Divergent(e) : le choix d’une vie

Je sais, il ne fait pas trop sérieux de se plonger avec passion dans la lecture de Divergent (oui, alors, s’il y a bien une chose qui m’agace prodigieusement, c’est cette rapidité digne d’un chercheur d’or de la part des éditeurs français à sortir en grand format qui coûte un bras un roman passé au format poche depuis un petit bout de temps sous prétexte qu’un film tiré du livre sort dans quelques mois ; rien ne m’horripile plus -quoiqu’en cherchant quelques secondes, je suis persuadée qu’il en existe bien d’autres- et j’ai donc décide d’opter pour la version originale, made in US, où il s’agit bien d’être Divergent et non Divergente, merci la grammaire anglophone, mais bon, nous ne chipoterons pas pour un « e »), mais étant donné le culte que je voue à Harry Potter, cela n’est pas bien surprenant non plus. Bref. J’avais envie de voir de quoi était fait ce best-seller et je n’ai pas été déçue : Veronica Roth sait manipuler le lecteur et l’amener essoufflé jusqu’aux dernières pages de ce premier tome de la série Divergent(e). L’intrigue est intéressante, l’écriture… bon, ce n’est pas du J.K Rowling mais c’est tout-à-fait correct, et l’imagination est bien présente ; Divergent de Veronica Roth fut donc une belle surprise. Petite précision : ayant eu la flemme prodigieuse de faire ressortir mes études de traduction, les citations seront donc en anglais.

Divergent : 5 factions, une initiation et un semblant de paix

Dans un monde dystopique où la guerre a ravagé les terres, les survivants ont décidé de fractionner la population en cinq factions, censées contrôler l’inclination au Mal que chacun possède en soi. Chaque faction vit en fonction du principe qu’elle chérit le plus : "Abnegation" (oui, là encore, les noms des factions seront en anglais) se dresse contre l’égoïsme et fournit les membres du gouvernement, "Dauntless" méprise la lâcheté et protège la cité des attaques extérieures, "Erudite" s’oppose à l’ignorance et procure des chercheurs ou enseignants, "Candor" qui s’élève pour l’honnêteté à tout prix fournit des juristes et, enfin, "Amity" est pro fraternité et prodigue des conseillers. A 16 ans, chaque individu passe un test d’aptitude censé dévoiler son inclination profonde et doit choisir sa faction : la grande majorité reste dans la faction de leur famille, mais certains, qui ne se sentent pas l’âme de leur faction d’origine, en choisissent une autre ; ils deviennent des "Transfers" et rompent tout lien avec leur famille. Beatrice Prior a justement 16 ans, de même que son frère, Caleb ; tous deux passent le test d’aptitude. Petit hic néanmoins : le test de Beatrice n’est pas concluant ; au lieu de dire précisément qu’elle est destinée à telle faction, le test n’en élimine que deux. Horrifiée, Tori, la femme "Dauntless" chargée de faire passer le test d’aptitude, révèle à Beatrice qu’elle est Divergente et qu’elle doit impérativement taire ce résultat car il est bien trop dangereux d’être "Divergent". Après de longues hésitations, Beatrice choisit la faction des "Dauntless", vêtus de noir et tatoués, dont elle admire l’intrépidité. Après avoir grimpé dans un train en mouvement et sauté du haut d’un immeuble, la jeune femme atterrit dans un filet et attrape la main de Four, son instructeur pour les prochaines semaines ; une nouvelle vie commence pour elle et, sans réfléchir, elle se fait appeler Tris. Dès les premiers moments, elle apprendra que seule une partie des "Initiates" suivant la formation d’intégration aux "Dauntless" sera acceptée au sein de la faction ; les autres deviendront Factionless et seront condamnés à trainer dans les rues et à vider les poubelles. La concurrence fait rage entre les "Initiates", sous l’oeil de Four et d’Eric, le superviseur tyrannique et volatil des formations.

At the Abnegation table, we sit quietly and wait. Faction customs dictate even idle behavior and supersede individual preference. I doubt all the Erudite want to study all the time, or that every Candor enjoys a lively debate, but they can’t defy the norms of their factions any more than I can. Divergent(e) - Veronica ROTH [tome 1]

Divergent : un peu plus que cela n’en a l’air

Le roman apocalyptique de Veronica Roth ne se limite pas à l’initiation afin d’intégrer la faction des "Dauntless". Que nenni. En toile de fond, le roman Divergent évoque la soumission des individus à un système quelque peu totalitaire : chacun est censé se soumettre à l’intérêt général, adopter la manière de penser de sa faction et faire sienne la devise « Faction before blood » ; comme on le découvrira peu à peu, l’objectif de l’entraînement n’est pas de révéler la personnalité profonde ou de maîtriser ses peurs mais bien de contrôler l’individu, de le formater pour qu’il corresponde à ce qu’en attendent les leaders des factions. Et c’est ici que le grain de sable "Divergent" entre en compte : comment peut-on contrôler une personne qui ne rentre pas dans une seule faction et qui ne peut donc pas se soumettre à un mode de pensée unique ? Cette réflexion traverse le roman Divergent de part et d’autre mais se fait plus intense (et donc plus intéressante) en dernière partie ; Veronica Roth axe essentiellement ce premier tome sur l’Initiation, la concurrence entre chaque élève pour ne pas être exclu et la relation amoureuse qui nait entre Tris et le mystérieux Four (bon, mystérieux que pour Tris car le lecteur devinera assez rapidement quelle est sa véritable identité mais leur romance n’en reste pas moins intéressante car elle évite la mièvrerie). La réflexion politique, bien qu’amorcée de-ci de-là par bribes, n’entre véritablement en jeu qu’à la fin de ce premier tome de Divergent et Veronica Roth est suffisamment douée pour nous donner envie de lire la suite, qui promet d’être bien plus orientée vers la lutte contre le totalitarisme et la pensée unique. Ce premier tome, Divergent, est un véritable roman initiatique : Tris évolue au fil des pages, apprend à se connaître, à se maîtriser et à s’affirmer, passant par des épreuves douloureuses et intenses. Le rythme est soutenu, l’intrigue qui s’étoffe au fur et à mesure tient la route et la description des factions principales (""Abnegation", "Dauntless" principalement) avec leurs codes, leurs valeurs et leurs approches différentes est cohérente. Veronica Roth, avec Divergent, signe un roman jeunesse bien ficelé, travaillé et puissant.

‘Beatrice‘, she says, ‘under no circumstances should you share that information with anyone. This is very important.’
‘We aren’t supposed to share our results.’ I nod. ‘I know that.’
‘No.’ Tori kneels next to the chair now and places her arms on the armrest. Our faces are inches apart. ‘This is different. I don’t mean you shouldn’t share them now; I mean you should never share them with anyone, ever, no matter what happens. Divergence is extremely dangerous. You understand?’
I don’t understand -how could inconclusive results be dangerous?- but I still nod. Divergent(e) - Veronica ROTH [tome 1]