Les impliqués : un polar à la sauce polonaise

En ce dimanche plein de grisaille, voici le second livre de la sélection (du mois de mars) pour le jury littéraire et, parce que je suis une fille de principes et que j’ai tendance à être pleine de tocs, il s’agit bien évidemment, et étant donné que le roman Sulak était le premier de cette sélection à subir mon traitement de choc, du polar : Les Impliqués de Zygmunt Miloszewski. Le petit monsieur (Zygmunt Miloszewski n’est âgé que de 38 ans et n’est pas moche, ce qui n’a rien pour déplaire mais n'a aucun rapport avec la choucroute que je tente ici de préparer) a déjà reçu, par deux fois, le prix policier du Gros Calibre (oui, oui, ça existe...) ; Les impliqués est son deuxième roman (qui date de 2007) et non le dernier (ce qui est une bonne nouvelle car Zygmunt Miloszewski est bigrement doué).

Les impliqués : meurtre, psychologie familiale et gros mensonges

Varsovie. Dans un ancien monastère, Henryk Telak est retrouvé mort, empalé dans l’oeil par une broche à rôtir, ce qui, vous l'admettrez, ne doit pas être des plus plaisants mais exclut également presque d'office la théorie du suicide (comme nous le confirmera le médecin légiste). Teodore Szacki est le procureur chargé de l’enquête. A 36 ans, sa vie l’ennuie prodigieusement, de même que son mariage d’où la passion s’est échappée pour ne laisser place qu’à la routine, aux t-shirts peu glamours et aux manies qui irritent. A ses côtés, le policier à l’humour déplacé mais plutôt bien trouvé : Oleg Kuzniecov. Autour du mort embroché gravitent une femme peu aimante, un fils doté d’une maladie cardiaque et hanté par le suicide de sa soeur, un groupe de thérapie plutôt louche, un psychologue charismatique et peu enclin à donner des réponses, et, enfin, un directeur trop mystérieux dont on ne connaitra pas même le nom. Les deux hommes s'embourbent dans une enquête qui les mènera (très) loin et rompra avec la monotonie de la vie du procureur Szacki.

Une alerte à la bombe paralyse la capitale : craignant une attaque au gaz sarin, les policiers bloquent le carrefour principal de la ville et arrêtent la circulation du métro durant trois heures au cours de l’après-midi ; le gigantesque bouchon routier qui s’ensuit dépasse probablement les espérances du plaisantin qui a déclenché l’alerte. Au zoo, des boutons d’origine virale apparaissent sur la trompe de l’éléphante Buba, qui endure son traitement avec patience et évite ainsi l’anesthésie pour recevoir les soins. Les impliqués - Zygmunt MILOSZEWSKI

Les impliqués : spectre du communisme et polar qui électrise

Zygmunt Miloszewski signe, avec Les impliqués, un polar virtuose emporté par un personnage auquel on s’attache, une écriture affutée et une histoire puissante. Il faut dire que le passé de la Pologne, dans lequel Zygmunt Miloszewski plonge allègrement pour intensifier l’intrigue, est un terreau fertile pour un polar avec l’espionnage à outrance des citoyens, les myriades d’agents intérieurs, la corruption, le totalitarisme communiste et la terreur, les moyens peu orthodoxes utilisés pour se débarrasser des problèmes (notamment ceux engendrés par Solidarnosc). Les impliqués est un polar à dimension humaine avec son procureur épuisé de la vie, qui retrouve une flamme auprès d’une journaliste toute jeunette mais qui gagne nettement mieux sa vie que lui (la joie de travailler pour le service public dans un ancien état communiste), et qui se démène dans une enquête aux ramifications qui le dépassent quelque peu. Tout cela fait de Zygmunt Miloszewski un auteur à suivre (et ça tombe plutôt bien, les éditions Mirobole ont déjà prévu de publier la suite des aventures du procureur Teodore Szacki).

Bordel, pourquoi personne ne veut comprendre à quoi ressemblait vraiment la Pologne de l’époque ? Je vais te dire, c’était un système totalitaire fondé sur l’asservissement et la répression des citoyens par tous les moyens disponibles. Un système où le dernier mot revenait toujours à l’appareil de la terreur, et tant pis si ça sonne pathétique. L’appareil de la terreur, c’est-à-dire des services secrets qui espionnaient tout le monde, prêts à intervenir à chaque instant. Putain ! -Wenzel s’emportait visiblement- Tu ne comprends pas qu’ils veulent que tu croies ce que racontent les films du style L’Ours ou un Brun le soir ? Ce n’est pas étonnant. Dans ces films, on ne parle ni des prisons, ni des accidents, ni des disparitions. Les impliqués - Zygmunt MILOSZEWSKI