En haut !

L'ami du défunt : retour à la littérature soviétique... d'une autre époque

[Critique du roman L'ami du défunt de Andreï Kourkov]

7 Nov. 2012

Carozine lit : l'ami du défunt de Andrei Kourkov
Cela faisait un bail que je ne m'étais pas plongée dans un livre du déjanté Andreï Kourkov (l'auteur, ukrainien de son état, du délirant Pingouin, une histoire rocambolesque impliquant un pingouin et une baignoire... ceci est d'une logique imparable Docteur Watson), alors, quand j'ai aperçu L'ami du défunt sur une table de ma librairie, me tendant les bras et réclamant impérieusement que je m'empare de lui, je n'ai pas hésité une seule seconde et j'ai ajouté cette couverture pourvue d'un soviétique joufflu doté d'un bonnet improbable (un verre à la main, normal ; toutefois, contre toute attente le verre en question n'est pas un verre de vodka... les images d'Epinal ont la vie dure !) à ma pile de livres (juste au-dessus de La saga des émigrants 2 : La traversée ; voyez-vous, il faut bien s'occuper quand on prend le train). Et je ne fus pas déçue ! L'ami du défunt reste dans la même veine que les autres romans incongrus d'Andreï Kourkov et cela est proprement réjouissant. Place donc aux aventures de Tolia, sans emploi et sans occupation particulièrement folichonne, qui décrète un beau jour, entre deux bouteilles de vodka bien fraîche, que, vraiment, la vie est plutôt surestimée et qu'il pourrait être flatteur de mourir dans la fleur de l'âge.

L'ami du défunt : il n'y a pas que les Finlandais à se gausser de la mort

L'ami du défunt - Andreï KOURKOV [Ed. Liana Levi piccolo]
Il faut bien l'avouer, les auteurs nordiques (dont Arto Paasilinna) sont les rois quand il s'agit d'aborder le tragique thème du suicide et le tourner en dérision. Et pourtant ! Andreï Kourkov prouve que les Ukrainiens ne sont pas en reste quand il faut prendre l'humour par les cornes et se rire de tout, et surtout de l'ancien régime soviétique. En voiture, Simone ! Je vous conduis à travers les péripéties de Tolia, chômeur de son état et fichtrement dépressif. Et que faire à Kiev quand vous êtes las de la vie, que votre couple bat sérieusement de l'aile (et pour cause, votre femme découche régulièrement) et qu'il vous manque une certaine pulsion suicidaire ? Fomenter votre assassinat, pardi ! Les tueurs à gages étant diablement à la mode dans ces ex pays soviétiques, il n'y a rien de plus simple que de supprimer votre vie, sans avoir à vous salir les mains. Une photographie récente (eh oui ! si vous donnez à votre tueur professionnel une photographie de votre mariage, 10 ans auparavant, alors que vous étiez svelte et sans cerne, vous prenez le risque que votre tueur à gages ne supprime la mauvaise personne) ; quelques tuyaux sur vos lieux favoris et le tour est joué... Mais rien n'est aussi simple ! Tolia l'apprendra à ses dépens. Un anniversaire à fêter, un café qui ferme plus tôt que prévu et Tolia se retrouve pris dans l'engrenage de la vie, à jouer les témoins dans une affaire de divorce, à tomber amoureux d'une prostituée, à reprendre goût à la vie... avec un tueur à gages à ses trousses. Nom d'un petit bonhomme en mousse, mais que faire ? Une seule solution s'offre à Tolia : embaucher un vétéran de la guerre d'Afghanistan pour en découdre avec le tueur à gages un peu trop consciencieux chargé de supprimer Tolia.

Ces réflexions me guidaient vers une idée qui tambourinait déjà depuis longtemps à la porte de mon cerveau. Je cherchais une issue à l'impasse de mon existence. Mais je la cherchais surtout dans mon imagination. Et voilà que l'issue apparaissait clairement, qui permettrait de sortir non seulement de ma situation mais de la vie tout court. J'avais trop d'amour-propre pour faire un bon suicidé, mais le rôle de victime m'irait comme un gant. Un bel exemple d'injustice du destin, un homme intelligent dans la fleur de sa force et de ses capacités, assassiné par un tueur à gages !L'ami du défunt - Andreï Kourkov

L'ami du défunt : déjanté juste ce qu'il faut

L'ami du défunt - Andreï KOURKOV
La magie Andreï Kourkov opère de nouveau ! L'ami du défunt est dans la digne lignée de ces précédents romans et tout aussi incisif... truculent, j'oserais même dire ! Les inénarrables aventures de Tolia nous plongent dans une Ukraine (et plus largement dans les anciens pays du bloc soviétique que l'on me décrivait si longuement en cours de russe à travers les petites histoires de Micha qui prenait le taxi, se promenait dans le parc et dont le lait était dans le réfrigérateur, ou, pour être plus exacte, que mon professeur postillonnant utilisait comme base pour divaguer sur l'histoire soviétique, les magasins d'Etat et autres cartes militaires qui trompaient les pauvres âmes ayant fait l'erreur de les acheter en modifiant les noms de certains lieux afin d'éviter que les sataniques Etats-Unis ne découvrent l'emplacement de leurs bases secrètes, mais je m'égare) méconnue, celle du petit peuple qui survit entre bouteilles de vodka et hivers rigoureux. Andreï Kourkov, avec L'ami du défunt, nous parle des combines et autres entourloupettes, de l'amitié et de l'entraide, le tout avec une sacrée rasade d'humour et de sarcasme. On prend plaisir à suivre les pérégrinations de notre pauvre Tolia, intoxiqué au café (et à la vodka) à cause de cette navrante histoire de tueur à gages.

Sur le Krechtchatik, j'ai compris la raison inconsciente de cette flânerie : il s'agissait de repérer des tuyaux pour Kostia. Lui dire où et quand il pourrait dénicher son futur client. Cependant, déterminer mes cafés préférés pour ensuite les fréquenter assidûment l'un après l'autre dans l'attente d'une balle dans le dos ou dans la nuque ne constituait pas une occupation très agréable. Je n'étais pas masochiste et il me fallait étudier une autre variante.L'ami du défunt - Andreï Kourkov

Les détails du livre

L'ami du défunt

Auteur : Andreï KOURKOV
Editeur : Liana Levi - collection Piccolo
Prix : 6.93 €
Nombre de pages : 125.
Parution : 7 mai 2012.

Acheter le livre


L'ami du
défunt

7 novembre 2012

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

Autres lectures de Carozine : Home, les années 50 made by Morrison

. . Caroline D.