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Le Maître du Haut Château : et si le monde n’était pas vraiment ce qu’il est

[Carozine se plonge dans le roman Le Maître du Haut Château - Philip. K. DICK]

11 Mars 2015

Et si j’avais gagné au Loto, je serais actuellement en train de décorer la maison de mes rêves ou de siroter une margarita en admirant la vue plongeante sur la baie. Et si je n’avais pas démissionné, je serais probablement en train de boire un café pour me distraire et de compter les moutons abrutissants. Et si, comme le disait Jeremy Botham, un animal était effectivement plus apte à la conversation qu’un gremlin venant de voir le jour, peut-être le cheval nous dirait-il alors à quel point nous pouvons être inhumain. Et s’il était possible de lire les pensées de son voisin, peut-être que nous découvririons que nous vivons près d’un psychopathe en puissance. Un monde de possible s’ouvre avec les « et si », tout le monde le sait. Et Philip K. Dick en fait la base de son roman Le Maître du Haut Château : et si les Allemands n’avaient pas perdu la guerre et gouvernaient le monde avec les Japonais, car ces derniers auraient mis un sacrée branlée aux Américains à partir de Pearl Harbor ? Le monde serait alors divisé entre ces deux puissances et les USA s’appelleraient les Etats-Pacifiques d’Amérique.

Le Maître du Haut Château, roman uchronique de Philip K. Dick

Le Maître du Haut Château : une myriade de personnages se débattant dans un contexte historique un poil différent

Le roman Le Maître du Haut Château - Philip. K. DICK [Ed. J'ai Lu]
Nous sommes à la fin des 60’s, à San Francisco, ville phare des Etats-Pacifiques d’Amérique sous domination nippone depuis 1948… date à laquelle les Alliés ont capitulé. Entre temps, une bombe nucléaire a asséché la Méditerranée, qui est ainsi devenue une vaste terre arable, Hitler a été enfermé dans un sanatorium et nos Suisses sans parti sont en fait des Suédois. Robert Childan tient une boutique de merdouilles made in USA. Manque de bol pour lui, l’affiche collector sur la guerre de Sécession qu’il espérait obtenir dans les temps pour la refiler à l’un de ses importants clients, M. Nobusuke Tagomi, n’est toujours pas arrivée et il dégote alors une sublime montre Mickey… censée compenser l’affiche auprès de l’un des clients de M. Tagomi (ça se complique, hein !) -qui espérait, lui, offrir l’affiche comme une modeste offrande pour faire fructifier les négociations-, un certain M. Baynes, Suédois de son état. Du moins le prétend-il. Autour de Robert Childan gravite également un ouvrier de la Wyndham–Matson Corporation (spécialiste de l’acier et qui, accessoirement, s’amuse à faire des contrefaçons qu’elle refile en toute illégalité à Robert Childan, notamment) qui se fait licencier, et décide de se lancer dans la création de bijoux (plutôt informes si on en juge par la réaction des potentiels clients) : Frank Frink, ancien New-Yorkais passé du côté japonais histoire de sauver sa peau (il est un petit peu juif sur les bords). Entre l’Est des Etats-Unis, sous occupation nazie, et l’Ouest, sous occupation japonaise, subsiste une zone franche, vers laquelle se dirige l’ex-femme de Frank, Juliana. Juliana a quitté la zone japonaise et est devenue professeur de judo ; par une belle soirée, elle rencontre un séduisant Italien qui décide de l’emmener en voyage, afin d’aller à la rencontre de l’écrivain Hawthorne Abendsen et de son immense succès littéraire : Le poids de la sauterelle. Tout se petit monde s’agite autour de deux livres essentiels : le Livre des Mutations (ou Yi King, oracle taoïste) et Le poids de la sauterelle qui expose tout simplement le monde comme il serait si les Alliés avaient gagné la guerre (et qui est donc interdit), mais qui ne correspond pas non plus à notre monde.

La prononciation volontairement erronée de son nom constituait d’après le code une insulte qui lui échauffa les oreilles. Chacun restait à sa place, situation terriblement humiliante. Ses aspirations, ses peurs, ses angoisses s’épanouirent, se déployèrent, l’engloutirent, lui paralysèrent la langue. Il se mit à bégayer, la main moite autour du combiné. La musique et l’odeur des soucis baignaient toujours le magasin, mais il lui semblait sombrer dans quelque lointain océan. Le Maître du Haut Château - Philip. K. DICK

Le Maître du Haut Château : un récit en tiroirs dont il faut garder le fil conducteur

Le Maître du Haut Château - Philip. K. DICK
Bon. Essayons de faire un peu d’ordre mais, comme le montre l’avant-goût du Maître du Haut Château donné dans le résumé de l’intrigue, cela ne va pas être simple. Pour l’exquise raison que Philip K. Dick nous offre un sacré bordel. Nous avons donc un personnage central, Robert Childan, antiquaire de son état. Et deux livres. On va décréter que ces trois éléments sont le ciment du roman. A partir de Robert Childan, nous rencontrons une batterie de personnages qui tentent de vivre comme ils le peuvent dans cette société hiérarchisée, désertée par la compassion et oscillant entre l’ultra politesse des Japonais et la vision radicale des nazis. Aucun personnage n’est manichéen et tous semblent englués dans une sorte de fascination, nappée de répugnance, pour le régime actuel. Le fil conducteur ? Il est un peu difficile à démêler dans ces histoires agglomérées qui ressemblent à s’y méprendre à un plat de spaghetti. Le Suédois n’est pas vraiment Suédois mais plutôt Allemand, le commerçant japonais n’est absolument pas commerçant, les bijoux ne sont pas des bijoux mais des condensés d’énergie, l’Italien n’est pas un chauffeur routier… bref, c’est un beau bazar. D’autant que le style de Philip K. Dick n’arrange pas les choses : il prend un malin plaisir à mélanger allègrement les pensées de ses différents personnages et la narration, créant ainsi un sentiment de confusion plutôt désagréable pour une Carozine un poil cartésienne. L’écriture est ciselée, courte, oui oui… un peu dans le style des haïkus japonais. Disons que l’idée de départ est franchement enthousiasmante mais que le traitement a tendance à freiner la lecture du Maître du Haut Château. Et alors la fin… Philip K. Dick, cela aurait-il été réellement trop vous demander que de répondre un minimum à l’avalanche de questions qu’elle suscite ? Hein ? Non mais des fois. Non parce que où se trouve la réalité ? Merci le vertige métaphysique qui suppose que notre monde à nous (celui donc où j’écris cette chronique à la limite de la philosophie) est également factice. Alors, certes, le thème du faux et de la duplicité est éparpillé un peu partout dans Le Maître du Haut Château, mais tout de même. Cette parenthèse étant faite, je suis sortie de ma lecture du Maître du Haut Château avec la confirmation que je suis tout bonnement stupide car je ne suis pas certaine d’avoir bien cerné l’intrigue de Philip K. Dick, ni même ses personnages. Oups.
PS. : Le Maître du Haut Château a été adapté en série (avec Ridley Scott à la production) et est diffusée sur Amazon (depuis janvier, si je ne me trompe pas).

C’étaient les Allemands les responsables de la situation. Avec leur tendance à avoir les yeux plus gros que le ventre. Ils avaient déjà eu bien du mal à gagner la guerre, mais ensuite, ils s’étaient aussitôt lancés à la conquête du système solaire tout en passant, chez eux, des lois qui… Enfin, au moins, c’était une bonne idée. Et puis ils avaient réussi avec les Juifs, les gitans, et les témoins de Jéhovah. Quant aux Slaves, ils avaient régressé de deux mille ans, jusque dans leurs mères patries asiatiques. Le Maître du Haut Château - Philip. K. DICK

Les détails du livre

Le Maître du Haut Château

Auteur : Philip. K. DICK
Editeur : J'ai Lu
Prix : 7,60 €
Nombre de pages : 379
Parution : octobre 2014

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Le maître du haut château

11 mars 2015

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

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. . Caroline D.