Un avion sans elle : un roman brillant et machiavélique
[Carozine dévore le roman Un avion sans elle - Michel BUSSI]29 Avr. 2015
Décidément, les derniers jours auront été chargés en lecture ! Que voulez-vous… on ne se refait pas, paraît-il (surtout quand on n’en a aucunement envie !). Voici donc la lecture du week-end dernier, en attendant de vous faire part du livre qui m'accompagne depuis lundi (et qui a été interromou par un concert, mais ceci un autre et vaste sujet !)... Par les temps qui courent, les avions qui s’écroulent sur les montagnes ou disparaissent de la circulation, je me suis dit qu’il serait vivifiant de me plonger dans le roman de Michel Bussi : Un avion sans elle dont le sujet est, tout bonnement, le crash d’un avion dans le massif montagneux du Jura, sur le Mont Terrible. D’actualité, non ?! A quelques kilomètres près. Trêve de cynisme, passons au palpitant roman que Michel Bussi a tiré des drames aériens car Un avion sans elle est une petite merveille de manipulation et une lecture délectable.
Vous savez tout, désormais.
Crédule Grand-Duc leva son stylo et son regard se perdit en face, dans l’eau claire de l’immense vivarium. Ses yeux suivirent quelques instants le vol désespéré de la libellule arlequin qui lui avait coûté près de deux-mille cinq cent francs moins de trois semaines auparavant. Une espèce rare, l’une des plus grandes au monde par la taille, réplique exacte de son ancêtre préhistorique. Un avion sans elle - Michel BUSSI
Un avion sans elle : un crash et un nourrisson miraculé
Par une belle soirée hivernale ravagée d’une tempête de neige, l’Airbus 5403 Istanbul-Paris dégringole et se vautre dans la montagne jurassienne, sur le Mont Terrible. Quelques (longs) instants plus tard, les pompiers débarquent, fouillent les décombres calcinés et brûlants de l’avion et, ô surprise du drame aérien, découvrent un nourrisson de trois mois bien vivant, gardé au chaud par l’embrasement de la carlingue. Il s’agit d’une petite fille. En découvrant le drame et la miraculée, Léonce de Carville, riche et puissant industriel, déboule à l’hôpital et espère bien en repartir avec le bébé, qui n’est autre que sa petite-fille. Car oui, Léonce de Carville vient de perdre, dans cette tragédie, son fils unique ainsi que sa belle-fille, tous deux envoyés en Turquie pour y déployer l’entreprise familiale. Ironie du destin : ils avaient envoyé leur fille aînée, pour les vacances de Noël, une semaine plus tôt ; Malvina de Carville est donc, elle, saine et sauve, à l’abri de l’immense maison de ses grands-parents. Le nourrisson retrouvé sur les lieux du drame ne peut donc qu’être sa petite-fille, Lyse-Rose de Carville. Mais l’ironie pointe à nouveau le bout de son nez : un autre grand-père probable appelle l’hôpital. Il s’agit de Pierre Vitral, vendeur ambulant de frites et autres masses graisseuses que les gens adorent engouffrer. Son fils et sa belle-fille avaient gagné un voyage en Turquie ; ils s’étaient résolus à emporter leur fille de trois mois avec eux et avaient, là aussi, laissé à la charge des grands-parents le fils aîné, Marc Vitral. Nous nous retrouvons donc avec deux familles, les Vitral et les de Carville, persuadés de leur bon droit sur le bébé miraculé. La justice est chargée de l’affaire et doit donc décider de l’héritage génétique du nourrisson… manque de bol, l’ironie est toujours bien présente : les vêtements se trouvent partout en Turquie ; les yeux bleus sont un trait familial commun ; aucune des deux familles n’a vraiment pu voir le bébé alerte et l’on ne peut donc pas se fier à eux pour déterminer avec assurance que le nourrisson miraculé est bien de leur famille. Nous sommes en 1980 et les tests ADN ne sont pas encore l’apanage des forces de la justice. Néanmoins, le juge tranche en faveur des Vitral et leur confie Emilie, leur petite fille. Entre temps, la presse s’est emparée de l’histoire et a surnommé la miraculée Lylie, contraction des deux possibilités, la Libellule. Mathilde de Carville ne l’entend pas tout à fait de cette oreille : elle embauche un détective privé, Crédule Grand-Duc, afin de faire le jour sur la miraculée du crash et de savoir si oui ou non il s’agit d’Emilie… ou de Lyse-Rose. Pendant dix-huit ans, Crédule mènera l’enquête et Un avion sans elle en est le résultat, en 1998.
Je l’ai appris en travaillant sur cette affaire, la machine médiatique fonctionne comme une énorme boule de neige lancée sur une pente, que plus personne ne peut maîtriser. Si vous vous rappelez encore aujourd’hui l’affaire « Libellule », c’est sans doute ce moment-là dont vous vous souvenez, ces quelques semaines qui précédèrent le jugement. Entre février et mars 1981, à l’exception de la campagne présidentielle bien entendu, on ne parla plus que de cela. La France était coupée en deux. En gros, si je caricature, les riches contre les pauvres. Un avion sans elle - Michel BUSSI
Un avion sans elle : machiavélisme et manipulations en tout genre
En quelques pages seulement, Michel Bussi parvient à vous attraper et à vous retenir de force dans son subtil (et très intelligent) jeu de manipulation. Car, oui, il fera traîner la vérité mais saura vous retenir à chaque fois par de brillants détours. Le jour des dix-huit ans de Lylie, Crédule Grand-Duc décide de mettre fin à sa vie : il a perdu dix-huit années à chercher une vérité qu’il ne connait toujours pas ; il a mené une enquête qui ne mène à aucun résultat tangible et vient de livrer ses non conclusions dans un petit carnet, retraçant chaque voie suivie, chaque hésitation, chaque découverte. Et, histoire de s’amuser un peu, il a prévu une savante mise en scène : mourir sur la une du journal ayant fait sa une sur le drame, dix-huit ans plus tôt. Et là, un détail le frappe… Quel détail ? Et pourquoi son corps est-il retrouvé sans vie dans son bureau s’il avait réellement souhaité achever son enquête ? Qui aurait pu vouloir l’assassiner ? La furieuse Malvina qui a refusé de grandir car on l’a privée de sa soeur dont elle nie la mort ? Mathilde de Carville pour ne pas avoir à verser un nouveau centime au détective dont elle est peut-être la victime d’une extorsion ? Ah ! Voilà précisément où je voulais en venir avec mon jeu de manipulation : Michel Bussi multiplie les questionnements, titille nos certitudes, se joue de nos clichés sociaux (oui, parce que les pauvres sont forcément gentils et les riches méchants, c’est bien connu), dévoile les secrets peu reluisants, savoure la soif de manipulation de l’opinion publique pour obtenir gain de cause… Pour parler clairement, à chaque page de Un avion sans elle, Michel Bussi fait monter la sauce, alternant lecture du carnet de Grand-Duc et action éparpillée entre les différents protagonistes de cette enquête au long cours. Et, en trame de fond, cette question lancinante : qui est vraiment Lylie ? Avec brio, Michel Bussi évoque des thématiques sensibles, comme la destruction d’une vie ou d’une famille, les relations fraternelles, la part sombre qui sommeille en chacun de nous et que l’on peut choisir d’éveiller pour parvenir à ses fins… ou non. Avec une écriture alerte, Michel Bussi nous offre une intrigue fascinante et, surtout, des personnages bien travaillés, à la psychologie fine et complexe comme on les aime ! Un avion sans elle est un roman prenant et poignant, une merveille de machiavélisme dans laquelle on se laisse prendre avec joie car Michel Bussi tire les ficelles à la perfection.
Son esprit s’échappa à nouveau vers Malvina, le bras armé de sa vengeance. Il fallait bien qu’aujourd’hui quelqu’un défende les intérêts des Carville. Pourquoi pas Malvina, après tout ? Les choses allaient changer, dans les jours, les heures à venir. Maintenant que Lylie avait lu le cahier de Grand-Duc. Malvina n’était plus la seule bombe à retardement lâchée en pleine rue. Grand-Duc lui avait offert un cadeau d’anniversaire empoisonné. Le film de sa vie. Un avion sans elle - Michel BUSSI
Les détails du livre
Un avion sans elle
Auteur : Michel BUSSI
Editeur : Pocket
Prix : 7,70 €
Nombre de pages : 570
Parution : mars 2013
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
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