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La relieuse du gué : enquête atypique en Dordogne

[Carozine dévore le roman La relieuse du gué - Anne DELAFLOTTE MEHDEVI]

9 Sept. 2015

Carozine lit le roman La relieuse du gué - Anne DELAFLOTTE MEHDEVI
Une fois n’est pas coutume, je vais m’intéresser aux porte-monnaie anorexiques en ces veilles de fêtes et journées de cadeaux qui pèsent leur poids sur le budget annuel… oui, bon, je parle d’un livre de poche, quoi ! (Qui, d’ailleurs, n’est absolument pas publié aux éditions du Livre de Poche, mais chez Babel.) Il s’agit d’un roman envoûtant d’Anne Delaflotte Mehdevi (à vos souhaits) : La relieuse du gué. Petit livre qui sera épatant pour lire au coin du feu pendant les fêtes (si jamais on vous laisse tranquille plus de quinze minutes sans vous tirer le coin de la jupe pour une histoire, vous tapoter l’épaule pour savoir si on met de la crème dans la soupe, ou vous questionner sur le livre que vous lisez, ce qui est finalement un abus de langage puisque, justement, vous ne pouvez pas le lire étant donné qu’on vous interrompt sans cesse). Bon. Vous avez le contexte. Passons maintenant au contenu : La relieuse du gué.

Au matin, les bourrasques qui s’engouffraient dans la ruelle me réveillèrent. Toute la nuit, le vent avait soufflé à la limite de la tempête. J’ouvris les volets et me penchai par-dessus le garde-corps. L’air animé que je respirais m’absorba d’emblée tout entière. Le ciel était parcouru de courants parés de toutes les nuances qu’un vent peut porter, chamarré comme une musique de couleurs. Sur le fond de ciel qui s’éclaircissait, s’avançaient en bataillons des nuages noirs et épais, inquiétants eux, de constance et de lenteur. La relieuse du gué - Anne DELAFLOTTE MEHDEVI
Le roman La relieuse du gué, de Anne DELAFLOTTE MEHDEVI [Ed. Babel]

La relieuse du gué : une relieuse (logique), un homme mystérieux et un livre bien étrange

La relieuse du gué - Anne DELAFLOTTE MEHDEVI [ed. Babel]
Par une belle matinée, une ravissante relieuse (si l’on se fie à l’avis du boulanger d’en face, André) s’installe à son bureau quand un homme fait irruption dans son atelier, bien trop tôt, et interrompt son cérémonial matinal. D’une beauté stupéfiante, il emplit l’espace de son charisme et finit par lui tendre un épais livre à la reliure allemande, qui éveille aussitôt une tornade de questions chez la relieuse… qui reste cependant silencieuse et note consciencieusement les demandes très précises de l’homme dont elle ne sait qu’une seule chose : il exige que la restauration du livre soit faite en quelques jours seulement. Alors qu’il s’apprête à sortir de l’atelier, il s’écroule aux pieds de la relieuse… avant de mourir quelques instants plus tard, sur le parvis de la gare. Fâcheux. Car le travail de restauration du livre ayant été payé par l’homme, la relieuse se doit de redonner vie à cet étrange livre qui la fascine au moins autant que le bel homme le lui ayant apporté : il sent la fumée et contient des aquarelles magnifiques d’un édifice gallo-romain. La curiosité à son comble, Mathilde (car il s’agit bien du nom de la jeune relieuse) mène son enquête pour retrouver le passé de ce livre… et l’identité de l’homme dont elle est parvenue à s’enticher en quelques minutes seulement.

Pour me donner une contenance, j’allai tout de même me mettre à ma place, derrière un large plateau de bois posé sur deux piliers de briques : mon comptoir de marchande qui marque la limite entre l’espace accessible au public et le reste de l’atelier où se concentrent mes outils. J’allumai la lampe de bureau qui n’éclairait que ce plateau, créant entre nous deux un autre îlot de lumière. Alors seulement, ses mains se détachèrent de sa poitrine et il sortit un grand livre (…) La relieuse du gué - Anne DELAFLOTTE MEHDEVI

La relieuse du gué : un roman qui transporte en douceur

La relieuse du gué - Anne DELAFLOTTE MEHDEVI [ed. Babel]
Très franchement, je n’étais pas des plus motivées à l’ouverture du livre La relieuse du gué, d’Anne Delaflotte Mehdevi ; il m’avait été chaudement recommandé par ma chère maman, mais bon… j’avais toujours autre chose à lire jusqu’au jour où, justement, ma pile s’est tarie et il m’a bien fallu me tourner vers ce petit livre. Et, il faut bien admettre que La relieuse du gué fait partie de ces romans qui, l’air de rien, vous emporte au gré de leur écriture fluide et de leur intrigue, sans même que vous ayez le temps de vous en apercevoir. Lentement, mais sûrement, Anne Delaflotte Mehdevi déroule son intrigue, nous laissant peu à peu appréhender le personnage de sa relieuse, laissant remonter à la surface, par petites touches venant se mêler au présent, son histoire et les raisons de son installation dans ce petit village de Dordogne, de cette vie nouvelle qui s’ouvre à elle. Et, alors que rien ne le laissait présager, on se surprend à être intrigué, à notre tour, par cet étrange livre ; on se passionne pour cette enquête surprenante, aux rebondissement souvent inattendus… Autour de la jeune et jolie Mathilde gravite une petite galerie de personnages, plutôt colorée et joyeuse : le boulanger taquin et protecteur ; le maire un peu trop oppressant ; un vieil horloger passionné mais n’appréciant plus autant sa solitude ; un cordonnier fantasque. Enfin, et surtout, La relieuse du gué nous fait découvrir le merveilleux métier de relieur et les étapes de la restauration d’un livre ancien. J’ai follement aimé voir La relieuse du gué travailler, redorer, presser, recoller ; toucher, à travers les lignes, ses outils hérités de son grand-père… et, comme bien souvent, j’ai regretté de ne pas avoir connu ce métier plus tôt, car, oui, être relieuse m’aurait incroyablement plu. Anne Delaflotte Mehdevi nous transmet le goût du livre, du cuir vieilli et de l’odeur des pages, et, à l’époque des liseuses, nous rappelle la sensualité du papier entre les doigts. Alors, oui, le dénouement de La relieuse du gué est un poil prévisible, mais le trajet pour y parvenir est agréable, rafraichissant et envoûtant. N’est-ce pas le plus important ?!

Munie d’un scalpel, j’incisai les pages de garde tristes et fanées des contre-plats, sectionnai sur toute la longueur, au-delà des ficelles. Je donnai un coup violent et sec sur le contre-plat qui céda. L’opération coup-de-poing terminée, je finis de les déshabiller. Les blocs étaient nus à présent. Je nettoyai délicatement avec une éponge leur dos à l’eau tiède. Ils n’avaient que peu souffert du temps, un peu d’avoir été empilés de guingois, ce qui avait déformé les dos, fait glisser les blocs. La relieuse du gué - Anne DELAFLOTTE MEHDEVI

Les détails du livre

La relieuse du gué

Auteur : Anne DELAFLOTTE MEHDEVI
Éditeur : Babel
Prix : 8,70 €
Nombre de pages : 279
Parution : 1 juin 2013

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La relieuse du gué

9 septembre 2015

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

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. . Caroline D.