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Le complexe d’Eden Bellwether : un roman diabolique

[Carozine dévore le roman Le complexe d'Eden Bellwether - Benjamin WOOD]

26 Jan. 2015

Le barbu ventripotent avait une autre merveille dans sa besace, une merveille qui me faisait de l’oeil depuis une éternité et que je n’avais pas encore osé me procurer : le premier roman de Benjamin Wood, Le complexe d’Eden Bellwether. Et mon ardente attente fut récompensée : Le complexe d’Eden Bellwether est un roman diablement bien construit (il me rappelle d’ailleurs fortement le roman Le maître des illusions de Donna Tartt, tant par la construction que par le traitement du sujet), bien écrit… Benjamin Wood y tire avec intelligence et machiavélisme les ficelles d’une intrigue fascinante, mais je ne vous en dirai pas plus pour l’instant, après tout, il faut bien vous pousser à lire ce modeste article jusqu’au point final ! (oui, je sais, le teasing est une technique marketing particulièrement détestable et franchement horripilante, mais je n’en fais qu’à ma tête, je suis maître sur mon blog, non mais des fois.)

Ma théorie est que l'espoir est une forme de folie. Une folie bénigne, certes, mais une folie tout de même. En tant que superstition irrationnelle, miroirs brisés et compagnie, l'espoir ne se fonde sur aucune espèce de logique, ce n'est qu'un optimisme débridé dont le seul fondement est la foi en des phénomènes qui échappent à notre contrôle. Le complexe d'Eden Bellwether - Benjamin WOOD

Le complexe d’Eden Bellwether : la manipulation des émotions par la musique

Le roman Le complexe d'Eden Bellwether - Benjamin WOOD [Ed. Zulma]
Le constat de la première page est amer : trois corps sont retrouvés dans une sublime propriété de Cambridge et, parmi eux, seul un respire encore. Son nom est Eden Bellwether, et Oscar Lowe, l’un des assistants impuissants à cette scène tragique, plonge dans ses souvenirs pour retracer le fil de leur rencontre, de leur histoire. Nous sommes donc à Cambridge, brillante cité universitaire (oui, oui, le décor, encore une fois, rappelle bigrement Le maître des illusions, de même que l’intrigue s’ouvrant sur un meurtre et prenant le parti de remonter le fil des souvenirs de l’un des protagonistes, mais je vous avais prévenu dans ma -parfaite- introduction !), et, par une belle soirée, les pas d’Oscar Lowe (aide-soignant de son état dans l’auguste établissement de Cedarbrook) le conduisent vers la chapelle de King’s College, subjugué par la puissance de l’orgue qui s’en échappe… et, une fois à l’intérieur, par une ravissante blonde dont il captera l’attention. La jeune femme est étudiante en médecine, s’appelle Iris et n’est autre que la soeur de l’organiste : Eden Bellwether. Peu à peu, Oscar sera intégré dans le monde fermé et intellectuel du petit groupe d’amis gravitant autour des Bellwether mais il sera, surtout, initié aux théories incongrues d’Eden sur le pouvoir de la musique. Comme le pensait son maître absolu, Johann Mattheson, Eden Bellwether est persuadé de pouvoir influencer le comportement des gens par la musique. Mieux : il pense être capable de les guérir.

Il y eut soudain le hurlement des sirènes, un nuage de poussière au bout de l’allée, et bientôt la pénombre du jardin fut inondée par la lumière bleue des gyrophares. C’est seulement au moment d’indiquer aux ambulanciers où se trouvaient les corps que tout leur parut réel. Il y en avait un dans la maison à l’étage, un autre dans l’ancienne chapelle, et aussi au fond du jardin. Celui-là respirait encore, mais faiblement. Il était sur la berge, dans un nid de joncs couchés, l’eau froide clapotant à ses pieds. Quand les ambulanciers demandèrent son nom, ils répondirent Eden. Eden Bellwether. Le complexe d'Eden Bellwether - Benjamin WOOD

Le complexe d’Eden Bellwether : un premier roman plus que prometteur

Le complexe d'Eden Bellwether... et l'auteur de ce roman : Benjamin WOOD [Ed. Zulma]
Certes, les ressemblances avec le magistral roman Le maître des illusions sont frappantes. Il n’empêche que Benjamin Wood parvient à s’en écarter et à créer son propre univers et surtout à générer cette interrogation qui ne nous quittera pas pendant tout le roman : Eden Bellwether est-il un fou manipulateur ou un génie capable de guérir ? Le thème est posé : avec intelligence et délicatesse, Benjamin Wood s’intéresse, avec Le complexe d’Eden Bellwether (qui pourrait, finalement, se réduire à un complexe de Dieu), à cette limite si fine et particulièrement diaphane qui sépare la folie du génie. Il est, évidemment, à déplorer que les personnalités du petit groupe d’amis ne soient pas plus fouillées et restent un tantinet superficielles ou que les thèmes abordés (différence entre les classes sociales, musicologie et psychiatrie, manipulation des émotions, amitié et trahison…) soient nombreux et parfois survolés. Cependant, l’analyse d’Oscar, sa relation périlleuse avec Iris et surtout la personnalité dévorante d’Eden Bellwether compensent largement. Car Eden Bellwether fait partie de ces personnages aussi fascinants que le diable lui-même : manipulateur né ; arrogant ; utilisant son intelligence pour jouer avec les gens comme s’il s’agissait de vulgaires pantins ; personnalité narcissique s’il en est et, par là même, capable du pire, Eden Bellwether irradie ce premier roman de Benjamin Wood. D’autant que la relation liant Iris à son frère est une jolie réussite, oscillant constamment entre admiration, crainte et confiance absolue. Lentement mais sûrement, Le complexe d’Eden Bellwether grimpe en intensité (notamment à partir de l’arrivée d’Herbert Crest) pour nous emporter jusqu’au dénouement final, que l’on craint autant que l’on attend. Si Le Maître des illusions reste, à mon avis, une oeuvre magistrale non égalée, Le complexe d’Eden Bellwether est un roman prometteur, qui donne envie de suivre l’évolution de son auteur car, après tout, il est parvenu à me tenir en haleine et à faire de son personnage un ange exterminateur des plus captivants, sans pour autant éclipser un second ange, plus calme et restant dans la pénombre : Oscar Lowe, tentant de réparer les blessures intimes des êtres qu’il croise.

Il ne répondit pas, ce qu’elle sembla interpréter comme de la résignation. Son silence n’avait pourtant rien à voir. Il avait accepté ce dîner pour une tout autre raison… quelque chose dans ce message, une simple phrase qui le troublait chaque fois qu’il la lisait : Il y a une profondeur en toi qu’on ne soupçonne pas de prime abord. Il s’était imaginé que ce genre de compliment viendrait peut-être un jour du Dr Paulsen, au cours d’une discussion à propos d’un recueil de poésie ou tandis qu’ils épluchaient ensemble les pages Culture du journal. Mais c’était venu d’Eden, et malgré lui, il voulait savoir s’il était sincère. Le complexe d'Eden Bellwether - Benjamin WOOD

Les détails du livre

Le complexe d'Eden Bellwether

Auteur : Benjamin WOOD
Editeur : Zulma
Prix : 23,50 €
Nombre de pages : 499
Parution : août 2014

26 janvier 2015

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

Autres lectures de Carozine : Aventures du baron de Münchhausen : rocambolesque ; hilarant ; fêlé… les synonymes me manquent

. . Caroline D.