En haut !

Le poids du coeur : retour dans un monde futuriste et sombre

[Carozine dévore le roman Le poids du coeur - Rosa MONTERO]

Carozine lit le roman Le poids du coeur - Rosa MONTERO
Les vacances de Noël ont au moins quelque chose de bon. Si, si. Et je ne parle pas du barbu ventripotent qui apporte des montagnes de cadeaux. Non. Je parle du trajet en train pour arriver à destination. Alors, évidemment, entre le départ tardif du dépôt (50mn de retard) et le train en panne (2h30 de retard), vous avez le temps de vous peler les miches sur les quais de la gare, traversés par un vent glacial et, comble de l’apothéose, arrosés par un petit crachin fort sympathique. Cependant, une fois installée dans le train, vous disposez d’un moment de tranquillité. Oui, oui. Même si votre grand-mère (que j’aime énormément, soit dit en passant) s’extasie sur le moindre petit clocher de village dont vous ne connaissez évidemment pas le nom pour son plus grand désarroi, à un moment, elle finira par ronfler. Et là, vous aurez la liberté de plonger dans votre roman : Le poids du coeur de Rosa Montero. À partir de ce moment-là, plus rien n’existera que le plaisir de retrouver Bruna Husky et cet univers si particulier que j’avais tant aimé dans le premier volume de Rosa Montero : Des larmes sous la pluie. Vous êtes prêt pour le grand dépaysement ?

Les humains sont de lents et lourds pachydermes, alors que les réplicants sont des tigres rapides et désespérés, pensa Bruna Huky, rongée d’impatience d’avoir à attendre dans la queue. Elle se rappela une fois encore la phrase d’un auteur d’autrefois que son ami archiviste avait un jour cité : « Les incessantes allées et venues du tigre devant les barreaux de sa cage pour ne pas laisser échapper l’unique et bref instant de son salut. » Bruna la connaissait par coeur parce qu’elle l’avait impressionnée : elle était ce tigre pris au piège dans la minuscule prison de sa vie. Le poids du coeur - Rosa MONTERO

Le poids du coeur : une réplicante de combat vs. le monde

Le poids du coeur - Rosa MONTERO [ed. Métailié]
Bruna Husky, pour ceux qui ne s’en souvienne pas, fait partie de la classe des « techno-humains » spécialisés dans le combat : elle est une réplicante de combat, créée par l’illustre entreprise TriTon. Il ne lui reste plus qu’un peu moins de quatre ans à vivre, avant que ne se déclenche sa maladie dégénératrice… ce dont elle a cruellement conscience grâce à (ou à cause de ?) son mémoriste, Pablo Nopal, qui a eu la riche idée de faire d’elle son dernier chef d’oeuvre, et qui lui a insufflé sa propre mémoire, ses propres émotions, la transformant en ce qui se rapproche le plus d’un humain. Bruna Husky, après son service obligatoire, est devenue détective privé. C’est dans ce cadre qu’elle a rencontré le charismatique inspecteur Paul Lizard… Aujourd’hui, Bruna Husky revient d’une mission très mal payée dans la Zone Zéro. Témoin de l’une des rébellions des habitants, qui tentent inlassablement d’escalader les frontières pour entrer dans la Zone Verte, non polluée, Bruna sauve une gamine russe d’une dizaine d’années : Gabi Orlov. Qui lui est aussi reconnaissante qu’une vieille chaussette de passer à la machine. Et pour cause, les humains n’ont généralement que mépris pour les « reps ». La petite Russe, placée sous la responsabilité de Bruna, présente des symptômes originaux : elle a été irradiée. Sauf que voilà. L’énergie nucléaire est censée avoir été bannie des États-Unis de la Terre depuis un paquet d’années. C’est d’autant plus étrange que le dossier de Gabi disparaît des archives. Et que penser de cette nouvelle affaire sur laquelle doit se pencher Bruna, un étrange diamant funéraire de pacotille dérobé dans une maison de grande valeur ?

Bruna entendit un son étouffé qu’elle crut identifier comme un rire contenu. Monstre, oui. Elle avait un peu parlé de Gabi au psychoguide juste pour l’entendre insinuer ce que la réplicante savait déjà d’elle-même : qu’elle était une imbécile, une créature aberrante avec un corps d’androïde et un esprit rempli par les souvenirs excessivement humains que son mémoriste lui avait fournis. De sorte qu’elle ne savait pas comment gérer ses émotions, ni son sentiment de culpabilité, ni sa satanée peine et sa violence. Le poids du coeur - Rosa MONTERO

Le poids du coeur : un roman d’anticipation foisonnant et haletant

Le poids du coeur - Rosa MONTERO [ed. Métailié]
J’ai été immensément ravie de retrouver Bruna Husky et le monde si particulier de Rosa Montero. Le poids du coeur nous replonge sans préambule dans cet avenir si sombre, si oppressant, si froid et pourtant si fascinant qui nous attend peut-être. Six mois se sont écoulés depuis notre dernière rencontre avec Bruna. Elle est toujours obsédée par le décompte des jours qu’il lui reste à vivre, et a entamé un tango sensuel et brutal, nourri d’une mutuelle incompréhension, avec Paul Lizard, tiraillée entre l’envie d’être avec lui et ses doutes… ce qui semble jouer sur son instinct généralement si sûr. Désemparée, Bruna Husky sent qu’elle perd le contrôle. Et cela la rend d’autant plus attachante. Car, oui, je suis emballée par cette héroïne atypique, brusque et forte, tout en ayant des failles. J’apprécie son caractère entier, son impulsivité, et cette oscillation entre technologie et humanité qui la rend si vulnérable. Ajoutez à cela que le monde créé par Rosa Montero est d’une richesse folle, et vous aurez un roman très difficile à lâcher. Le poids du coeur étoffe ce monde si captivant, nous en fait découvrir un nouveau, l’étrange terre flottante de Labari, avec ses castes et sa surprenante barbarie à peine masquée par une couche superficielle de spiritualité de bas étage. À travers les pages de son roman Le poids du coeur, Rosa Montero nous interroge sur notre avenir, ce que nous souhaitons faire de toute cette belle technologie qui, nécessairement, a un revers peu glorieux, ce que nous pensons laisser en héritage… en somme, Le poids du coeur nous titille sur la question de l’humanité même. Évidemment, les thématiques abordées ne sont pas visionnaires en soi ; elles sont déjà d’actualité (main-mise sur les médias, réfugiés, nucléaire, capitalisme effréné…) et traitées de manière un poil convenu, mais est-ce grave docteur ? (Ceci venant d’une lectrice ayant toujours beaucoup de mal avec le politiquement correct. Oui, je sais. Je suis un paradoxe ambulant.) D’une écriture déliée, fluide et rythmée, Rosa Montero nous emporte de le sillage passionnée de Bruna Husky, cumule les rebondissements (parfois moins inattendus que d’autres) en menant d’une poigne maîtrisée son intrigue qui, certes, s’intéresse plus au personnage de Bruna qu’à son enquête (qui a donc tendance à s’essouffler un peu). J’ai encore une fois été enivrée par les aventures de Bruna : Le poids du coeur est un coup de coeur et j’espère pouvoir me plonger, bientôt, dans de nouvelles aventures futuristes, car l’univers présenté par Rosa Montero est rudement bien construit.

—Eh bien, maintenant tu n’as plus ces fonctions-là ! Tu es en mode urgence ! Maintenant, la seule chose que tu dois faire, c’est veiller à ce que personne n’approche ou touche ce cadavre.
—Oui, inspecteur Lizard. Compris.
Alors, l’automate fit une chose très étrange. Il décrivit un tour sur lui-même et ensuite un deuxième. Il s’arrêta à nouveau devant le policier :
—S’il te plaît, inspecteur Lizard, qu’est-ce que c’est, un cadavre ?
Le seul être innocent qui restait dans ce monde devait être ce tas de ferraille, pensa mélancoliquement Bruna Husky. Le poids du coeur - Rosa MONTERO

Les détails du livre

Le poids du coeur

Auteur : Rosa MONTERO
Traducteur : Myriam CHIROUSSE
Titre original : El peso del corazón
Éditeur : Métailié
Prix : 22 €
Nombre de pages :
Parution :

Acheter le livre


Le poids du coeur

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

Autres lectures de Carozine : Les quatre saisons, tome 1, Passé parfait : polar sensuel sous le soleil hivernal de Cuba.

. 27 December 2016. Caroline D.