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Le copain de la fille du tueur : brut et poignant

[Carozine découvre le roman Le copain de la fille du tueur - Vincent VILLEMINOT]

9 Sept. 2016

Carozine lit le roman Le copain de la fille du tueur - Vincent VILLEMINOT
Il fait chaud les marrons, je ne sens pas bon le sable chaud et je ne suis pas vêtue d’un bikini de coquillages (oui… j’avoue ! J’ai rédigé ma chronique au moment de la vague de chaleur, persuadée que le livre sortait fin août, mais, petite boulette du calendrier, il s’avère que pas du tout... en fait, il est sorti hier), mais je suis néanmoins fin prête à vous parler de ma (plus tout à fait) dernière lecture en date : Le copain de la fille du tueur, signé Vincent Villeminot. Si vous vous souvenez bien (si, si, creusez vous un peu la mémoire, armez vous de votre pot de miel si nécessaire) : nous avons croisé cet auteur au détour de la trilogie U4, Stéphane. Voilà qui devrait vous mettre la puce à l’oreille. Eh oui ! Aujourd’hui, nous revenons sur les terres de la littérature ado, voire young adult, avec ce roman assez brut de fonderie qu’est Le copain de la fille du tueur. Cette fois, point de virus assassin, mais une pension un peu particulière.

Je rencontrai Touk-Ernest H.-K. début octobre, le soir où il emménagea à l’Institut Daillange. J’appris d’une façon insolite que mon « co-locataire » était arrivé : un incendie se déclara vers 20h, au rez-de-jardin du pavillon dont j’occupais l’étage. Je fus donc invité à évacuer en urgence mon trois-pièces.
Les pompiers arrivaient déjà sur place. Sur la pelouse, Touk-Ernest fumait en regardant la scène. Quand on lui dit que j’étais son voisin du dessus, il vint vers moi, tendit la main :
—Touk-E, le pyromane, dit-il.
Je la serrai.
—Charles.
—Désolé pour tout ça… pour fêter mon arrivée, j’ai voulu me faire cuire des saucisses.< Le copain de la fille du tueur - Vincent VILLEMINOT

Le copain de la fille du tueur : fils de poète vs. fille de mafieux… mais pas que

Le copain de la fille du tueur - Vincent VILLEMINOT [ed. Nathan]
Charles Chatelard a pas loin de 18 ans et un bac à passer, à la fin de l’année. Studieux, il a été scolarisé par son poète de père (Gustave Chatelard, qui a, tout de même, reçu le prix Nobel de littérature mais qui est en train de mourir d’un cancer peu sympathique) dans une pension pour gosses de riches, nichée au coeur de la Suisse : l’Institut Daillange. Charles s’y ennuie ferme, dédaignant des camarades qu’il juge sévèrement à cause des richesses dont ils profitent sans se questionner outre mesure sur les implications sociales et environnementales qu’elles induisent… jusqu’au jour où son voisin d’appartement (oui, à l’Institut Daillange, point de chambre, mais bien des appartements individuels) fout le feu à sa cuisine inexistante en essayant de cuire une saucisse. Touk-Ernest vient de débarquer dans sa vie et ne tardera pas à la chambouler, grâce à son grain de folie, sa nonchalance et son insolence à toute épreuve. Et, un beau jour, une nouvelle intègre l’école : Selma Guttièrez est solitaire et secrète, d’une blondeur solaire et dotée d’un joli sens de la répartie… du moins quand elle abandonne capuche (vissée sur son front) et écouteurs (scotchés à ses oreilles). Elle n’est autre que la fille de Don Rafa, maître d’un célèbre cartel mexicain ayant une armée de sicarios à ses ordres. Autant dire qu’il s’agirait du genre de fille à laisser tranquille. Et pourtant, Charles ne peut s’y résoudre. Aidé de Touk-E, il va tenter d’aborder Selma et de gagner son coeur.

L’amitié avec lui ne m’avait pas fait renoncer à comprendre le monde qui m’entourait. Je me sentais intègre.
Et pour la première fois de ma vie, cela n’avait pas pour conséquence une parfaite solitude. Nos insolences nous valaient au contraire de vraies camaraderies. Des garçons et des filles se mirent à tourner autour de notre duo. Qu’ils fussent plus lucides que les autres sur la comédie générale, ou juste désireux de se moquer des profs (…), c’était un jeu dangereux pour eux : nous nous montrions mordants, souvent.
—Il faut que nous fassions attention, me dit Touk-E un soir… Nous sommes en train de devenir les bouffons du roi. Le copain de la fille du tueur - Vincent VILLEMINOT

Le copain de la fille du tueur : un roman young adult bien corsé

Le copain de la fille du tueur - Vincent VILLEMINOT [ed. Nathan]
D’une écriture sèche et implacable, Vincent Villeminot nous plonge dans les aléas du coeur adolescent, de la passion qui consume et embrase. Car, oui, bien que Le copain de la fille du tueur soit plutôt brut de fonderie au niveau de la forme, il n’empêche pas les émotions. Ce serait même un roman du genre à fleur de peau. Rien n’est nuancé dans Le copain de la fille du tueur. Évidemment. Car les adolescents font rarement dans la nuance, n’est-il pas. Qu’il s’agisse de la vision économique de Charles (tendance marxiste) ou celle de Touk-E (qui cherche à s’éloigner de l’héritage politique douteux d’un père tout puissant maître d’une obscure république bananière d’Afrique de l’Ouest), ou encore la vision particulière de Selma sur l’économie souterraine et les liens de corruption existant entre mafia, gouvernements et industriels, Vincent Villeminot adopte le point de vue adolescent : tranché ; passionné et acceptant peu la remise en cause. Et en dehors de l’exploitation de la masse salariale, me demanderez-vous : quelle est l’essence du roman Le copain de la fille du tueur ? L’amitié, et l’amour. Of course. Le tandem formé par Charles et Touk-E, sans être follement novateur, fonctionne à merveille : à l’aisance fébrile de Touk-E, véritable électron libre incontrôlable et expert en manipulation des foules, s’oppose le sérieux de Charles, sa sincérité et son côté introverti. En face ? La mystérieuse et solaire Selma, dont Charles s’éprend rapidement : entre enfance volée par un père exploitant les moindres failles de l’autre pour camper un empire et don parfois handicapant, Selma oscille entre besoin de se préserver et envie de se confier, de se laisser une chance de vivre normalement. Le copain de la fille du tueur capture bien l’adolescence et ses hésitations, sa rage, ce besoin d’avenir et de tout avoir tout de suite, comme si la vie brûlait les doigts… et ce cynisme qui n’est finalement qu’une armure bien frêle pour protéger des êtres en pleine mutation. Avec Le copain de la fille du tueur, Vincent Villeminot touche juste et sa barque joue les équilibristes jusqu’à la fin. Les regrets ? Que les personnages ne soient pas toujours assez fouillés, notamment Touk-E. Et que la fin soit aussi précipitée qu’une année scolaire bâclée. Le copain de la fille du tueur se lit facilement, il devrait plaire aux ados et young adults, en leur parlant d’héritage familial (que l’on accepte ou non), de la création de son identité et de la personne que l’on souhaite devenir. Un programme chargé, certes, mais amené avec légèreté, entre romance et thriller, avec Le copain de la fille du tueur.

Elle a lu tout ça comme une biographie —la mienne, à l’en croire. Toute la poésie de mon père, sa rencontre avec Emma, cet éblouissement au soleil de la jeunesse, pour elle ; l’été déjà mur pour lui. Cette certitude qu’ils ont eue d’avoir trouvé mieux qu’une âme soeur —une maison, un chemin. La merveille des années d’amour, l’attente d’un enfant, la grâce de la maternité, la surprise d’être père. La mort accidentelle de l’aimée, de la plus qu’aimée, moins d’un an après ma naissance.
Et le désespoir, depuis, dans lequel il se noie, dans lequel il trouve le seul moyen d’entretenir la flamme brillante de son souvenir. Le copain de la fille du tueur - Vincent VILLEMINOT

Les détails du livre

Le copain de la fille du tueur

Auteur : Vincent VILLEMINOT
Éditeur : Nathan
Prix : 16,95 €
Nombre de pages : 216
Parution : 8 septembre 2016

9 septembre 2016

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

Autres lectures de Carozine : Tobie Lolness (livre 1 —La vie suspendue— et livre 2 —Les yeux d’Elisha) : de la saga jeunesse lyrique et envoûtante.

. . Caroline D.