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Marguerite : film surprenant sur une cantatrice émouvante

[Carozine se délecte au cinéma devant le film Marguerite, de Xavier GIANNOLI]

3 Oct. 2015

Carozine regarde le film Marguerite
AaaaAA HA-HA-HA-HA-HA-HA-aaaaaah AaaAA HA-HA-HA-HA-HA-HA-aaaaaah AaaAA HA-HA-HA-oh-HA-HA-HA-oh-HIIIIIIIIiiiiiiiiiiiiiiiiiiii… voilà ce que rendrait, à peu de choses près, le célèbre air de la Reine de la Nuit, dans la Flûte Enchantée du non moins célèbre Mozart si la cantatrice venait à faire une fausse note (et massacrait Mozart, tout bonnement). Et encore, avec une seule fausse note, Marguerite sans tirerait plutôt bien. Mais non. Les fausses notes, elle les enchaîne, elle les cultive avec verve et les égrène avec conviction. Marguerite ? Oui, oui. La cantatrice qui sonnait faux s’appelait en fait Florence Foster Jenkins, cependant le film ayant été tiré de sa vie et de ses performances mémorables n’est autre que Marguerite. Et je ne peux résister au plaisir de faire écouter l’originale cantatrice (dont l’admirable Catherine Frot se rapproche férocement et délectablement, mais nous y reviendrons) :

La cantatrice qui sonne faux et a inspiré le film Marguerite
Marguerite, de Xavier GIANNOLI, avec Catherine FROT, divine dans le rôle de la cantatrice casserole, Marguerite Dumont

Marguerite : une cantatrice casserole ; un mari hypocrite et un serviteur dévoué

Marguerite, film inspiré d'une histoire vraie
Par une resplendissante journée de 1920, la fortunée baronne Marguerite Dumont s’apprête à donner un récital devant un parterre d’amis triés sur le volet par un mari étonnamment absent, prenant le temps d’une pause cigarette, avant de carrément saboter son moteur, alors que sa femme déplume un paon pour en orner son front, car elle s’apprête à passer sur scène. Justement, devant l’orchestre se tient une ravissante et jeune chanteuse venue remplacer au pied levé une malade ; sa voix s’élève et émeut (autant que sa beauté) le nonchalant et franchement cynique Lucien Beaumont, critique musical. Et, soudain, la cantatrice tant attendue fait son entrée, plume de paon voletant au-dessus de sa tête, et s’installe dans un silence fracassant… elle entonne alors avec entrain l’air de la Reine de la Nuit, avec autant de justesse qu’une casserole rouillée ou qu’une bicyclette ne roulant plus droit. Le silence se fait embarrassé, tandis que des sourires narquois s’installent sur les visages. Mais la cantatrice casserole, Marguerite Dumont, ne voit rien, tant elle est absorbée par son récital. D’autant que son mari, arrivant en fin de chant, évite soigneusement de lui exposer la navrante vérité (de même que l’ensemble de la maisonnée, d’ailleurs) : madame chante effroyablement faux. Et le fidèle serviteur, Madelbos, s’acharne à ôter les pages assassines des journaux, tout en envoyant des bouquets d’admirateurs inexistants à une maîtresse dont il est amoureux. L’un des amis de Lucien Beaumont, un poète anarchiste vitupérant (Kyrill Von Priest), tombe en extase devant cette cantatrice fortunée chantant plus faux que quiconque mettant du coeur à l’ouvrage sous la douche… et sent la cruche à ferrer. S’il y a de l’argent à se faire sur le dos de la cantatrice qui sonne faux, pourquoi se gêner !

Marguerite, avec l'espiègle Michel Fau, dans le rôle du profeseur un poil dépassé par la voix de sa cantatrice

Marguerite : un film qui sonne juste et une actrice diablement émouvante

Marguerite, film de Xavier GIANNOLI
Marguerite est avant tout l’histoire d’une femme passionnée de musique et d’opéra, vivant sa passion avec force, mais considérée de tous comme un portefeuille ambulant. Et comment dire la vérité à une mécène adorable qui chante si faux ? L’hypocrisie aidant, l’entourage de Marguerite, qu’il s’agisse de son mari, de ses employés de maison, de son professeur de chant ou de ses nouvelles connaissances, n’osera piper mot sur les terribles couacs de la cantatrice en herbe qui voit les choses en grand. D’une histoire de mensonges finalement banale, Xavier Giannoli tire un film tendre et émouvant, sur cette cantatrice en manque d’amour face à un mari qui ne lui prête que peu d’attention. Catherine Frot est simplement admirable dans ce rôle oscillant entre le grotesque et le désespoir ; elle parvient à doser avec justesse le ridicule et l’émotion, la souffrance d’être transparente aux yeux d’un mari qui est toute sa vie, et les chants, forcément cocasses, où elle endosse parfaitement le rôle de la cantatrice casserole qui vit ses personnages avec intensité. Marguerite est un film doux-amer, à l’intrigue pas si légère ni si superficielle, emportée par une admirable Catherine Frot (mais n’oublions pas également le cabotin Michel Fau, en professeur dépassé, ou encore André Marcon, tout en intériorité pour le rôle du mari)… Marguerite convaincante, cherchant désespérément à être elle-même malgré les quolibets, les frasques d’un mari volage (ou son inattention), le regard (pas si) bienveillant de son éternel serviteur. Marguerite nous émeut avec ses chants plein de conviction, entiers et si intègres, qu’on en espère même qu’elle en vienne à caser une note juste. Et que deviendra-t-elle, cette cantatrice dont l’entourage s’entête à masquer les fausses notes, si l’art qui la fait vivre et la passionne tant ne lui rend que rires moqueurs et voix de crécerelle ? En attendant, elle est touchante, attachante et affreusement tragique, cette Marguerite pas si insignifiante qui se cherche et tatonne tant pour être aimée.

Marguerite, film signé Xavier GIANNOLI, avec Catherine FROT
Bande-annonce du film Marguerite (et, en comparaison avec la cantatrice originale, on ne peut qu'admirer le travail de Catherine FROT sur le faux !!)
Marguerite, film signé Xavier GIANNOLI, avec Catherine FROT

Les détails

Petits secrets de Marguerite

Scénariste : Xavier GIANNOLI
Marguerite Dumont : Catherine FROT
Georges Dumont : André MARCON
Atos Pezzini : Michel FAU
Madelbos : Denis MPUNGA
Lucien Beaumont : Sylvain DIEUAIDE.

Le 3 octobre 2015

I am not devoid of humour

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. . Caroline D.