénéficient d’une nouvelle édition agrémentée des illustrations de Roberto Innocenti qui, par bien des aspects, m’ont souvent fait penser à un tableau de Brueghel l’Ancien : elles retranscrivent parfaitement l’atmosphère de cette Italie populaire, fourmillent de détails et sont particulièrement expressives. Les aventures de Pinocchio sont devenues un beau livre jeunesse, que l’on prend plaisir à dévorer des yeux encore et encore, avant de se plonger dans l’histoire de ce célèbre pantin qui rêve de devenir un petit garçon, mais doit, pour cela, en accepter les contraintes.
Le montreur de marionnettes Mangefeu (tel était son nom) paraissait être un homme épouvantable, je ne dis pas le contraire, surtout à cause de cette vilaine barbe noire qui, comme un tablier, lui couvrait toute la poitrine et toute la longueur des jambes ; mais au fond ce n’était pas un méchant homme. La preuve, quand il vit amener devant lui ce pauvre Pinocchio, qui se débattait dans tous les sens en hurlant : « Je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir », il commença tout de suite à s’émouvoir et à s’apitoyer et, après avoir résisté un bon moment, n’en pouvant finalement plus, il laissa échapper un énorme et sonore éternuement. Les aventures de Pinocchio - Carlo COLLODI & Roberto INNOCENTI
Les détails du livre
Les aventures de Pinocchio : histoire d'un pantin
Auteur : Carlo COLLODI
Illustrateur : Roberto INNOCENTI
Traducteur : Nathalie CASTAGNÉ
Éditeur : Gallimard Jeunesse
Prix : 25,40 €
Nombre de pages : 192
Parution : 29 octobre 2015
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
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