En haut !

Tout ce que je suis : Hitler et espionnage (ou presque)

[Carozine se délecte avec Tout ce que je suis - Anna FUNDER]

27 Sept. 2013

Le dernier livre auquel je me suis attelée pour cette sélection de septembre, dans le cadre du jury littéraire, était Tout ce que je suis de Anna Funder. Après en avoir lu le résumé, j'avais décidé de le lire en dernier, certaine d'être plutôt déçue par ce sujet, maintes et maintes fois utilisé, usé jusqu'à la corde : les Juifs et le moustachu virulent. Et, bien qu'il faille avoir la patience d'attendre de longues pages avant que l'histoire ne prenne réellement son envol (cependant, je m'étais promis de ne pas céder à la tentation du couperet de la page 100 et de lire jusqu'au bout les livres proposés dans le cadre du jury, je suis une élève studieuse et sérieuse, non mais des fois !) mais surtout que l'on soit bien loin de la puissance historique d'un Imre Kertész, il n'en reste pas moins que Tout ce que je suis fut une plutôt bonne surprise... si on se contente de la partie roman qui flirte allègrement avec l'espionnage (bon, on va tout de même éviter de comparer Anna Funder à John Le Carré, hein... là encore, on en est loin !).

Tout ce que je suis : quatre amis dans la tourmente de l'Histoire

Tout ce que je suis - Anna FUNDER [Ed. Héloïse d'Ormesson]
Il était une fois quatre personnages que tout aurait pu séparer mais qui sont, finalement, intimement liés. Ruth, effacée et austère, est la cousine de la courageuse et très volontaire Dora ; c'est dans son sillage qu'elle entre (et s'engage) dans la politique mais surtout qu'elle rencontre Hans, beauté virile et journaliste satirique de son état. Tel un satellite évoluant dans d'autres sphères, il y a également Ernst Toller, dramaturge dont l'engagement politique lui vaut quelques années de prison mais surtout d'être dans la ligne de mire du gouvernement hitlérien. Par une belle soirée, où il savoure sa récente libération en se rendant dans un théâtre, il y rencontre une Dora pétillante qui le subjugue et dont il ne parviendra jamais à se séparer, malgré des liens parfois distendus. Après une mise en garde par un groupe de soldats éructants, Hans et Ruth, jeunes mariés vivant dans le luxe d'un grand appartement à Berlin, sont contraints à l'exil et fuient à Londres… où ils seront très vite rejoints par Dora, qui a néanmoins, avant de s'évader, pris soin de mettre à l'abri quelques valises remplies des oeuvres tant recherchées de Toller. De l'étranger, le petit groupe espère bien faire entendre une voix dissonante sur les agissements du moustachu virulent et alerter la communauté internationale.

C'était tellement invraisemblable. Attrapant mon peignoir au vol, je le rejoignis au salon en semant tout un sillage de gouttes. La voix du présentateur tremblait d'excitation. "On nous a dit que le nouveau chancelier va faire une apparition cet après-midi, qu'il est là, à l'intérieur en ce moment même ! La foule attend. Quelques flocons commencent à tomber, mais personne ne fait mine de partir…" Le martèlement des slogans montait dans la rue, et derrière moi, la TSF en précisait les mots. "Le chan-ce-lier ! Le chan-ce-lier !" Le présentateur reprit : "… la porte du balcon s'ouvre - non, attendez - il s'agit d'un employé - mais, si ! Il installe un microphone sur la balustrade… Entendez-vous la foule ?…" Tout ce que je suis - Anna FUNDER

Tout ce que je suis : Histoire et espionnage

Anna FUNDER [auteur de Tout ce que je suis]
Anna Funder a pris le parti d'une chronologie éparse et franchement laborieuse à intégrer dans les débuts du roman. Tout ce que je suis se partage entre deux points de vue : celui de Ruth, centenaire vivant désormais en Australie, qui alterne entre présent (et légère culpabilisation du "pourquoi ai-je été sauvée") et plongeons parfois suffocants dans le passé ; et celui de Ernst Toller, enfermé dans une chambre d'hôtel à New-York, en 1939… tentant désespérément de donner vie sur le papier à Dora, à ces années d'exil et de militantisme. Tout ce que je suis est particulièrement lent à démarrer et n'offre pas la même puissance qu'un Etre sans destin, à travers lequel on sent tout une vie vibrer. Néanmoins, Tout ce que je suis trouve tout son sens et prend toute son ampleur dans l'aspect "roman" de la chose, quand l'Histoire sert de décor à un drame passionnant, à des vies dignes des romans d'espionnage. Car, dans cette vie d'exilés, les apparences sont souvent trompeuses et la confiance fréquemment mal placée par aveuglement ou envie de croire en un monde meilleur. Mais surtout Tout ce que je suis trouve sa puissance grâce à son personnage de Dora Fabian, entière dans chaque projet entamé, militante jusqu'au bout des ongles ; dotée d'une personnalité intègre, aux multiples facettes, elle sublime ce roman, probablement parce qu'elle est essentiellement dévoilée par les yeux d'un homme éperdument amoureux d'elle et d'une cousine admirative.

Et c'est là que ça me revient. Tout est encore là, en moi. Son père avait écrit une lettre à la directrice, Miss Blount : "Et qui est ce Goethe, d'ailleurs ? Il serait davantage dans l'intérêt des filles d'apprendre quelque chose d'utile, plutôt que ces cochonneries."
- Ca y est, je me souviens ! je m'exclame, toute heureuse. "Cochonneries", c'est le mot qu'il avait employé, n'est-ce pas ?
- J'en ai bien peur. Tout ce que je suis - Anna FUNDER

Les détails du livre

Tout ce que je suis

Auteur : Anna Funder
Editeur : Héloïse d'Ormesson
Prix : 23 €
Nombre de pages : 491
Parution : 18 mars 2013

Acheter le livre


Tout ce que
je suis

27 septembre 2013

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

Autres lectures de Carozine : Le linguiste était presque parfait : burlesque et polar

. . Caroline D.