En haut !

Crimes et jardins : un parfum suranné si envoûtant

[Carozine dévore le roman Crimes et jardins - Pablo DE SANTIS]

15 Juin 2014

Il est de ces auteurs que je suis (du verbe suivre, n'est-il pas, docteur Watson... le "être" n'est pas franchement à l'heure du jour) avec délice et Pablo de Santis en fait partie ; il était donc de mon devoir d’entrer en possession de son dernier roman : Crimes et jardins (toujours aux éditions Métailié). Entre ces pages, nous respirons une Argentine désuète aux odeurs de poussière, en cette fin de XIXe siècle où le sel se fait remplacer par les réfrigérateurs et où l’électricité connaît ses heures de gloire. Crimes et jardins reprend un personnage déjà entrevu dans Le cercle des Douze (que je n’ai absolument pas lu, mais dans lequel je me plongerai peut-être ; cette digression pour dire qu’il n’est pas nécessaire d’avoir lu ce précédent roman pour s’imprégner -et comprendre- Crimes et jardins… quelle bonne nouvelle) : Sigmundo Salvatrio. Mais il est plus que temps de plonger dans le Buenos Aires de 1894, à la suite de notre détective un brin maladroit mais si attachant.

Crimes et jardins : un drame fondateur et des botanistes dessoudés

Crimes et jardins - Pablo DE SANTIS [Ed. Métailié]
A la mort de son mentor, dont il a repris le cabinet de détective privé, le jeune Sigmundo Salvatrio se voit confier une enquête par un poète fantasque et illuminé, Jeronimo Serguí : l’un des membres d’un club, n’ayant finalement jamais vu le jour mais partageant la même passion pour les jardins, a disparu. Le fait est que cette partie de l’enquête sera achevée en deux temps trois mouvements par le jeune détective : l’homme sera retrouvé noyé dans le puits de son jardin, une statue de Narcisse entre les mains. Rapidement, Salvatrio se détourne de la piste des antiquités (et, dans Crimes et jardins, les antiquaires n’ont strictement rien à voir avec les vampires de la Soif primordiale) pour se concentrer sur ces passionnés de jardins, dont la présence de la sublime Irène, fille du seigneur du sel et membre du club, semble illuminer les inspirations botaniques. Mais les morts mythologiques s’accumulent, de même que les grains de sel répandus sur les lieux des crimes : le jardinier amoureux est-il coupable du drame dans lequel puise le meurtrier pour réclamer vengeance ? Salvatrio parviendra-t-il à faire la lumière sur ces meurtres, alors que deux autres membres du Cercle des Douze (groupement de détectives en herbe) viennent tourner autour de lui tels des vautours ? Et qu’en est-il de cet hôtel des suicidés où les boutons disparaissent étrangement ?

- Oubliez les symboles. Ca n’a rien à voir avec Ranier. C’est tombé sur lui comme ça aurait pu tomber sur n’importe qui.
- N’importe qui ?
Il me murmura :
- Nous sommes tous en danger.
- Tous ? Mais qui ?
- Nous autres qui méditons sur les jardins.
- Mme Ranier aussi m’a parlé de jardins.
- Mais elle n’y connait rien. Elle regarde la vie de l’extérieur, à travers une vitre embuée. Si on la laissait entrer, elle ne saurait comment vivre. Elle est dans le commerce des antiquités parce qu’elle est elle-même une antiquité. Sa vocation a toujours été le veuvage, la couleur noire, la solitude ; maintenant, elle peut enfin accomplir son destin. Crimes et jardins - Pablo DE SANTIS

Crimes et jardins : intrigues qui se (dé)nouent et poussière dévorante

Crimes et jardins - Pablo DE SANTIS
Comme toujours avec Pablo de Santis, c’est d’abord l’atmosphère qui envoûte le lecteur : il se dégage de Crimes et jardins une forte odeur de poussière et de fleurs sur le point d’éclore ; on évolue entre statues détournées et jardins à l’abandon. Puis, l’intrigue s’intensifie et nous harponne pour nous conduire, haletant, jusqu’aux dernières lettres. Au gré des pages de Crimes et jardins, Pablo de Santis mêle habilement intrigue principale et intrigues secondaires : on se perd avec délice dans les jardins de l’Atlantide, on aborde avec plaisir les avancées tâtonnantes de Salvatrio et on s’interroge avec délectation sur les significations de ces crimes en provenance directe de la mythologie. Il y a, évidemment, une belle femme dont Salvatrio doit disputer les faveurs avec son ennemi mais surtout, il y a des hommes suspects et peu enclins à dévoiler leurs secrets parfois bien sombres. Crimes et jardins est un roman où les chemins se croisent au gré du hasard, où les détectives hésitent, doutent et se trompent, emportés par leurs sentiments : plus que jamais, Pablo de Santis parvient à rendre humain et palpable son héros ingénu, à créer sous son écriture enlevée et délicate une atmosphère particulière, surannée et envoûtante, à dévoiler les mystères de l’âme humaine à travers des jardins aux styles bien différents. Il se dégage de Crimes et jardins un parfum d’érudition, de simplicité déjouée par des rebondissements complexes et de mystère enivrant.

Je lui montrai le laboratoire souterrain, avec ses livres, loupes, longues-vues, alambics et microscopes enveloppés de toiles d’araignée. Moi, qui ne possédais rien, je montrais mes possessions, et plus je montrais, plus je sentais que c’était un musée poussiéreux, que tout cela était loin de la vie. C’était comme si moi aussi je voyais les choses pour la première fois, comme si je découvrais que ce que j’avais pris pour des objets magiques n’étaient que des choses banales et usées. J’embrassai Greta à l’improviste, mais ce ne fut pas à l’improviste pour elle, qui savait ce qui advient quand un homme reste silencieux. Crimes et jardins - Pablo DE SANTIS

Les détails du livre

Crimes et jardins

Auteur : Pablo DE SANTIS
Editeur : Métailié
Prix : 20 €
Nombre de pages : 261
Parution : mars 2014

Acheter le livre


Crimes et jardins

15 juin 2014

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

Autres lectures de Carozine : Obsessions : anecdotes et réflexions décalées

. . Caroline D.