Le mystère Sherlock : un Cluedo sauce tartiflette (façon de parler)

Amis du Cluedo, bonjour ! Les plus réveillés d’entre vous me diront : « mais qu’est-ce ? On nous parle de Sherlock mais on enchaîne sur un vieux jeu de plateau ? Une belle entourloupette ! ». Ils n’auraient pas tort. Reprenons donc cette introduction : amis des meurtres en tous genres, bonjour ! Car, oui, l’esprit de Sherlock Holmes flotte dans le roman policier de J.M. Erre (Jean-Marcel Erre, pour les plus méritants d'entre vous), Le mystère Sherlock, mais pas que : on y croise également Agatha Cristie et ses Dix petits nègres ou encore le Napoléon du crime, j’ai nommé le professuer Moriarty, ennemi juré de Sherlock Holmes. Vous l’aurez compris : Le mystère Sherlock est, bien évidemment, un polar. Oui, (re)mais pas que. Disons plutôt une ode, à l'écriture échevélée, à ces romans policiers aux héros survoltés et magnifiques qui ont peuplé nos lectures passées et nous firent nous triturer les méninges en nous demandant : "mais qui diable est le coupable ?". Je vous le demande.

Alors Luigi, réputé dans tout le canton pour ses initiatives pleines de bon sens, trouva judicieux de quitter l’hôtel en pleine nuit et en 2CV sous une terrible tempête de neige, car il était écrit « heureux les simples d’esprit ». On retrouva sa voiture au matin aplatie contre un congère, et le brillant stratège mit deux jours à décongeler, sous le regard ému de son fils qui était resté au lit en voyant le premier flocon. Le mystère Sherlock - J.M. ERRE

Le mystère Sherlock : dix universitaires pour une chaire d’holmésologie

Prenez un hôtel suisse, le Baker Street (divinement situé dans la ville de Meiringen et, encore mieux, à quelques pas seulement des célèbres chutes de Reichenbach… célèbres ? Elémentaire, mon cher Watson ! Il s’agit des chutes dans lesquelles furent engloutis Sherlock Holmes et son ennemi Moriarty, lors d'un abominable duel de fin de niveau), et versez-y dix universitaires spécialisés dans un domaine improbable : l’holmésologie. Quoi donc ? La science de l’étude des écrits du docteur Watson sur le phénoménal détective Sherlock Holmes. Insérez un élément de discorde : un colloque destiné à aider le professeur Bobo, doyen de l’université de la Sorbonne dont le monde entier (ou presque) attend avec impatience la retraite, à choisir la personne qui tiendra la toute nouvelle chaire d’holmésologie, créée à son intention. Secouez allègrement et vous obtiendrez une jolie danse de cadavres… car l’universitaire ambitieux dessoude sévère. Qui, de Dolores Manolete et son gros ventre, du professeur Bobo et l'invraissemblable stagiaire, sera le coupable ? Mystère et boule de Sherlock.

Après des mois d’investigation discrète dans le milieu des holmésiens, je pensais clôturer mon enquête en beauté à Meiringen. Ma couverture était parfaite pour observer de près les participants au colloque : employée en extra le temps du week-end comme femme à tout faire par l’hôtel Baker Street, j’allais pouvoir jouer à la petite souris invisible, au pois chiche au milieu des cerveaux. Tout s’annonçait sous les meilleurs auspices, sauf que j’ai failli mourir avant même d’arriver à l’hôtel, dans le taxi qui m’emmenait de la gare. Et j’aurais dû y voir un signe. Le mystère Sherlock - J.M. ERRE

Le mystère Sherlock : humour et meurtres en folie

Dès les premières pages du Mystère Sherlock, il est bien difficile de résister au style inénarrable de J.M Erre : humour à revendre ; pêche d’enfer et verve qui décoiffe… l’écriture de J.M Erre possède un brin d’acidité et est follement décapante, ce qui a tendance à la rendre aussi rafraichissante qu’une avalanche en pleine montagne… suisse. Mais Le mystère Sherlock est avant tout une galerie de personnages rocambolesques : le professeur Bobo, qui yoyote bigrement de la cafetière, note ses pensées les plus diverses sur des post-its qu’il dégaine à la moindre occasion, ce qui donne des conversations pour le moins hilarantes ; Dolores Manolete, qualifiée de « hyène hypoglycémique » enceinte jusqu’aux yeux et bien déterminée à dégager sa rivale retouchée, Eva von Gruber qui a, semble-t-il, augmenté la taille de ses bonnets afin d’obtenir la chaire tant convoitée. Mais n’oublions pas Oscar Lecoq ou encore Bobby McGonaghan et son sourire de rock star ou encore Jean-Patrick Perchois qui parle avec le maître absolu (oui oui, Holmes). Et pour ne pas faire dans l’hommage mal compris, J.M Erre a même pris la peine 1) de créer un commissaire Lestrade (rien que cela) qui mène l’enquête face à ces dix cadavres et 2) de laisser dans un petit coin de son roman un exemplaire des Dix petits nègres. Car, oui, on entrant dans ce huis-clos, le roman de la reine du polar nous vient forcément à l’esprit. Qui a donc tué ces universitaires ? L’un d’entre eux joue-t-il la comédie ? De révélations fracassantes et farfelues, en dialogues et autres moyens de communication échevelés, Le mystère Sherlock nous mène par le bout de nez en se moquant ouvertement de notre passion pour Sherlock Holmes et les romans policier. J.M Erre s’amuse comme un gamin à l’ouverture de ses cadeaux de Noël et alterne narration (réalisée par Audrey Marmouzin, journaliste enquêtant parmi ces universitaires toqués de Sherlock et ayant pris la couverture d’une serveuse un peu cruche), lettres (franchement poilantes) de Dolores à son confesseur ou encore notes hagardes du professeur Bobo… une narration à la hauteur de ce roman policier : farfelu, drôle et vivifiant. Parce que j’aime quand ça part dans tous les sens.