Nageur de rivière : back to the USA
[Carozine découvre le recueil de nouvelles Nageur de rivière - Jim HARRISON]
Cela faisait trop longtemps que je ne m’étais pas promenée au fin fond des États-Unis (la faute à Elena Ferrante qui m’a fait passer beaucoup de temps à Naples)… Heureusement, le Picabo River Book Club (pour la petite histoire, et pour ceux que cela intéresse vaguement, c’est le nouveau nom du club de lecture que j’avais rejoint pour les dix ans de la maison d’édition Gallmeister… il a évolué en club consacré à la lecture made in USA, bref !) m’a aidée à changer de rivages avec la lecture commune de juillet : Jim Harrison. Et que je n’entende personne marmonner qu’il est inconnu, c’est faux et archi-faux, même les novices le connaissent car il est l’auteur dont s’est inspiré le film Légendes d’automne. Voilà. Et là, toute une génération s’exclame « ah mais oui, mais c’est bien sûr ». (Et les filles, discrètement, poussent un soupir sur la beauté de Brad Pitt… à cet âge, je précise, car là, maintenant, ce n’est plus vraiment cela.) Pas si inconnu, donc. Sauf que, bizarrement, je ne l’avais jamais lu. Alors, je me suis dit, ma petite, tu ne vas tout de même pas te plonger dans le livre éponyme (du film, hein, suivez), sois un peu originale… et j’ai donc opté pour un recueil de deux nouvelles : Nageur de rivière. Paf. (Le chien.)
Clive se réveilla avant l’aube dans un motel d’Ypsilanti, dans le Michigan, convaincu que presque toutes les femmes de la planète avaient épousé un homme qui ne leur convenait pas. À soixante ans, il vivait en célibataire depuis vingt ans, mais son divorce était toujours la rupture la plus douloureuse de son existence. Il avait ensuite perdu le feu sacré, du moins le crut-il alors, et il renonça à peindre pour devenir professeur d’histoire de l’art, courtier, expert, homme à tout faire du monde de la culture. En fait, il avait laissé le temps brouiller les cartes et la rupture était loin d’être aussi claire. Nageur de rivière - Jim HARRISON
Nageur de rivière : deux nouvelles, deux personnages masculins en proie au désir
(entre autres)
La première nouvelle s’intitule Au pays du sans pareil et nous emmène à la rencontre de Clive, un sexagénaire contraint de retourner dans la maison familiale s’occuper de sa vieille mère, amatrice d’oiseaux, pendant que sa soeur part en vadrouille en Europe pendant un mois. Vingt ans après son divorce, Clive ne s’est toujours pas remis de cette rupture dont il est ressorti d’autant plus amer qu’elle coïncide également avec sa chute professionnelle. Le peintre qu’il était se retrouve à donner des conférences pour vivre… Le retour dans la maison familiale va l’aider à faire le point sur sa vie et à avancer.
La seconde nouvelle, titre du recueil, est donc, en toute logique, Nageur de rivière. Cette fois, nous y rencontrons Thad, beau jeune homme de dix-huit ans, qui a appris à nager dans la rivière qui longe la ferme familiale en même temps que de marcher, ou presque. Depuis, il ne peut se passer de l’eau… et le jour où il se trouve mêlé dans une lutte contre le père de l’une de ses conquêtes, Thad fuit à la nage, en remontant la rivière jusqu’à Chicago… Mais le père blessé n’est autre qu’un petit voyou local et a bien l’intention de se venger.
À l’aube, il avait eu une nouvelle intuition liée à la forme. De l’autre côté de la fenêtre il avait regardé un saule apparaître lentement, en se disant que les humains ressemblaient davantage à des saules qu’à d’autres mammifères, y compris le chimpanzé qui partageait pourtant quatre-vingt-dix-huit pour cent de notre génome. Les saules ont leur tronc pour corps, mais ils proposent des dizaines de membres saillants et un feuillage généreux. Ils se vautrent tout bonnement dans l’existence comme les humains. Nageur de rivière - Jim HARRISON
Nageur de rivière : un recueil charnel à la douce mélancolie
Je vous le dis tout de suite, j’ai été un peu surprise, et donc un poil déçue, par le recueil Nageur de rivière. J’en attendais autre chose. Peut-être à cause de l’influence du film, peut-être surtout parce que j’en attendais du nature writing à l’état brut. Et, en dehors des marais infesté de moustiques, des oiseaux ou des fleuves peuplés d’étranges créatures aquatiques, je dois dire que la nature manque singulièrement à l’appel de Nageur de rivière. (Enfin, ce n'est pas tout à fait une absence, mais plus un manque d'adéquation avec ce que j'en attendais.) En revanche, le sexe, lui, est bien présent. J’ai eu beaucoup de mal à accrocher à la première nouvelle ; Clive ne m’a pas passionnée… il m’a fait l’effet d’un homme resté au stade d’adolescent lubrique fantasmant sur la voisine. Son évolution est, certes, intéressante, mais je pense que l’histoire (et surtout le personnage) m’est passée largement au-dessus. J’ai été nettement plus intriguée par la nouvelle Nageur de rivière et son personnage Thad, incapable de vivre sans nager et cherchant à tout prix à se réaliser, à faire sa vie, quitte à exploiter les rencontres qui sont mises sur son chemin. Il existe néanmoins un fil conducteur entre les deux nouvelles : le choix. Vers quelle route se tourner ? Comment se relever après les échecs et illusions réduites en cendres ? L’un devra apprendre à faire tomber le masque du cynisme et de la culture artistique derrière lequel il cache sa vraie personnalité ; l’autre devra trouver une voie raisonnable entre liberté et impression d’être tenu en laisse. Au final, je ne suis pas hyper enthousiasmée par le recueil Nageur de rivière. J’aurais probablement mieux fait de m’orienter vers un roman de Jim Harrison, comme Dalva ou Un bon jour pour mourir, pour débuter. Ce n’est que partie remise. Car l’écriture de Jim Harrison m’a plu ; la nouvelle Nageur de rivière m’a touchée. Et les thèmes abordés comme l’alcool, la nature et l’art ne sont pas pour me déplaire. Un second round est donc nécessaire.
Leur modeste ferme située sur une île au milieu d’une large rivière fut bâtie durant la Grande Dépression, à une époque où les règlements du compté et de l’État s’assouplirent pour s’adapter aux besoins des habitants. Les Indiens Chippewas la revendiquèrent en vain, mais sans doute revendiquaient-ils à juste titre tout ce qui se trouvait dans la région. Y vivait une vieille Indienne célibataire appelée Dent, car au lieu d’avoir deux incisives saillantes elle en avait une seule et très grosse. Nageur de rivière - Jim HARRISON
Les détails du livre
Nageur de rivière
Auteur : Jim HARRISON
Traducteur : Brice MATTHIEUSSENT (The River Swimmer)
Éditeur : J'ai lu
Prix : 7,10 €
Nombre de pages : 282
Parution : 4 mars 2015
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Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!
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