Le collier rouge : humanité et tendresse pour un roman plein de délicatesse
[Carozine dévore le roman Le collier rouge - Jean-Christophe RUFIN]15 Juil. 2015
En ce lendemain de 14 juillet et de feu d’artifice qui embrase le ciel, je viens de terminer un petit roman qui ne paie pas de mine à son ouverture, dont on se demande où il va et ce qu’il cherche, mais qui vous laisse songeur une fois la dernière page tournée et le livre refermé. En somme, un roman qui pourrait être de rien du tout mais qui restera néanmoins dans un petit coin de ma mémoire, parce qu’il le mérite. Il s’agit du dernier livre en date de Jean-Christophe Rufin (que je n’avais pas encore eu l’honneur de lire, je sais, mes connaissances littéraires sont assez éparses et très orientées vers les Russes et autres auteurs de l’époque Victorienne… personne n’est parfait !) qui est donc de l'Académie française comme le rappelle la couverture (et qui me fait un peu penser à ces acteurs de cinéma issus de la Comédie-Française, mention qui vient, à jamais, s'accoler à leur nom dans le générique, mais passons !) : Le collier rouge. Et je remercie bien bas ma chère maman de me l’avoir prêté parce qu’il m’a fait passer un très agréable moment.
A une heure de l’après-midi, avec la chaleur qui écrasait la ville, les hurlements du chien étaient insupportables. Il était là depuis deux jours, sur la place Michelet, et depuis deux jours il aboyait. C’était un gros chien marron à poils courts, sans collier, avec une oreille déchirée. Il jappait méthodiquement, une fois toutes les trois secondes à peu près, d’une voix grave qui rendait fou. Le collier rouge - Jean-Christophe RUFIN
Le collier rouge : un chien qui hurle à la mort ; un juge et un détenu mystérieux
Nous sommes en 1919 et la première guerre mondiale a laissé un parfum nauséabond après avoir ravagé la France. Dans une prison presque désaffectée, un seul gardien, Raymond Dujeux, surveille entre deux crises de sommeil un seul et unique détenu, qu’il ne porte pas vraiment dans son coeur : Jacques Morlac. Ce fils d’agriculteur, décoré de la légion d’honneur (à une époque où cela voulait encore dire quelque chose), a été arrêté après ce que d’aucuns (et ils sont nombreux) considèrent comme une peccadille. C’est au juge Lantier du Grez que revient la tâche de mener l’enquête, d’en savoir plus sur cet homme mystérieux qui refuse obstinément que l’on invoque la boisson ou la passion qu’il pourrait porter pour son chien. Son chien ? Un vieux chien qui a élu domicile sur une place déserte, près de la prison, et qui hurle à la mort depuis l’incarcération de Jacques Morlac (empêchant ainsi le gardien Dujeux de dormir la nuit), et qui fut renommé Guillaume sur le front (car, oui, il y avait des chiens parmi les soldats)…
En adoptant, par surprise, ce vocabulaire familier et surtout en proférant une véritable insulte, Lantier savait ce qu’il faisait. Son visage exprimait la même lassitude. Ces petits coups de théâtre faisaient toujours partie de la routine des interrogatoires. Il savait quelle fibre chatouiller en l’homme, tout comme un paysan connait les points sensibles de son bétail. Le prisonnier couché devant lui remua un pied. C’était bon signe. Le collier rouge - Jean-Christophe RUFIN
Le collier rouge : un roman délicat qui ne parle pas vraiment de chien
Dès les premières pages, j’ai été happée par l’écriture souple, fluide et un brin érudite (mais sans trop en faire) de Jean-Christophe Rufin… et malgré cette intrigue dont on se demande un peu où il veut en venir, j’ai été absorbée par cet étrange roman qu’est Le collier rouge. Doucement, paisiblement et avec beaucoup d’humanité, le juge Lantier va dénouer les fils obscurs de la vie de Jacques Morlac et du comment il en est arrivé dans cette cellule morose, avec un chien qui ne le quitte plus. Et, justement, Le collier rouge semble être, avant tout, une histoire de chien : Guillaume a sauté à la suite de Jacques Morlac lorsque les gendarmes sont venus le chercher pour aller au front ; il a sauté dans un train puis dans un navire… il s’est retrouvé dans les tranchées de France et de Grèce, suivant fidèlement son nouveau maître et amadouant les officiers pour faire accepter sa présence. La toile de fond du roman Le collier rouge est donc (en toute logique et sans grande surprise) la première guerre mondiale… mais c’est surtout un prétexte pour parler des horreurs de la guerre, du changement profond qui s’opère dans l’âme des hommes face à tous ces sacrifices qu’ils ne comprennent pas toujours, du rejet des militaires par une population lassée de les avoir vus prendre leurs fils et outrée de les voir emprisonner d’anciens soldats, et, enfin, de cette différence de classe (le grand bourgeois vs. l’agriculteur) qui n’empêche pas la compréhension de l’autre, voire la fraternité. Par petites touches, à la façon des impressionnistes, comme autant de notes légères venant confirmer les caractères et les décors, Jean-Christophe Rufin nous livre un roman d’humanité et d’amour. Avec subtilité, Jean-Christophe Rufin nous rappelle que, oui, un livre peut faire chavirer une vie et nous donner les clefs de notre existence… de même que les amitiés et les amours que nous choisissons. Le collier rouge est un roman de (presque) rien du tout qui, l’air de rien, s’infiltre en vous, éveille délicatement vos émotions et devrait trouver une petite place dans le coin de votre mémoire et de votre coeur…
Morlac se redressa et jeta violemment sa cigarette contre le mur, au fond de la cellule. Il avait l’air furieux. La guerre, qui l’avait privé des expressions douces de la joie ou du plaisir, avait visiblement développé en lui la capacité d’exprimer la colère et même la haine. L’officier connaissait ces réactions de combattants mais, dans le cas présent, il ne s’y attendait pas et, surtout, il n’en cernait pas le motif. Le collier rouge - Jean-Christophe RUFIN
Les détails du livre
Le collier rouge
Auteur : Jean-Christophe RUFIN
Editeur : Folio
Prix : 6,40 €
Nombre de pages : 176
Parution : 10 avril 2015
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
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