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Le maître des apparences : grandeur et déclin d'un homme vs. un empire [rentrée littéraire 2015]

[Carozine découvre le roman Le maître des apparences - Jane GARDAM]

10 Nov. 2015

Carozine lit le roman Le maître des apparences - Jane GARDAM
Il fait un temps radieux, les débardeurs sont de sortie et les pelouses sont assaillies de toute part ; l’été indien me donne des envies d’évasion et le roman de Jane Gardam était parfait en cela, car Le maître des apparences nous entraîne, à la suite de son personnage principal, dans les remous des terres britanniques que furent la Malaisie et Hong-Kong. Le voyage s’annonce plutôt dépaysant, non ?! Pensez donc : la malaria, les bateaux qui tanguent sous une chaleur étouffante, les collèges anglais et les manoirs perdus dans la campagne verdoyante du Dorset… Le maître des apparences, de Jane Gardam, nous fait faire le grand écart !

Il était d’une propreté spectaculaire. Pour ne pas dire ostentatoire. Le bout des vieux ongles d’un blanc immaculé. Les rares poils dorés visibles sous les jointures semblaient toujours fraichement lavés, tout comme les cheveux encore bouclés, qui avaient gardé leur couleur bronze. Ses chaussures luisaient comme des marrons. Ses vêtements étaient toujours repassés de frais, mais ils s’intégraient si bien à lui qu’ils semblaient immuables. Une élégance des années 1920. Le maître des apparences - Jane GARDAM

Le maître des apparences : un vieil avocat face à la mort, à son passé… à son histoire

Le maître des apparences - Jane GARDAM [ed. JC Lattès]
Le vieux Filth, Edward Feathers de son vrai nom (rarement usité et généralement remplacé par Filth /Fevvers /Eddie /Teddy /Le maître de l’Inner Temple ou Sir Edward), coule une retraite paisible dans un manoir du Dorset, où sa femme Betty et lui ont posé leurs valises quelques années auparavant. Seul souci, maintenant que Betty est morte, il s’y ennuie comme un rat de laboratoire dans un labyrinthe sans emmental… jusqu’au jour où son ennemi juré, son éternel rival, Terry Veneering, s’installe dans la maison juste à côté. Les deux hommes auraient pu s’ignorer à longueur d’année, si le vieux Filth ne s’était pas enfermé à l’extérieur et ne s’était donc pas retrouvé contraint de trouver refuge chez son vieil ennemi… ou ami, face à la solitude qui engloutit l’âme ? Lentement, le vieux Filth déroule l’histoire de sa vie, de son enfance aux allures d’un roman de Dickens à son succès en tant qu’avocat dans l’immobilier à Hong-Kong.

Alors, un beau jour, Filth et Betty s’en allèrent. Ils laissèrent derrière eux les ruissellements de lumières dorées, vert tendre et roses, les eaux fourmillantes du plus beau port du monde et le spectacle perpétuel d’embarcations de toutes sortes : jonques et pétroliers, yachts privés majestueux comme des cygnes, ferries vert bouteille à la silhouette massive rassurante, qui assuraient la traversée vers Kowloon aller-retour vingt-quatre heures sur vingt-quatre ou presque. Le maître des apparences - Jane GARDAM

Le maître des apparences : un premier volet un peu décevant

Le maître des apparences - Jane GARDAM [ed. JC Lattès]
Très honnêtement, j’attendais beaucoup du roman de Jane Gardam, Le maître des apparences, après avoir lu la quatrième de couverture qui le qualifie de chef d’oeuvre émouvant… et je dois dire que Le maître des apparences n’a pas tout à fait été à la hauteur. Je n’arrive pas entièrement à mettre le doigt sur ce qui m’a dérangée, mais je pense que mon manque d’enthousiasme vient essentiellement du fait que Jane Gardam rend son vieux Filth incroyablement distant, un peu comme une peinture décrépite que l’on laisserait croupir dans un grenier. Et c’est bien dommage, car l’intrigue est bien menée, le personnage pourrait être absolument fascinant, mais il manque un certain souffle romanesque à tout cela. Le vieux bougon aux multiples secrets, refusant de retenir le nom de sa femme de ménage, avait pourtant tout pour me séduire. Ceci étant dit, passons au reste ! Avec habileté, Jane Gardam nous fait voyager au gré des souvenirs épars du vieux Filth, sautant d’une époque à l’autre (et parfois d’un personnage à l’autre), nous laissant recoller les morceaux et restituer la frise chronologique que fut la vie mouvementée d’Edward Feathers. Né en Malaisie d’un père peu aimant et n’ayant cure de son rejeton, Edward Feathers est rapidement rapatrié sur les terres du Royaume-Uni, où il est pris en charge par une famille d’accueil pas forcément plus avenante (Ma Didds), puis par une école menée de main de fer par Monsieur, le lançant sur la voie du barreau et de la prestigieuse école d’Oxford… ou non, puisque Filth préfèrera prendre les chemins de traverse, le conduisant à travers la Seconde guerre mondiale, Singapour… Une vie bien remplie, en somme ! Parsemé d’un humour typiquement anglais (pince-sans-rire mais fine mouche), Le maître des apparences, en filigrane de cette vie épique, dessine les contours de la fin de l’empire britannique, de ces orphelins du Raj arrachés à leur famille qui se sentent finalement plus chez eux dans ces pays éloignés de leur mère patrie, la rétrocession d’Hong-Kong à la Chine et des implications pour les Anglais y ayant élu domicile. Le maître des apparences évoque la sensualité des amours interdites, la quête d’une identité que des années de courtoisie, de sentiment d’abandon et d’hypocrisie sociale ont modifiée, la fêlure d’un mariage d’apparences, les fissures qu’abritent les masques sociaux, les désirs inavoués qui marquent une vie. Jane Gardam expose lentement mais sûrement, grâce à une narration complexe mais parfaitement maîtrisée (avec toutefois quelques passages à vide, en ce qui me concerne), la complexité et les ambiguïtés du vieux Filth. A l’évidence, tous les ingrédients sont présents pour en faire un immense roman (y compris les rencontres complètement loufoques ou la folie de certains personnages), mais cela ne prend pas tout à fait… il manque un côté fantasque (au moins autant que la vie de son héros), des sentiments… du romanesque, que diable ! Du moins, sur ce volume. Les autres devraient être consacrés à Betty et Veneering, et cela devrait être nettement plus intéressant ; la passion devrait effectivement se faire mieux ressentir dans ces prochains volumes. Je l’espère.

Quelques jours plus tard, grâce à l’épicier du village Filth apprit le nom de son nouveau voisin. Il s’agissait bien, ainsi que l’avait annoncé la femme de ménage, d’un autre avocat de Hong-Kong, le seul homme de toute sa vie professionnelle et, à la réflexion, de sa vie privée qu’il avait toujours détesté. L’effet extraordinaire de cet homme sur le vieux Filth, effet abondamment commenté sans qu’il s’en émeuve, évoquait celui d’un crachat de venin émis par des dragon chinois. Le maître des apparences - Jane GARDAM

Les détails du livre

Le maître des apparences

Auteur : Jane GARDAM
Editeur : JC Lattès
Prix : 20,90 € [14,99 au format Kindle]
Nombre de pages : 380
Parution : 26 août 2015

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Le maître des apparences

10 novembre 2015

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

Autres lectures de Carozine : La France d’antan à travers la carte postale ancienne : une petite merveille à compulser à l’infini.

. . Caroline D.