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Yeruldelgger : un polar qui sublime le genre

[Carozine dévore le polar Yeruldelgger - Ian MANOOK]

6 Juin 2014

Le dernier livre de cette sélection du jury littéraire ELLE (et peut-être le dernier avant le verdict final, d’ailleurs… mais si tel est le cas, je suis absolument ravie d'avoir terminé par Yeruldelgger) est une pépite, un polar qui sublime le genre du roman noir : Yeruldelgger de Ian Manook. Pour ceux qui n’auraient pas entendu parlé du monsieur, disons que ce n’est pas vraiment étonnant : 1) parce que le polar Yeruldelgger est son premier roman mais surtout parce que 2) Ian Manook nous vient tout droit de Mongolie et que bon, pour être honnête, qui connait des auteurs mongoles ?! (bon, allez, il est temps de rétablir la vérité : Ian Manook n'est autre que Patrick Manoukian, frère du monsieur du même nom, et Meudon, ville ayant vu sa naissance, n'est pas tout à fait située sur le territoire mongole, mais ne chipotons pas.) Et pour ne rien gâcher à la chose, il semblerait que l’écrivain Ian Manook ait de l’humour à revendre si l’on en juge par ses 10 raisons de ne pas le lire. Mais revenons au plus important : Yeruldelgger est un polar qui dépote, vous emporte avec ardeur des steppes de Mongolie aux bas-fonds d’Oulan-Bator (à ne pas confondre avec Albator, tout de même, mais les ressemblances phonétiques sont parfois tentantes)… mais pour lequel il faut avoir le coeur bien accroché.

Yeruldelgger : âmes sensibles s’abstenir

Yeruldelgger - Ian MANOOK [Ed. Albin Michel]
Par une belle journée ensoleillée, le commissaire Yeruldelgger Khaltar Guichyguinnkhen (oui, il semblerait que Yeruldelgger n’était pas suffisamment imprononçable en soi) découvre le cadavre d’une petite fille et son tricycle rose, ensevelis dans les steppes mongoles. Et, s’il espérait pouvoir se débarrasser de l’affaire pour s’occuper du massacre de Chinois ayant eu lieu à Oulan-Bator (comble du glauque, les trois Chinois assassinés ont été positionnés dans une mise en scène plutôt peu conventionnelle… et c’est le moins que l’on puisse dire), Yeruldelgger ne pourra pas vraiment céder à cette velléité : un grand-père mongole lui a formellement remis l’âme de la petite. Yeruldelgger, un commissaire salement abîmé par la vie et que son adolescente de fille s’amuse à faire souffrir (histoire de diriger sur lui la haine qui l’assaille), devra donc dénouer les liens imperceptiblement tendus entre ces deux affaires, tout en déjouant les hypocrisies de son supérieur hiérarchique, un Mongole américanisé et peu charitablement surnommé Mickey par ses collègues, mais surtout en évitant de tomber dans les pièges tendus par des flics véreux. Un joli programme, en quelques sortes.

L’homme qu’elle admirait était un roc, et elle avait vu la pierre se fendre et Yeruldelgger se vider de son sable pour n’être plus qu’un plâtre creux. Il était là, devant elle, en larmes, et son silence était d’une telle violence que dix ans après, le soir quand elle y repensait, il résonnait encore. Yeruldelgger - Ian MANOOK

Yeruldelgger : pour découvrir la Mongolie de Gengis Khan sous un autre jour

Ian MANOOK, auteur de Yeruldelgger
Autant l’avouer tout de suite, je n’avais de la Mongolie qu’une placide et bucolique image de steppes arides, de yourtes et de chevaux à l’état sauvage ; autant dire qu’Ian Manook aura vite fait de remettre en place les illusions dont je me berçais. En quelques pages seulement, Yeruldelgger dépeint une Mongolie qui oscille entre traditions (pour ne pas dire culture centenaire) et développement à outrance, laissant sur le bord de ses égouts putrides les âmes pas suffisamment solides. Yeruldelgger réussit la prouesse de nous livrer une partie de la sagesse immémoriale d’un peuple réduit au silence, de nous faire explorer les steppes (loin d’être arides) de ce pays semblant ne pas bien savoir dans quelle direction aller, et de nous dévoiler ce dont on se doutait finalement : le mal habite chaque personne de cette pauvre planète et la Mongolie n’y échappe pas. Entre un commissaire au caractère bien trempé et au sombre passé, un beau-père magnat tout puissant, des flics corrompus jusqu’à la moelle, des Chinois et des Coréens n’ayant aucun savoir vivre et se comportant en propriétaires d’un pays ayant pourtant sa propre souveraineté, ou encore un monastère formant des moines guerriers qui mettraient en déroute une armée de soldats surentraînés, Yeruldelgger possède tous les ingrédients pour faire un excellent polar. Ian Manook signe une oeuvre vibrante, sombre et malgré tout lumineuse, aussi changeante et complexe que l’âme humaine. Yeruldelgger est un polar intelligent et intense, emporté d’une plume fluide : une petite merveille à déguster sans attendre (mais les plus sensibles pourront éventuellement se souvenir que sauter certains passages ne leur fera pas de mal, bien au contraire car Ian Manook sait donner dans le noir bien corsé).

(…) si tu as de l’amour à donner, il y a des enfants abandonnés partout, et des hommes seuls aussi. Pourquoi faut-il que nous finissions tous brisés par ces vies sans but ! Nous avions des espaces immenses, des coutumes et des légendes séculaires, et regarde ce que nous sommes devenus. Yeruldelgger - Ian MANOOK

Les détails du livre

Yeruldelgger

Auteur : Ian MANOOK
Editeur : Albin Michel
Prix : 22 €
Nombre de pages : 542
Parution : août 2013

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Yeruldelgger

6 juin 2014

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

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. . Caroline D.