Terre-Dragon - Le souffle des pierres : un premier volet intrigant

Nous revenons quelques instants à la littérature jeunesse, catégorie « juste avant qu’ils ne claquent les portes en ronchonnant », avec Terre-Dragon, le souffle des pierres, de Erik L’Homme. Personnellement, je n’avais absolument jamais entendu parler du monsieur, ceci étant Erik L’Homme est (très) loin d’être un inconnu dans le paysage de la littérature jeunesse puisqu’il a pondu une série A comme Association qui semble faire des ravages. Mais revenons à nos moutons de pierre : Terre-Dragon, le souffle des pierres nous fait découvrir un imaginaire puissant, peuplé de magie obscure et tribale, de mystérieux prêtres aux pouvoirs occultes et d’humour. Sans être aussi lyrique et fluide qu’un Philip Pullman (A la croisée des mondes pour les lecteurs qui se tiendraient résolument à l’écart du monde jeunesse) ou aussi facétieux qu’une J.K Rowling (non, je ne vous ferai pas l'affront de murmurer quel héros populaire elle a créé de sa plume), Terre-Dragon, le souffle des pierres se lit avec plaisir et intrigue suffisamment pour avoir envie de connaître la suite.

Terre-Dragon, le souffle des pierres : deux adolescents, une prophétie et un monde qui s’effrite

Il était une fois un royaume gouverné d’une main invisible et potentiellement fatiguée, Terre-Dragon, où cohabitent des tribus dans une paix toute relative. Sheylis, jeune apprentie sorcière élevée par sa grand-mère est chassée de chez elle, par une triste matinée : les villageois soupçonnent les sorcières et leurs pouvoirs, elle n’a pas d’autre choix que de fuir. Dans la tribu des Naatfarirs, Ægir, emprisonné depuis de longues années, attend patiemment son heure. Par une belle soirée, il parvient à s’enfuir, uniquement vêtu de sa peau d’ours. Inévitablement, les chemins des deux adolescents se croisent, dans des montagnes arides : pourchassés par leurs ennemis, ils unissent leurs destins… jusqu’à ce que Sheylis décrète que la Peau d’Ours, trop affaiblie, n’avance pas suffisamment vite. Elle l’abandonne après avoir tracé quelques symboles, chargés de le protéger, et fuit, laissant son compagnon d’infortune livré à la colère des villageois lancés à la poursuite de l’apprentie sorcière. Etrangement, Ægir se réveille quelques heures plus tard, incapable de se rappeler des événements l’ayant conduit à l’abri d’une forêt, où il sera recueilli par Doom-le-scalde, un jeune homme pitoyable musicien à ses heures perdues ayant décidé de parcourir le monde. Tous deux prennent le chemin de la ville d’Ayhun tandis que leur destinée se met inéluctablement en place. Mais qui est vraiment Ægir ?

- Mais qu’est-ce que c’est que ça ? s’écria Grimash-le-Tordu en lâchant Æegir et en reculant d’un pas.
Des cris se firent entendre dans la foule, qui reflua. Sous les yeux des habitants d’Ayhun, effarés, le garçon malingre qui avait pris la défense du vieux mendiant grandissait à vue d’oeil, au milieu d’horribles craquements d’os, de la plainte de chairs torturées et de grognements inhumains.
Doom, les yeux écarquillés, recula lui aussi, en rampant.
- Un Dakan ! hurla quelqu’un. Et il n’a pas de collier ! Terre-Dragon (tome 1) : Le souffle des pierres - Erik L'HOMME

Terre-Dragon, le souffle des pierres : un premier volet qui éveille l’appétit

Que les choses soient limpides : Terre-Dragon est une saga destinée à un jeune public (à partir de 10 ans)… ceci implique que l’écriture est accessible aux mouflets en bermuda et c’est précisément le gros point noir de Terre-Dragon, le souffle des pierres. Erik L’Homme adopte une écriture (trop) simple et structurée, loin de la fluidité d’autres romanciers jeunesse... mais dotée de bonnes rasades d’humour. En revanche, il campe un univers piochant dans l’Heroïc Fantasy qui est loin de déplaire : des paysages plein d’imagination, dont un fleuve métallique qui intrigue et fascine, des tribus aux territoires et aux règles bien définis et des sorciers aux pouvoirs occultes. Par ailleurs, Terre-Dragon, le souffle des pierres captive par ses personnages : tous ont des caractères bien trempés et sont agréables à suivre dans leurs pérégrinations, en particulier le vieux mendiant aveugle qui déborde de ressources et parvient régulièrement à clouer le bec du bavard Doom. Au gré des pages, Erik L’Homme titille la curiosité en distillant les pierres des prochains tomes de Terre-Dragon en mentionnant à la légère une prophétie, en implantant des ennemis dignes de ce nom (dont le farouche guerrier Ishkar, qui s’associe les pouvoirs d’un mage noir afin de remettre la main sur Ægir Peau-d’Ours) et en éveillant un ensemble de questions : que sont véritablement les Dakans ? Pourquoi Ægir se transforme-t-il aussi jeune ? Est-ce Sheylis, par ses pouvoirs tremblotants, qui est à l’origine de cette transformation ? Quelle est l’importance de ces deux adolescents pour la survie du royaume ? Verdict : Terre-Dragon, le souffle des pierres possède les ingrédients pour fasciner, mais il ne m’a pas transportée comme ont pu le faire d’autres oeuvres jeunesse. La puissance dramatique n’est pas tout à fait présente (mais devrait plutôt bien correspondre à un public des cours de récréation) ; en revanche, l’univers compense largement et j’espère que la suite de la saga approfondira les personnalités de ses héros. La structure du roman, découpé en chapitres centrés sur les différents protagonistes, permet une immersion intelligente. Une découverte plutôt sympathique qui devrait ravir les plus jeunes et leur permettre de mettre le nez dans l’Heroïc Fantasy.

Quand il était dans sa cage, une seule idée l’occupait : s’évader. Depuis son évasion, ses problèmes s’étaient multipliés.
L’avenir lui sembla tout à coup bien compliqué.
Il se pencha au-dessus de l’eau métallique et laissa son regard s’enfuir vers les reflets du ciel. Machinalement, sa main effleura la surface. Aussitôt, le liquide argenté grimpa le long de ses doigts et vint caresser sa paume. Ægir poussa un cri de surprise. Terre-Dragon (tome 1) : Le souffle des pierres - Erik L'HOMME