2
Mai
2016
L'exploit de Gustave Eiffel : un volume bien fait et instructif
[Carozine découvre la collection "Petites histoires de l'Histoire" avec le roman L'exploit de Gustave Eiffel - Hélène MONTARDRE - illustrations de Glen CHAPRON - dès 7 ans]
Et que diriez-vous de vous instruire un poil et d’en apprendre plus sur les dessous de la création de ce majestueux emblème parisien qu’est la Tour Eiffel ? Vous applaudissez bien fort ? (De toute façon, pour ceux qui ronchonneraient, il faut bien avouer que le traitement sera le même : j’ai la ferme intention de pondre une chronique, quoiqu’il advienne. Bon, évidemment, si un nuage toxique devait se former dans les quinze prochaines minutes, on en reparlerait plus tard, mais cela ne semble pas vouloir être le cas, malgré nos exercices d’évacuation.) Oui, donc, reprenons le fil de mes divagations : aujourd’hui, je vous parle de la collection « Petites histoires de l’Histoire » (nom plutôt bien trouvé, d’ailleurs), chez Nathan, avec le volume L’exploit de Gustave Eiffel, mené par Hélène Montardre (texte). Qu’est-ce donc ? Patience, jeune padawan. On y arrive.
— Je veux du spectaculaire. Du spec-ta-cu-laire !
Gustave Eiffel dévisage tour à tour ses collaborateurs, Maurice Koechlin et Émile Nouguier. Les deux hommes restent muets. Ils attendent qu’Eiffel développe.
Celui-ci marche de long en large dans son bureau, expliquant, de plus en plus excité :
— Vous vous rendez compte ? 1889 ! Cela fera exactement cent ans que la Révolution a éclaté. Et voyez ce que nous avons réalisé depuis : les belles idées d’alors ont été mises en application, et nous sommes en république. Cela mérite d’être fêté dignement, non ? L'exploit de Gustave Eiffel - Hélène MONTARDRE
L'exploit de Gustave Eiffel : un projet ambitieux, des Parisiens peu emballés et un centenaire à célébrer
Nous sommes en 1884, Jules Grévy (un illustre oublié de nos mémoires, passé le baccalauréat) est président de la relativement jeune république et il se demande comment célébrer dignement le centenaire de la Révolution. Fastoche. Il suffit d’accueillir l’Exposition universelle et d’en faire quelque chose de grandiose, dont le monde entier se souviendra pour les années à venir. Gustave Eiffel a 52 ans, de nombreux viaducs à son actif (ainsi qu’une ossature en fer d’une certaine statue plutôt célèbre également), et ce projet l’intéresse diablement. Mais comment marquer les esprits ? Hein, Pépitoche ? Maurice Koechlin (chargé du bureau des études de l'entreprise Eiffel) se penche sur la question et imagine une tour, haute de trois cent mètres. À ses côtés, Émile Nouguier (responsable des études techniques) se charge des chiffres et de s’assurer que le tout tienne bien en place. Sauf que Gustave Eiffel n’est que moyennement emballé par ce brouillon de projet. Qu’à cela ne tienne, Maurice Koechlin peaufine son dessin et là, le patron s’emballe, dépose le brevet et le projet aux pieds de la présidence. Face à lui ? Jules Bourdais et un immense phare de pierre. Oui, parce que le fer est has been. Ou pas. En 1886, le projet de Gustave Eiffel est validé et, un an de lenteurs administratives plus tard, les travaux débutent à pas de géant, malgré la réticence des artistes parisiens, les grèves et les hivers rigoureux. Il ne reste que deux ans à Gustave Eiffel pour construire sa tour, qui sera le clou de l’Exposition universelle de 1889, autant dire qu’il n’a pas une seule marge d’erreur.
— Et ensuite, comment allons-nous procéder ? demande quelqu’un.
— Comme nous l’avons toujours fait, répond Eiffel. Avec des plans au millimètre près.
Car la méthode Eiffel est infaillible.
D’abord, élaborer des plans très détaillés et parfaitement exacts.
Ensuite, fabriquer dans les ateliers de l’entreprise les éléments qui constitueront l’ouvrage définitif en suivant ces plans.
Pendant ce temps, préparer le terrain : creuser les fondations, aménager ce qui doit l’être. L'exploit de Gustave Eiffel - Hélène MONTARDRE
L'exploit de Gustave Eiffel : une collection bien faite pour se plonger dans l’Histoire sans en avoir l’air
Le parti pris d’Hélène Montardre (et, sans avoir lu les autres volumes de la collection, je ne pense pas trop me planter en supposant qu’il s’agit là de la ligne directive de « Petites histoires de l’Histoire ») est de faire passer l’aspect documentaire de la chose sous forme de roman, parsemé de faits historiques. Et c’est plutôt une excellente idée. L’air de rien, le gremlin va se retrouver au coeur de l’Histoire, en suivant les croquis de Maurice Koechlin et la rigueur architecturale de Gustave Eiffel. Car il en faut de l’organisation pour faire sortir de terre un géant de fer en seulement deux ans ! Si les illustrations n’apportent pas grand-chose à L’exploit de Gustave Eiffel, elles allègent néanmoins l’ensemble et devraient permettre d’amadouer les gremlins effarouchés. Le texte d’Hélène Montardre est facile d’accès sans être abêtissant, mêlant habilement petite et grande histoire. L’exploit de Gustave Eiffel retrace parfaitement l’histoire de ce succès technique et populaire que fut la Tour Eiffel. Le livre s’achève sur le bouillonnement de l’Exposition universelle et de sa salle des machines montée de toutes pièces. (Et dire qu’aujourd’hui, on a droit à des tentes en plastique…) Hélène Montardre soulève également l’épineuse question de la réinvention de la dame de fer : prévue pour une exploitation de vingt ans (il fallait bien que Gustave Eiffel rentre dans ses frais !), il a bien fallu lui redonner une certaine jeunesse en 1900 quand sa suppression a été envisagée… Sans être un coup de coeur, L’exploit de Gustave Eiffel reste un livre très bien fait, un excellent moyen d’intéresser les gremlins à l’Histoire, à travers la lorgnette d’un monument que nous connaissons tous. Et puis ça leur permettra d’étaler leur science pendant le dîner, au lieu de vous parler de Louison qui a avalé des spaghetti par le nez à la cantine. Alors.
La nuit, la tour tient encore la vedette. Des becs de gaz l’illuminent. Un phare tricolore envoie des signaux bleus, blancs et rouges sur Paris. Chaque jour, un coup de canon tiré du sommet de la tour annonce l’ouverture et la fermeture de l’Expostion.
Six mois s’écoulent dans un tourbillon incessant. L’Exposition universelle de 1889 est un formidable succès, et la tour y est pour beaucoup.
Naturellement, certains continuent de la trouver très laide et ils le font savoir. Ils écrivent des poèmes ou des articles qui se moquent d’elle et de son inventeur ; ils dessinent des caricatures ; ils inventent des chansons. Eiffel n’y prête pas attention. Car dans le même temps, de nombreux admirateurs lui envoient des lettres de remerciement (…) L'exploit de Gustave Eiffel - Hélène MONTARDRE
Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
Autres lectures de Carozine : Mon cahier préhisto - la grotte Chauvet-pont d'Arc : apprendre en s’amusant.