19
Fév.
2017
De feu et de neige : l’âme russe six pieds sous terre
[Carozine découvre le roman jeunesse De feu et de neige - Anne-Marie POL - dès 11 ans]
Alors que ma pâte à gaufres repose gentiment et que mon ventre crie famine pendant ce temps, je me dis qu’il serait peut-être temps de vous parler de ma dernière lecture jeunesse en date : De feu et de neige : Journal d'une jeune Française en Russie, de Anne-Marie Pol. Bon. Le souci est que ce roman fut loin d’être un coup de coeur et que j’ai toujours l’impression d’être une ourse réveillée en pleine hibernation par un cor de chasse quand j’endosse le rôle de la mauvaise coucheuse qui n’a pas apprécié un roman, mais bon. Donc voilà. Aujourd’hui, nous plongeons nos doigts de pieds gelés dans des bottes fourrées et nous filons vers Moscou, pour découvrir ce que le roman De feu et de neige : Journal d'une jeune Française en Russie nous réserve.
Cette nuit-là, tout a changé pour moi, Félicité…
Elle se réveille en sursaut.
Il fait si noir que, couchée derrière les rideaux de son lit, à l’entresol de la grande maison Golovine, elle a l’impression de se trouver au fond d’un puits.
Et elle comprend ce qui l’a tirée du sommeil : un fracas de sabot crépite, tout près, dans la rue, couvrant à demi la voix hurlée d’un homme, puis s’éloigne, suivi par un aboiement furieux qui, soudain, se tait…
Alors là, malgré ses seize ans, Félicité a peur. De feu et de neige - Anne-Marie POL
De feu et de neige : une Française russe dans la tourmente de la guerre
Nous sommes en 1812, Moscou se couvre de neige et Napoléon Bonaparte se rapproche dangereusement de la ville. Alors que la campagne de notre célèbre Ogre corse bat son plein, Félicité d’Autin, seize ans, n’a d’yeux (et de pensées) que pour Fédor Vladimirovitch Golovine, le fils de la Comtesse Golovina, sous la protection de laquelle sont placées Félicité et sa mère, Julie d’Autin. Comédienne française, Julie d’Autin (qui a vécu la Révolution, comme elle le répète si souvent) est devenue la lectrice en français de la Comtesse après avoir quitté la France, cinq ans auparavant. Si sa mère oscille toujours entre sa mère-patrie et sa patrie d’adoption, les sentiments de Félicité, en revanche, semblent limpides : elle aime Fedor et donc son coeur appartient à la Russie. Mais tandis qu’elle répète la célèbre pièce de Marivaux, Fedor, lui, ne pense qu’à s’engager. Les troupes de Napoléon ne sont plus qu’à quelques kilomètres de la ville quand la Comtesse fuit vers sa résidence d’été, laissant les deux Françaises sans sauf-conduit derrière elle…
Pourquoi ai-je crié ainsi ? Je suis incapable de me l’expliquer. Je savais quel torrent de sang avait coulé sous les pas de cet homme, et malgré tout, quelque chose me poussait vers lui ; était-ce le souvenir de mon père ? Sans doute. Celui-ci l’avait suivi et admiré. Soudain, je le comprenais. Mon père avait eu raison. Il y avait en Napoléon Bonaparte quelque chose qui forçait le respect. Il a tourné la tête vers moi, une seconde ; nos yeux se sont croisés. J’ai rougi. Et, baissant les miens, je me suis dit : j’ai regardé l’Aigle en face. De feu et de neige - Anne-Marie POL
De feu et de neige : un roman à la passion plutôt étouffée
Les choses commençaient plutôt bien avec le prologue du roman De feu et de neige : Journal d'une jeune Française en Russie : l’auteur nous y informe que, lors d’un vide-grenier, elle a déniché un sac en léopard vert, au fond duquel était niché le journal intime d’une Française russe d’adoption : Félicité d’Autin. Quoi de plus follement romanesque comme contexte. On s'y croirait. Sauf que voilà. Les choses se gâtent ensuite. Anne-Marie Pol a pris le parti de mélanger des fragments du journal à sa narration, ce qui aurait pu bien se passer s’il n’y avait pas eu une si grande disparité entre la langue de la narration et celle du journal, souvent bien plus mélodieuse et fluide que la narration, parfois simplette. Mais ce que je reproche surtout au roman De feu et de neige : Journal d'une jeune Française en Russie est de manquer d’envergure. Son héroïne est superficielle (voire un peu quiche) et, même dans la tourmente, elle ne trouve pas cette dimension romanesque que l’on aurait souhaité lui voir. Courageuse, oui. Avec un soupçon de caractère, oui. Mais du charisme, non. Et c’est bien dommage. N’est pas Anna Karénine qui veut, certes, mais tout de même. Et, oui, De feu et de neige : Journal d'une jeune Française en Russie manque singulièrement de ce souffle romanesque qui fait les grands romans, bien que la dernière partie soit plus intense et bouillonnante car en plein coeur de l’Histoire et de la tourmente. L’âme russe y semble bien fade et à mille lieues du feu que l’on nous promet dans le titre. Et c’est d’autant plus dommage que, depuis le temps, on le sait : il n’y a pas plus brûlant que l’âme russe quand elle est bien traitée.
Existait-il à Moscou un endroit qui ne fut point l’Enfer ? Non ! Sous le ciel couleur de soufre et de sang parcouru par des fumées noires, Moscou toute entière était l’Enfer même. Tel le souffle de Satan, l’haleine de l’incendie nous brûlait le visage.
Et nous courions comme des bêtes dans une forêt en flammes. De feu et de neige - Anne-Marie POL
Les détails du livre
De feu et de neige
Auteur : Anne-Marie POL
Éditeur : Nathan
Prix : 15,95 €
Nombre de pages : 300
Parution : 9 février 2017
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
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