En haut !

Miniaturiste : un roman envoûtant qui plonge dans le coeur d’Amsterdam

[Carozine dévore le roman Miniaturiste - Jessie BURTON]

15 Juin 2015

Carozine dévore le roman Miniaturiste - Jessie BURTON
Cela vous tente-t-il de poursuivre les voyages ? Je suis certaine que vous ne direz pas non, c'est toujours bon à prendre de voyager depuis son canapé (ou mieux : de son lit !) et pour un prix dérisoire. J’ai entendu parler du roman Miniaturiste, qui est le premier roman de Jessie Burton (qui sera désormais une auteur que je vais suivre de -très- près !), lors d’une conférence évoquant les coups de coeur des libraires. J’avais été intriguée par l’histoire de ce livre, le décor un brin « exotique » (la ville d’Amsterdam, à la fin du 17e siècle et j'aurai même appris, ô ignare que je suis, que les habitants de cette certainement belle ville s'appellent donc des Amstellodamois... de quoi briller lors des dîners mondains. Ou pas)… mais je ne m’attendais pas à être emportée à ce point par ce roman. J’ai été soufflée par Miniaturiste qui est un petit bijou que je vais certainement glisser entre les mains de mes proches et recommander à mes fidèles lecteurs (oui, vous !). Parce que pour un premier roman, c’est une sacrée réussite.

Ces funérailles devaient être discrètes, car la personne décédée n’avait pas d’amis, mais on est à Amsterdam, où les mots s’écoulent comme de l’eau, inondent les oreilles, nourrissent la pourriture, et le coin est de l’église est bondé. Elle regarde la scène se dérouler, en sécurité depuis une stalle du choeur, tandis que les membres des guildes et leurs épouses encerclent la tombe béante comme des fourmis attirées par le miel. Miniaturiste - Jessie BURTON

Miniaturiste : une (très) jeune mariée ; Amsterdam et ses canaux bouillonnants et un mari absent

Miniaturiste - Jessie BURTON [ed. Gallimard "du monde entier"]
Petronella Oortman (dite Nella) n’a que dix-huit ans quand elle se tient, impatiente mais transie de peur, devant la porte de sa future maison : elle vient d’être mariée, après un arrangement passé par sa mère, à Johannes Brandt, riche marchand d’Amsterdam âgé de trente-neuf ans. Fraîchement débarquée de sa campagne, Nella pousse timidement la porte. Elle qui s’attendait à un accueil en fanfare par son mari se retrouve dans une maison oppressante où elle ne connait personne et où personne ne l’attend. Les premiers instants sont difficiles : elle est terrassée par la soeur de Joahnnes, Marin Brandt, à l’apparence austère, qui la jauge telle de la marchandise avant de la confier aux bons soins d’une servante un poil insolente, Cornelia. Alors que son mari reste obstinément éloigné d’elle, Nella se demande comment devenir une bonne épouse, comment occuper son temps dans cette maison où elle se sent étrangère et espionnée. Et, un beau jour, Johannes Brandt lui offre une réplique parfaite de leur maison en lui expliquant qu’elle en fera ce que bon lui semble, libre à elle d’acheter des accessoires. Dénichant dans une liste d’artisans un miniaturiste spécialiste du « tout et pourtant rien », Nella lui commande un luth et des pâtes d’amandes. Cette livraison sera rapidement suivie par un colis plus qu’étrange : les versions miniatures des habitants de la maison et des personnes qui gravitent autour d’elles… dont le couple arriviste formé par Agnès et Frans Meermans, qui a confié des pains de sucre à Johannes Brandt afin qu’il en fasse une jolie vente. Un berceau fait également partie du colis : le miniaturiste serait-il capable de lire l'avenir ?

Pendant deux ans, Nella s’entraîna à devenir une dame. Sa mère la contraignit à apprendre à bien marcher. Marcher vers ? demanda Nella. Sa mère fit la moue et, pour la première fois, la jeune fille, oubliant les vastes ciels, éprouva le désir d’échapper de son village, à cette prison bucolique qu’une fine poussière avait entrepris de recouvrir. Dans son nouveau corset serré, elle travaillait le luth, ses doigts délicats parcourant la touche, trop inquiète de la fragilité nerveuse de sa mère pour se rebeller. Miniaturiste - Jessie BURTON

Miniaturiste : intensité dramatique et écriture fine pour un roman envoûtant

Miniaturiste - Jessie BURTON
Evidemment, à la lecture de la première partie, celle qui correspond à l’arrivée de Nella dans cette maison glaciale, dominée par la présence austère de Marin Brandt qui se nourrit de harengs et refuse obstinément le sucre par peur de la dépravation morale, j'ai pensé au magnifique roman Rebecca, de Daphné du Maurier. Il y a dans le Miniaturiste de Jessie Burton la même tension, la même atmosphère parfois glaçante mais surtout mystérieuse, comme si l’on évoluait dans une nappe de brouillard. Cependant, on retrouve également dans le roman de Jessie Burton un soupçon de la dénonciation de la condition sociale des femmes que l’on trouve chez Jane Austen et, bien sûr, le décor des Pays-Bas du 17e siècle que l’on peut avoir dans La jeune fille à la perle de Tracy Chevalier… en plus fouillé, plus romanesque et plus ambitieux : Amsterdam est ici bouillonnante, oscillant sans cesse entre moralité et sens inné des affaires ; on y découvre les us, le fonctionnement tacite d’une société un poil hypocrite, et les odeurs. Miniaturiste trace sa propre voie et balaie toute ressemblance par son intensité dramatique et cette aura mystérieuse qui nimbe le roman : qui est cette miniaturiste qui semble en savoir si long sur cette famille dont les murs protègent pourtant les secrets ? que cachent Marin et Johannes ? Dans cette Amsterdam magnifiquement décrite par Jessie Burton, on assiste à la naissance d’une femme : Nella va passer de la jeune mariée ne sachant pas où mettre les pieds et ne se sentant pas à sa place, à une épouse accomplie, décidée. Avec ténacité, elle se créera un foyer, approchera un mari « qui parle toutes les langues sauf celle de l’amour », et en percera les secrets. Avec Miniaturiste, Jessie Burton aborde avec délicatesse et sensibilité le thème de l’amour impossible, du prix de la liberté et de la passion. Et, oui, vous serez transporté par cette jeune fille à la maison de poupée qui ne sait comment interpréter la perspicacité de la miniaturiste et se voit confrontée à son propre destin : comment doit-elle vivre ? Miniaturiste offre des portraits de femmes denses, aux personnalités complexes et à la psychologie travaillée, toutes différentes mais si semblables dans cette prison « dorée » où leur liberté est toute relative. Jessie Burton signe une oeuvre puissante, du vrai romanesque comme je l’aime : intelligent ; tourbillonnant et intense… une immersion merveilleuse.

Nella est heureuse d’avoir quitté Assendelft, mais elle n’est plus chez elle nulle part - ni là-bas dans les champs ni ici au bord des canaux. A la dérive, elle se sent prête à échouer entre l’idée qu’elle se faisait de son mariage et sa situation réelle ; et le cabinet, superbe et inutile, le lui rappelle horriblement. La défiance de Johannes envers elle commence à se révéler. Combien de fois a-t-il disparu à la Bourse, à la VOC, aux entrepôts près des tavernes de l’est, où les pommes de terre ont la chair la plus moelleuse ? (…) Marin, au moins, m’a fait un bleu ! Etre reconnaissante d’un pincement, c’est vraiment ridicule ! Miniaturiste - Jessie BURTON

Les détails du livre

Miniaturiste

Auteur : Jessie BURTON
Editeur : Gallimard (coll. du monde entier)
Prix : 22,90 € [16,99 au format Kindle]
Nombre de pages : 512
Parution : 26 mars 2015

Acheter le livre


Miniaturiste

15 juin 2015

Longtemps, je me suis couché(e) de bonne heure... pour lire. So what?!

Autres lectures de Carozine : Prime Time : du rififi chez les Terricules.

. . Caroline D.